Action pour la Justice Environnementale (AJE) a saisi la Cour Suprême pour annuler le décret de déclassification de la bande des filaos de Guédiawaye. L'affaire sera jugée, ce jeudi 25 avril 2024. L'agent judiciaire de l'Etat déchire, dans une note qui nous est parvenue, les arguments avancés par le plaignant.
Le jeudi 25 avril prochain, la Cour Suprême se penchera sur la déclassification de la bande des filaos de Guédiawaye. La haute juridiction va ainsi statuer sur le recours en annulation du décret de sa déclassification, suite à une plaine de l'association, Action pour une justice environnementale (AJE). Dans un décret signé le 5 avril 2023, l'ancien président de la République, Macky Sall, a officialisé le déclassement de 826 hectares de la bande des filaos de Guédiawaye. La longueur s'étend du rond-point Gadaye à Guédiawaye, en passant par Yeumbeul-Nord, Malika jusqu'à Tivaouane Peulh. Le déclassement est justifié par un projet d'utilité publique dénommé Plan d'urbanisme de détails (PUD).
Pour Action pour la Justice Environnementale dite AJE, initiatrice de la plainte, «cette décision de déclassement, au regard de l'importance que revêt cette bande à fort valeur écologique, ne poursuivant véritablement aucun objectif d'un intérêt général, demeure sans aucun doute une violation des dispositions pertinentes des textes nationaux et surtout des conventions internationales, en matière environnementale auxquelles l'État du Sénégal est partie».
LE DÉCRET DU PRÉSIDENT MACKY SALL «VIOLE LA LETTRE ET L'ESPRIT» DE LA LOI 64-46 DU 17 JUIN 1964 RELATIVE AU DOMAINE NATIONAL, EN SON ARTICLE 6
Dans la note envoyée à la Cour Suprême, AJE explique aussi «qu'en déclassant une zone couvrant une bande de filaos, laquelle est connue pour sa contribution à fixer les dunes, à lutter contre l'avancée de la mer, à protéger contre les vents et à améliorer la qualité de l'air, le décret du président de la République, pris à des fins de satisfaction d'intérêt privé, sans aucune mesure d'évaluation environnementale, viole la lettre et l'esprit de ladite disposition».
L'association de défense de l'environnement ajoute également que, «le terrain objet du déclassement fait partie des zones classées, conformément à l'article 6 de la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national : «les zones classées sont constituées par les zones à vocation forestière ou les zones de protection ayant fait l'objet d'un classement dans les conditions prévues par la règlementation particulière qui leur est applicable. Elles sont administrées, conformément à cette réglementation».
Mamadou Lamine Diagne et Cie trouvent que «l'objectif évoqué pour déclassifier cette bande de terre, ne traduit pas les réelles volontés de l'ancien régime. 3 hectares ont été octroyés à l'Union des magistrats sénégalais (Ums), 23 hectares qui visent, selon l'AJE, à servir les élus locaux». Rappelons que l'AJE a été déjà débouté par la Chambre administrative de la Cour Suprême, qui avait qualifié le déclassement du président de la République, Macky Sall, «d'intérêt général».
L'AJE pense avoir le droit de poursuivre l'Etat du Sénégal en justice, «puisqu'étant une association de droit sénégalais, militant pour la défense et la protection des droits environnementaux, et agréé en tant tel par le ministère de l'Intérieur, à travers le récépissé N°019857/MINT/DGAT/DLPL/DAPA, délivré en date du 08 juillet 2020 ; elle est habilitée à exercer ce recours, en application des dispositions de l'article L 107 du Code l'environnement qui dispose : "(...) Les Associations de défense de l'environnement, lorsqu'elles sont agréés par l'État dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement, peuvent introduire des recours devant les juridictions compétentes selon la procédure administrative ou la procédure de droit commun"». Elle tient aussi à rappeler que «la Cour Suprême du Sénégal, dans un arrêt en date du 27 octobre 2022, a reconnu la qualité à agir à l'Action pour la justice environnementale».
CONTRE-ATTAQUE DE L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
La défense de l'Etat du Sénégal au procès de ce jeudi sera assurée par son agent judicaire. Dans la requête de l'irrecevabilité de la demande de l'AJE, il fonde son argumentaire sur le fait que le récépissé du ministère de l'Intérieur ne donne aucun droit au plaignant, (Action pour la justice environnementale - AJE). «Il résulte de cette disposition qu'une Association de défense de l'environnement ne peut ester en justice sans, au préalable, bénéficier d'un agrément délivré par l'Etat, en l'occurrence le ministère de l'Environnement».
L'Agent judicaire de l'Etat trouve également qu'en l'espèce, «le récépissé sus-évoqué ne mentionne aucunement que ladite association fait l'objet d'un agrément de la part du ministre de l'Intérieur. Il s'agit uniquement d'une reconnaissance de la constitution de l'association. Il s'ensuit que la demanderesse n'a pas produit, ni n'offre de produire l'agrément dont elle prétend bénéficier pour demander l'annulation du décret visé».
L'Agent judiciaire de l'Etat motive sa décision aussi par le fait que «l'élargissement de l'assiette foncière du nouveau département de Keur Massar était devenu une question d'utilité publique, eu égard aux importants travaux effectués dans la banlieue (BRT, les inondations, la pression foncière etc..). Qu'à cet égard, la zone des filaos décrite à l'article premier du décret attaqué constitue l'une des rares possibilités d'extension de la ville de Guédiawaye, ceinturée pour une bonne partie par la ville de Pikine».
Mieux, ajoute-t-il, «le Plan d'Urbanisme de détails (PUD) de Yeumbeul Nord, Malika, Tivaouane Peulh a été établi en collaboration avec les services techniques de Pikine, de Keur Massar et de Rufisque ainsi que les Collectivités territoriales et en cohérence avec les orientations générales fixées par le Plan Directeur d'Urbanisme de Dakar (PDU) et ses environs, horizon 2035». A signaler que la bande des filaos est une vaste étendue de forêt plantée en 1948. Elle permet de fixer les dunes de sable et protège la population de l'érosion côtière. Elle s'étend de Dakar à Saint-Louis.