Au Royaume-Uni, le gouvernement a fait passer, à l'arrachée, son projet de loi controversé au Parlement, provoquant une nouvelle vague d'indignation.
Le Parlement a fini par adopter, dans la nuit de lundi (22.04) à mardi, le texte qui doit permettre de concrétiser un traité conclu avec Kigali. Il permet de renvoyer vers le Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche.
Pour l'organisation allemande de défense des migrants Pro Asyl, l'accord avec le Rwanda est "clairement illégal, inhumain et extrêmement coûteux". En plus, poursuit l'ONG, il "repose sur l'hypothèse erronée qu'il permettra d'empêcher la fuite (de migrants) vers le Royaume-Uni."
C'est pourtant ce que prétend le Premier ministre Rishi Sunak et son gouvernement conservateur. "Stop the boat", promet, depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre britannique. Il veut "stopper les bateaux" qui traversent la Manche, alors que le nombre d'arrivées sur les côtes est à nouveau en hausse et que le Royaume-Uni dit avoir enregistré quelque 67.000 demandes d'asile l'an dernier.
Rishi Sunak a fait de sa politique migratoire une clé de voûte de son action.
Reste que cela passe, selon les Nations unies, par des lois "de plus en plus restrictives" et qui "ont érodé l'accès à la protection des réfugiés" depuis 2022. L'Onu appelle ainsi Londres à "reconsidérer son plan" avec le Rwanda.
La nouvelle loi contourne une décision de la Cour suprême britannique. Elle avait jugé le projet initial illégal, car il violait selon les juges plusieurs accords internationaux et ce, au motif qu'il n'existe pas de procédure d'asile sûre au Rwanda, ni de protection contre la persécution.
Le Rwanda, un pays sûr selon Londres
Pour se mettre à l'abri des recours juridiques, le texte voté au Parlement déclare tout simplement le Rwanda comme un pays tiers sûr. Il interdit aussi le renvoi des migrants vers leur pays d'origine.
La loi prévoit même que le gouvernement pourra outrepasser d'éventuelles injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme pour empêcher les expulsions. C'est ce que la Cour avait fait l'an dernier pour annuler à la dernière minute le décollage du premier vol d'expulsion.
Le Haut-commissariat aux réfugiés de l'Onu doute également du traitement des demandes d'asile au Rwanda, et craint l'absence d'un "système d'asile accessible, fiable, juste et efficace" dans un pays où des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch dénoncent régulièrement des atteintes aux droits de l'Homme, à la liberté d'expression ou encore des disparitions forcées.
Plus largement, d'après Pro Asyl, ce genre d'accord d'externalisation présente le risque que des Etats se placent "dans une relation de dépendance avec des régimes autocratiques et dictatoriaux". L'ONG dénonce ainsi "le silence du gouvernement britannique sur le soutien rwandais au groupe rebelle M23, dans l'est de la RDC".
"Les vols auront lieu quoi qu'il arrive"
Mais Rishi Sunak est bien déterminé à concrétiser l'accord avec Kigali initié sous son prédécesseur, Boris Johnson. D'autant que des élections régionales et nationales auront probablement lieu en octobre et que le Premier ministre est au plus bas dans les sondages. Or, la migration est un thème porteur auprès d'une partie de l'électorat.
Le premier avion pourrait décoller dans dix à douze semaines, selon Rishi Sunak. Une compagnie aérienne commerciale a accepté d'opérer les vols charters. Cinq cents personnes chargées d'accompagner les demandeurs d'asile auraient déjà été formées.
L'Etat mobilise également des juges pour traiter rapidement les recours juridiques des demandeurs d'asile qui peuvent contester individuellement leur expulsion.
"Nous sommes prêts. Les plans sont en place. Et ces vols auront lieu quoi qu'il arrive", a déclaré le chef du gouvernement britannique.