Les accidents de travail se multiplient et comme cela est considéré le plus souvent comme un simple fait divers, on en fait état, mais sans beaucoup insister. A moins que cela ne soit très grave ou spectaculaire.
Comme l'incident qui a eu lieu dernièrement à Nabeul où une immense grue est tombée, provoquant des dégâts matériels importants. Des victimes, heureusement, il n'y en avait pas. Le hasard a voulu qu'il n'y ait personne dans les parages immédiats. Cet accident qui aurait pu être un véritable drame a remis à l'ordre du jour la question des normes de sécurité qui devraient être assurées sur les chantiers.
Ces normes ne concernent pas seulement la protection de ceux qui travaillent sur le chantier, mais également les dispositions à prendre pour protéger les alentours et ceux qui sont devenus par la force des choses des riverains, le temps que ces entreprises remballent matériels, engins et autres outils plus ou moins dangereux.
Il y a toujours risque..
Pour illustrer les entorses à la réglementation régissant ces chantiers qui se trouvent ou qui émergent un peu partout, il suffit de se rendre dans n'importe quelle cité, ville ou gouvernorat. Les exemples ne manquent pas. Pour en avoir idée, il n'y a qu'à lever la tête pour voir au deuxième, quatrième ou sixième étage l'échafaudage mis en place pour le badigeonnage d'un immeuble.
A ces hauteurs vertigineuses, aucun système de protection. Le ou les ouvriers, le dos dans le vide, évoluent sans peur et sans reproche de la part du chef de chantier. Comment ces hommes, qui sont généralement chefs ou soutiens de famille, acceptent-ils de travailler dans ces conditions incroyables, intenables, inhumaines.
Notre passage pour voir ce qui se passe à une dizaine de kilomètres de la capitale a coïncidé avec la sortie d'un de ces ouvriers. Il se dirigeait vers l'arrêt du bus. Nous lui avons offert de le prendre en charge. Cela lui a délié la langue. «Je ne sais pas si je suis assuré. Personne ne m'a jamais parlé de cette histoire d'assurance. Je suis bien content de travailler et comme nous sommes payés régulièrement, j'envoie un peu d'argent à la famille. Personnellement, je ne suis pas assez qualifié pour travailler sur les échafaudages que l'on pose à l'extérieur pour la finition.
Il y a ceux qui sont spécialisés mais je suis personnellement incapable de le faire. J'ai peur du vide et si on m'y oblige je partirai pour aller ailleurs. J'ai entendu les chefs recommander de poser des «planches» de protection, mais pour ce genre des travaux on les confie à des ouvriers chevronnés qui sont payés à la tâche pour gagner du temps ». Comme nous avons vu des ouvriers qui ne sont pas tunisiens, nous lui avons posé la question à propos de ces jeunes. «Ils viennent du Sahara. On les fait travailler à l'intérieur et on leur confie des tâches bien déterminées».
Mauvaise habitude
En quittant le chantier, on a vu des amoncellements de gravats un peu partout. Pour tout résumer, on pourrait dire tout simplement que l'on se débarrasse de tout ce dont on n'a pas besoin n'importe où. Celui qui viendra pour prendre en charge le chantier que l'on entamera agira de la même manière. Il paraît à ce propos que l'on prépare une réglementation pour prendre en charge ces gravats et autres détritus de tous genres, pour les traiter et les mettre en valeur. Tant mieux, même si l'on considère qu'il était temps d'y penser.
Une mauvaise habitude que les contrôleurs des chantiers ne répriment pas ou rarement: le fait d'occuper le trottoir et même une partie de la chaussée pour déposer des matériaux ou des remblais. Cette occupation indue des trottoirs occasionne bien des tracas pour les riverains, les passants et pour tous ceux qui habitent dans les environs immédiats.
Ils ne peuvent plus se garer, ne trouvant plus de place pour circuler, ce qui les oblige à emprunter la chaussée, avec tout le danger que cela représente, etc. Ce comportement, sans gêne, n'est presque jamais réprimé. C'est comme le fait de verbaliser ou de poser des sabots aux voitures qui stationnent en infraction et qui tolèrent qu'on pose des bidons, des obstacles de tout genre pour accaparer une partie de la chaussée. Quelle différence y a-t-il ?
Ces comportements donnent une image déplorable de la ville concernée. Que ce soit en pleine capitale ou ailleurs, on ferme les yeux sur ces transgressions qui donnent l'impression qu'elles font, désormais, partie du comportement des entreprises chargées d'effectuer des travaux.
Il faut être assuré
Mais lorsque l'on parle d'accidents, on doit se poser des questions à propos du devenir de ceux qui en sont victimes. Un assureur qui opère pour le compte d'une entreprise des plus renommées de la place est catégorique : «En général, les grosses entreprises assurent le personnel qu'elles emploient. Mais nous savons qu'elles n'assurent qu'une partie.
Si elles emploient cinquante personnes, elles ne déclarent que vingt ou trente. En cas d'accident, l'accidenté entre dans ce contingent et le dossier est clos. Nous opérons des contrôles, mais ces entreprises sont bien organisées et à moins d'encercler toutes les issues il sera impossible de faire le compte. Seuls les accidents graves, surtout là où il y a décès, sont déclarés. Il y a des accords de gré à gré qui se font. On promet un réengagement à la fin de la convalescence et le tour est joué ».
Ce résumé succinct de la situation ne soulève aucunement le cas des autres chantiers. En effet, les accidents peuvent avoir lieu dans une simple remise en état d'un plafond, d'un mur ou une autre intervention. Un madrier qui tombe sur la tête d'un ouvrier peut causer sa mort. Qui est responsable et comment régler la situation en cas de litiges ? La réglementation est claire : il faut être assuré. Qui est responsable et comment s'en sortir alors que l'on semble peu conscient de ce grave dossier à prendre à bras-le-corps et régler de manière efficace et rationnelle.
La situation actuelle est, de ce fait, une menace pour l'employeur, l'entreprise ou le privé et pour les employés. L'Etat perd de l'argent et les conséquences négatives planent sur la tête de ceux qui travaillent.