Les arrestations pour participation à des manifestations interdites, les morts sans enquêtes, la mendicité des enfants et des dispositions controversées du Code de la famille, sont dénoncés par Amnesty international dans son rapport annuel sur les droits humains de l'année 2023 publié hier, mercredi 24 avril 2024.
Amnesty international a publié hier, mercredi 24 avril, son rapport annuel 2024 sur la situation des droits humains dans le monde. Pour le cas du Sénégal, l'organisation pointe du doigt la répression des manifestations, les entraves à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique qui s'est poursuivie à l'approche de l'élection présidentielle de mars 2024. Des défenseures des droits humains, des militantes et des journalistes ont été arbitrairement arrêtés et placés en détention. Les Forces de défense et de sécurité ont utilisé une force excessive lors de ces manifestations, et des personnes ont en conséquence été blessées ou tuées. Dans son rapport, Amnesty international note que plusieurs manifestations organisées par Yewwi Askan Wi, principale coalition de l'opposition, et par les organisations de la société civile, F24 et FRAPP ont été interdites, sous prétexte d'empêcher des troubles à l'ordre public. Les autorités ont refusé de lever l'interdiction, en vigueur depuis 2011, des manifestations politiques dans le centre-ville de Dakar, malgré une décision de la Cour de justice de la CEDEAO.
Amnesty international rappelle qu'à la suite des manifestations organisées en juin 2023, en soutien à Ousmane Sonko, après sa condamnation à deux ans d'emprisonnement pour «corruption de la jeunesse», l'accès à Internet au moyen des données mobiles a été restreint par les autorités et TikTok n'était accessible qu'en utilisant un réseau privé virtuel. Le signal de Walf TV, qui a couvert les manifestations, a été coupé sans préavis par le ministère de la Communication, des Télécommunications et de l'Économie numérique pendant le mois de juin.
AU MOINS 56 PERSONNES TUÉES ET AU MOINS UN MILLIER D'AUTRES BLESSÉES ENTRE MARS 2021 ET JUIN 2023, LORS DE MANIFESTATIONS
Entre janvier et octobre 2023, plus d'un millier de personnes ont été arrêtées et placées en détention, principalement en raison de leur participation à des manifestations ou de leur lien présumé avec le PASTEF. Des journalistes ont été arrêtés, placés en détention et condamnés à des peines d'emprisonnement à l'issue de procès engagés contre eux notamment pour diffamation ou diffusion de fausses nouvelles.
Amnesty international dénonce aussi l'arrestation de défenseurs de l'environnement et tient à rappeler, qu'en juillet, Oudy Diallo, président de l'association Kédougou Alerte Environnement et de la Commission de l'Environnement du Conseil départemental de Kédougou, a été condamné à six mois d'emprisonnement. Il avait été inculpé de «diffusion de fausses nouvelles, collecte et diffusion de données à caractère personnel, outrage à un adjudant de la Brigade de la Gendarmerie de Saraya dans l'exercice de ses fonctions et diffamation à l'égard d'une institution militaire de la Gendarmerie nationale parce qu'il avait publié sur Facebook une photo de cet adjudant qu'il accusait de complicité avec des entreprises chinoises dans l'exploitation illégale présumée de l'or dans la région de Kédougou».
Entre mars 2021 et juin 2023, au moins 56 personnes ont été tuées dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre lors de manifestations, et un millier d'autres au moins ont été blessées se désole Amnesty international qui signale, «qu'aucune information n'a été communiquée au sujet de l'enquête judiciaire portant sur la mort de 14 hommes, dont 12 tués par les Forces de défense et de sécurité, lors des manifestations qui avaient eu lieu dans plusieurs villes en mars 2021, après l'arrestation d'Ousmane Sonko».
INÉGALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES DANS LE CODE LA FAMILLE, NON ADOPTION DU PROJET DE CODE DE L'ENFANT ET DU PROJET DE LOI SUR LE STATUT DES DAARAS
Relativement aux droits des femmes et des filles, l'organisation signale que, le Code la famille confère la «puissance paternelle et maritale» aux hommes uniquement et désignait le père en tant que chef de famille, ce qui privait les femmes de droits et d'autorité sur leur ménage et leurs enfants. L'article 111 du Code de la famille fixait l'âge minimum légal pour contracter un mariage à 16 ans pour les filles contre 18 ans pour les garçons, privant ainsi les filles du droit à l'égalité dans le mariage.
Les droits des enfants sont aussi violés. «La pratique consistant à forcer les garçons talibés, les élèves des écoles coraniques, ou daaras à mendier demeurait courante», signale le rapport qui estime que, le gouvernement n'a pas adopté le projet de Code de l'enfant et le projet de loi sur le statut des daaras. Le secteur de la protection de l'enfance a continué de pâtir d'un financement insuffisant, ce qui s'est traduit par un manque de protection des enfants talibés, qui subissaient des violations de leurs droits fondamentaux, notamment de leur droit à la vie, à la survie et au développement, ainsi que de leur droit de ne pas subir quelque forme que ce soit de violence physique ou mentale.
RECOMMANDATIONS POUR LA RÉFORME DES LOIS ET RÈGLES EN MATIÈRE D'USAGE DE LA FORCE, LORS DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE L'ORDRE
Face à toutes ces violations, l'organisation de Seydi Gassama juge que la réforme des lois et des règles en matière d'usage de la force, notamment des armes à feu lors des opérations de maintien de l'ordre doit être entreprise dans les plus brefs délais. Elles doivent être mises en conformité avec les normes et standards internationaux. Toute en rappelant que de graves abus contre les droits humains ont eu lieu entre mars 2021 et février 2024 et que justice la souvent été critiquée pour son manque d'indépendance du pouvoir exécutif qui l'a empêchée de jouer son rôle de rempart contre ces abus, elle souligne que des réformes s'imposent conformément aux recommandations pertinentes faites par la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) en 2013.
Amnesty international recommande aussi l'adoption du Code de l'enfant et de la loi portant statut des écoles coraniques (daaras) doit être une priorité du nouveau gouvernement. Des ressources suffisantes doivent, en outre, être allouées aux programmes de protection de l'enfance.