Cameroun: Les femmes qui mènent la lutte contre le paludisme au pays

La sage-femme Emily Otondo reçoit 50 à 60 femmes enceintes en consultation chaque semaine à l’hôpital de district de Soa, au Cameroun.

Nous disposons de nouveaux outils, mais ce sont les agentes et agents de santé en première ligne qui font la différence dans la lutte contre le paludisme.

Personne ne devrait mourir du paludisme. Il est inacceptable que des centaines de milliers de vies continuent d'être emportées chaque année à cause d'une maladie qui nous frappe depuis des millénaires. Comme l'ont souligné les ministres de la Santé des pays africains à l'occasion de la Conférence ministérielle sur le paludisme qui s'est déroulée le mois dernier à Yaoundé, au Cameroun, nous disposons des outils pour mettre fin à cette maladie, une fois pour toutes.

Des outils comme les dernières moustiquaires imprégnées d'insecticide à double action sont plus efficaces contre les moustiques ayant développé une résistance aux moustiquaires standard. D'autres outils comprennent la pulvérisation intradomiciliaire d'insecticide à effet rémanent, la chimioprévention du paludisme saisonnier pour les enfants de moins de cinq ans et le traitement préventif intermittent pour protéger les femmes enceintes de la maladie. Aujourd'hui, deux nouveaux vaccins - le RTS,S et le R21 - viennent s'ajouter à la liste. Tous ces outils sont plus efficaces lorsqu'ils sont utilisés conjointement dans le cadre de plans nationaux complets de lutte contre le paludisme.

Cependant, ces outils seuls ne suffiront pas à mettre fin au paludisme. Leur succès dépend entièrement de la solidité des systèmes de santé au sein desquels ils sont déployés. En fin de compte, ces systèmes de santé s'appuient sur des agentes et agents de santé formés et intégrés pour atteindre et servir les communautés les plus touchées par le paludisme.

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Ces agents sont en première ligne pour lutter contre les effets dévastateurs du paludisme dans leurs communautés. En travaillant ensemble, les médecins, le personnel infirmier, les techniciennes et techniciens de laboratoire, les sages-femmes et les agentes et agents de santé communautaires jouent tous un rôle crucial dans la lutte contre les maladies infectieuses et la prestation de services vitaux de prévention et de traitement.

Il faut également tenir compte d'un aspect important lié au genre : la majorité des agentes et agents de santé sont des femmes. Principalement infirmières, sages-femmes et agentes de santé communautaires, ces femmes fournissent des soins de santé à environ cinq milliards de personnes dans le monde.

Lors de ma récente visite au Cameroun, où l'ensemble de la population de 27 millions d'habitants est exposé au paludisme, j'ai eu l'honneur de rencontrer trois femmes extraordinaires qui mènent la lutte contre la maladie.

À l'hôpital de district de Soa, j'ai rencontré Emily Itondo, sage-femme qui offre des consultations prénatales aux femmes de la communauté et leur fournit un traitement préventif contre le paludisme, connu sous le nom de traitement préventif intermittent, ainsi que des moustiquaires imprégnées d'insecticide. Lorsqu'une femme enceinte est infectée par le paludisme, son bébé risque de naître avec un grave déficit de poids entraînant des complications de santé, voire la mort. Emily m'a expliqué qu'elle effectue systématiquement un test de dépistage du paludisme au cours de ses consultations avec les femmes enceintes et leur fournit les outils de prévention dont elles ont besoin.

Dans le même hôpital, Danielle Ekoto, infirmière en chef et directrice du service de vaccination, m'a raconté son rôle dans la direction du programme de vaccination de l'hôpital. Le Cameroun est le premier pays au monde à avoir intégré le vaccin antipaludique RTS,S à son programme national de vaccination. Depuis le mois de janvier, cette année, l'infirmière Danielle et ses collègues vaccinent des enfants âgés de six mois contre le paludisme.

Pour que l'accès aux soins de santé soit garanti, la confiance est indispensable. Les gens ont besoin de se sentir en sécurité et d'être traités avec attention et dignité. C'est pourquoi le travail des agentes et agents de santé communautaires est si important.

Toute la force de ces liens tissés m'est apparue clairement lorsque j'ai accompagné Amélie Tachifo, agente de santé communautaire, lors d'une visite à domicile chez l'une des familles qu'elle soutient : la mère, Melissa, le père, Tomnjong et leurs deux enfants, Gabriella et Tony-Jason.

Amélie accompagne la famille depuis six ans. Melissa parle d'elle comme de « sa soeur ». Et je comprends pourquoi.

C'est Amélie qu'ils ont appelée à deux heures du matin lorsque Melissa a commencé le travail pour l'accouchement de sa fille, Gabriella, aujourd'hui âgée de trois ans. Ils n'avaient personne d'autre à qui demander de l'aide et aucun moyen de se rendre à l'hôpital.

C'est Amélie qu'ils ont appelée lorsque Melissa et sa petite Gabriella sont tombées malades, l'année dernière. Melissa était tout juste enceinte de son deuxième enfant. Amélie les a toutes les deux envoyées à l'hôpital local, où on leur a diagnostiqué le paludisme. Gabriella a été hospitalisée quatre jours, mais elle s'est rétablie, en partie parce qu'elle a été diagnostiquée et mise sous traitement rapidement.

C'est Amélie qui a veillé à ce qu'après cet épisode terrifiant, Melissa reçoive un traitement préventif intermittent pendant la grossesse et que sa famille dorme sous une nouvelle moustiquaire imprégnée d'insecticide à double action.

Et c'est Amélie qui a parlé du vaccin contre le paludisme à la famille. Tony-Jason, alors âgé de huit mois, a été vacciné à l'hôpital de district de Soa en février dernier.

Chacune à leur poste - Danielle, infirmière, Emily, sage-femme et Amélie, agente de santé communautaire -, elles appuient les interventions vitales de la lutte contre le paludisme qui, ensemble, contribuent à une approche globale et cohérente contre la maladie. Leurs rôles sont fondamentaux au bon fonctionnement du système de santé, ainsi qu'à la santé et au bien-être en général des communautés qu'elles servent.

Sans leurs efforts inlassables, la lutte contre le paludisme n'en serait pas là où elle en est.

Cela doit se traduire par un soutien, des formations, une protection et une rémunération appropriés. En effet, malgré leur rôle vital, il est fréquent que les agentes et agents de santé communautaires ne soient pas suffisamment rémunérés, voire pas rémunérés du tout. Dans le cas d'Amélie, le faible salaire qu'elle perçoit l'oblige à avoir un autre travail pour compléter ses revenus.

Les outils ne sont qu'une pièce du puzzle. En cette Journée mondiale de lutte contre le paludisme, n'oublions pas que les progrès mondiaux sont portés par ces agentes et agents de santé héroïques en première ligne - dont la plupart sont des femmes. Le monde leur doit respect et reconnaissance.

Cet article d'opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.

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