Tunisie: Sfax - Crise migratoire à El Amra et Jebeniana - Le pays, entre transit et migration, plaidera toujours pour une approche multidimensionnelle

26 Avril 2024

Le Chef de l'Etat, Kaïs Saïed, s'est prononcé à maintes reprises sur les conséquences de cette crise migratoire, précisant que la Tunisie ne sera ni une terre de transit, ni une terre de destination pour les migrants irréguliers. Et de rappeler sa position plaidant en faveur d'une approche multidimensionnelle pour lutter contre ce phénomène qui commence par la création du développement et des richesses dans le continent africain.

La crise migratoire provoquée par un flux ininterrompu de migrants subsahariens commence à soulever les inquiétudes dans certaines délégations du gouvernorat de Sfax où la situation s'est dégradée. Encore une fois, des actes de violence entre migrants et locaux font craindre le pire, pendant que les autorités ont multiplié les campagnes sécuritaires. Au-delà, la crise est, semble-t-il, encore plus profonde.

Ces derniers jours, plusieurs actes de violence ont eu lieu dans les deux délégations sfaxiennes, d'El Amra et Jebeniana où une importante communauté de Subsahariens s'est installée depuis plusieurs mois. Selon les habitants locaux, ces migrants irréguliers auraient agressé des citoyens et vandalisé des biens publics et privés pour des raisons jusque-là inconnues.

Dans des déclarations, Wassim Bey, membre du conseil local, évoque même la découverte d'un cimetière improvisé par des migrants subsahariens sur des terres privées à Jebeniana. Depuis mardi, des campagnes sécuritaires inédites et des descentes policières ont été lancées par le ministère de l'Intérieur pour maîtriser la situation avant qu'elle ne dégénère.

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Si cette intervention « démontre la capacité de l'Etat à protéger les citoyens et leurs biens dans le cadre de la loi », selon les affirmations du premier délégué chargé des affaires du gouvernorat de Sfax Mohamed Kaddouda, pour les habitants, la situation menace de se détériorer à tout moment.

Une main-d’œuvre pas chère

Il faut noter que cette grande mobilisation a permis de délocaliser des centaines de migrants qui ont squatté des terres et des propriétés privées. Contacté, Hafedh Louhichi, député au Parlement représentant la circonscription d'El Amra et de Jebeniana, estime que la crise est encore plus profonde et laisse entrevoir des intentions préméditées de certaines parties.

Selon lui, l'afflux massif des migrants subsahariens dans ces régions n'est pas innocent et cultive des liens avec des actions criminelles de passeurs et de réseaux impliqués dans la traite des êtres humains à des fins politiques et économiques. « Ces migrants sont transportés et installés dans ces délégations par des réseaux criminels qui pratiquent la traite des êtres humains, notamment à des fins économiques, mais aussi pour des raisons politiques visant à déstabiliser le pays », a-t-il fait remarquer.

Interrogé sur leur présence particulièrement dans ces deux délégations, Hafedh Louhichi reconnaît l'existence de ce qu'il appelle un « vivier social » dans la mesure où ces migrants offrent une main-d'oeuvre bon marché, notamment pour la récolte des olives.

Autant rappeler que dans ces deux délégations, des centaines de migrants hommes, femmes, enfants, nourrissons vivent dans les oliveraies. Ils ont été chassés des villes et se retrouvent à vivre sous les arbres sans moyens de subsistance. « Nous sommes en contact direct avec les ministres de l'Intérieur et de la Défense et nous appelons même à une intervention militaire pour sécuriser la région et protéger les citoyens et leurs biens », a-t-il appelé.

L'Ugtt interpelle

Le bureau régional de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) à Jebeniana et El Amra était le premier à alerter quant aux répercussions de cette crise. Dans un communiqué, il appelle à « protéger le droit des habitants de protester pacifiquement et demander une solution radicale au flux continu des Subsahariens vers les délégations d'El Amra et de Jebeniana ».

Contactées également par La Presse, ces parties syndicales mettent en garde contre les répercussions graves de ce phénomène et s'attachent à tous les moyens légitimes de lutte, menaçant de grève générale, face à la persistance des reports pour la prise de décisions.

Le syndicat local considère que l'approche sécuritaire seule n'est pas suffisante pour sortir de cette crise, exhortant les autorités à trouver des solutions radicales, garantissant la dignité des migrants africains, d'une part, et le droit naturel à une vie sécurisée pour tous les habitants, d'autre part. Le syndicat local a également souligné que «le rejet par les habitants d'El Amra et de Jebeniana de la présence intensive des Africains n'a aucun lien avec le racisme», mais reste motivé par des raisons sécuritaires.

D'un point à un autre ?

Vers où ces migrants chassés de ces localités seront-ils transportés ? La crise sera-t-elle délocalisée dans une autre région du pays ? Seront-ils immédiatement expulsés vers leurs pays d'origine ?

Dans ce climat tendu, les autorités peinent à trouver une solution radicale à cette crise migratoire qui commence à frapper de plein fouet la situation sociale et économique du pays.

Dans ce sens, le porte-parole de la Garde nationale, Houssemeddine Jebabli, a soutenu, dans des déclarations médiatiques, que ces migrants seront transportés vers d'autres zones, sans donner plus de précisions. «Cette démarche sera entreprise en collaboration avec de nombreuses parties prenantes. J'appelle également les organisations de défense des droits humains et celles qui s'occupent des réfugiés à participer à ces efforts», a-t-il lancé à qui de droit.

Un camp qui regroupera provisoirement ces migrants irréguliers ? C'est le scénario que redoute le plus une partie des Tunisiens, particulièrement ceux qui sont confrontés au problème, dans la mesure où cette solution provisoire pourrait ouvrir la voie à une résidence prolongée des migrants subsahariens en Tunisie.

En effet, l'activité croissante du crime organisé et des réseaux de traite des personnes a poussé un grand nombre de migrants à choisir la Tunisie comme destination de résidence, tandis que d'autres optent pour l'Europe, indépendamment des risques encourus.

Il faut rappeler, dans ce contexte, que notre pays connaît une reprise conséquente des tentatives de franchissement illégal de ses frontières terrestres et maritimes. Jusqu'au 10 avril, plus de 21 mille candidats à la migration ont été recensés, soit une hausse de 7.000 candidats par rapport à la même période de l'année précédente. De même, 19 mille personnes ont été interceptées au niveau des frontières terrestres pour franchissement illégal du territoire national.

Rappelons également que le Chef de l'Etat, Kaïs Saïed, s'est prononcé à maintes reprises sur les conséquences de cette crise migratoire, précisant que la Tunisie ne sera ni une terre de transit, ni une terre de destination pour les migrants irréguliers. Et de rappeler sa position plaidant en faveur d'une approche multidimensionnelle pour lutter contre ce phénomène qui commence par la création du développement et des richesses dans le continent africain.

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