Madagascar: Socioculturel - Le pays vers le néocolonialisme 2.0

Bien que la Grande-Île ait obtenu son indépendance en 1960, aux yeux de l'ex-colonisateur, elle était trop jeune pour gérer ses affaires. De ce fait, des coopérants français ont accompagné les élites malgaches dans tous les secteurs. Apparemment, la colonisation continue, mais revêt une autre figure. Sans parler des accords effectués sur tous les plans, cette idéologie néocolonialiste a également été mise en évidence dans l'éducation.

Durant la Première République, des vazaha ont enseigné dans les collèges jusqu'à l'Université. Les professeurs malgaches n'étaient que des auxiliaires. Dans le but de maintenir l'ancienne colonie sous les ailes de la France, ceux-ci sont considérés comme des enfants immatures et poltrons, incapables de prendre leur destin en main.

L'histoire se répète, un éternel recommencement! Actuellement, le régime en place veut réinstaurer la politique coloniale dans le pays. En réalité, importer des enseignants étrangers n'est pas nécessaire. Les chercheurs malgaches ne s'assoient-ils pas sur les mêmes bancs que ceux-ci ? De plus, la plupart de ces étrangers ne connaissent pas réellement les réalités du pays.

Par conséquent, ils vont forcément modeler à leur façon des préceptes inadaptables. Sous un autre angle, le pouvoir en place néglige la compétence de ses compatriotes, un mépris qui a justement causé le mouvement estudiantin en 1972. Les étudiants de l'époque ont critiqué avec véhémence le système éducatif imposé par l'administration Tsiranana. Malheureusement, cette histoire n'a pas servi de leçon aux dirigeants actuels. Dans ce cas, les manifestants du 13 mai 1972 sont morts pour rien.

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En outre, le 3 avril dernier une lettre de "demande de sollicitation de collaboration" signée par le Secrétaire Général du ministère de l'Enseignement supérieur, frustre les chercheurs malgaches. Le département certifie d'une façon soutenue que les enseignants malgaches ont les doigts gourds.

« Dans le cadre de la mise en place et des renforcements des capacités des universités de proximité nouvellement ou prochainement installées au niveau régional, et en vue de consolider la qualité de l'enseignement supérieur et amplifié les diverses formes de partenariat existant entre enseignant-chercheurs nationaux et internationaux notamment en termes d'échange d'expériences, de compétences, et d'expertise professionnelle et académique, l'intervention des enseignants-chercheurs internationaux s'avère pertinente et cruciale(...) ». Rien qu'en lisant ces propos, les « profs gasy » s'imaginent déjà à porter la mallette de ces nouveaux coopérants. En quelque sorte, cette initiative destitue ces érudits d'une manière infamante leur grade, voire son emploi.

Nul n'est prophète dans son pays ! Force est de rappeler qu'un historien malgache de qualité a été honoré par l'Université de Lleida (Espagne) le 18 octobre 2023. Premier Honoris causa africain d'un grand établissement espagnol, le grand homme a été reconnu pour ses activités scientifiques. La preuve que les intellectuels malgaches rayonnent au-delà des frontières. Malheureusement, l'Etat fait la sourde oreille. Aucune distinction n'a jusqu'ici été attribuée à cet illustre personnage. À vrai dire, le fameux « masina ny tanindrazana», littéralement « la patrie est sacrée », prononcé à chaque fin des discours officiels n'est qu'une récitation.

Les têtes pensantes malgaches, souhaitent vivement être traitées d'égal à égal avec les professeurs étrangers, que leurs expériences ainsi que leur expertise soient mises en exergue. L'échange de compétences n'est pas à exclure pour mener à bien les travaux scientifiques. Du reste, nul ne connaît mieux le terrain que les autochtones. Ce n'est pas aux étrangers de leur montrer le chemin. Sinon, cela ferait penser à Tarzan, roman d'Edgar Rice Burroughs, un blanc venu de nulle part, en l'espace de quelques années, devenant « Seigneur de la jungle », en dépit des habitants qui ont pourtant conservé leur terre héritée de leurs ancêtres.

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