Une quinzaine d'ONG réunies au sein de la coalition Acier et Équité publie « Fair Steel Coalition », un rapport pour dénoncer « le vrai coût de l'acier ». L'industrie de l'acier représente à elle seule 7% des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Mais l'impact de cette industrie se fait aussi ressentir dans les aciéries, les mines et leur environnement proche. En particulier celles localisées dans les pays en voie de développement, entre pollutions environnementales et atteintes aux droits des populations locales. Exemples en Afrique du Sud et au Liberia.
Dans les plus grosses aciéries d'Afrique subsaharienne, près de la ville de Johannesburg en Afrique du Sud, 2,8 millions de tonnes d'acier liquide ont été produits l'année dernière. Mais pour fonctionner, ces usines brûlent d'énormes quantités de charbon et des fumées toxiques polluent la région, explique Leanne Govindsamy, du Centre pour les droits environnementaux : « Les habitants vivent avec des taux de pollution assez dangereux, y compris de sulfure d'hydrogène qui a l'odeur d'oeufs pourris. Même à faible concentration, ce gaz peut causer des maux de tête, des irritations des yeux et des poumons et des problèmes neurologiques ou de reproduction... Sans parler des émissions de gaz dus à l'utilisation de charbon et qui causent le réchauffement climatique. »
Les taux de pollution dépassent les normes internationales et en plus de l'air, le sol et l'eau sont aussi contaminés par des déchets. « Quand on a une industrie qui opère depuis des décennies avec ce degré de pollution, dans une zone où les gens vivent déjà dans la pauvreté et font face à tant d'inégalité, les efforts de compensation ne sont pas suffisants pour les communautés », poursuit l'experte.
ArcelorMittal a déjà été condamné en 2016 à une amende de près de 220 000 dollars à cause des trop fort taux d'émission de sulfure d'hydrogène. Mais selon les ONG, dans la « vallée de l'acier », la pollution continue.
∎ Au Liberia, les populations trinquent autour des mines
Les aciéries ne sont pas les seules à avoir un impact sur l'environnement. Les mines d'où les composants du métal sont extraits sont également une source de pollution. Et ArcelorMittal est accusé par les ONG de ne pas respecter les droits des populations dans d'autres pays, comme au Liberia.
Pour faire valoir ces droits, John Brownell, militant écologiste, est parti à la rencontre des banques européennes qui financent ArcelorMittal avant l'assemblée générale du groupe qui doit avoir lieu ce lundi 29 avril au Luxembourg. « Autour des mines au Liberia, les communautés locales sont très affectées par les activités d'ArcelorMittal, explique-t-il. La population accuse l'entreprise d'accaparer les terres qui leur appartiennent. ArcelorMittal a mis en place des zones tampons sans consultation en interdisant aux communautés d'accéder à leurs champs au-delà de ces zones. Et cela entraîne de la pauvreté, car ce sont les seuls moyens de subsistance de ces gens. »
Brutalité policière
Autre dommage pointé par le militant : la dizaine de barrages construits par l'aciériste : « L'eau des barrages doit être utilisée dans les usines de transformation pour laver le minerai de fer qui arrive de la montagne. Mais ils ont inondé des terres habitées pour cela qui se retrouvent perdues. » « Mais ce qui affecte le plus les communautés locales, poursuit John Brownell, c'est la brutalité policière. Dès qu'il y a des manifestations, il y a une énorme présence policière, qui attaque, harcèle, arrête et intimide les habitants. »
Les gens ne sont pas contre les investissements. Mais ils doivent pouvoir en tirer un bénéfice juste. Et il faut aussi dire que les mines se trouvent dans la zone de forêt tropicale guinnéenne. Le Liberia abrite 42 % de la biodiversité de cette forêt. C'est le poumon vert de l'Afrique de l'Ouest. Les destructions pour exploiter ces mines ne sont pas correctement compensées par des plans de reforestation. Les dommages et la dégradation des terres ne sont pas réparés de manière satisfaisante.
C'est pour cela que nous avons saisi l'opportunité de venir en Europe pour rencontrer les banques qui financent cette compagnie. On est venu dire qu'il est temps que les êtres humains passent avant les profits. On n'est plus à l'époque où seules comptent les itérêts personnels. Le monde change. Le changement climatique et l'effondrement du vivant sont réels. Et sont causés par les activités de compagnies comme celles là, qui agissent en toute impunité.
John Brownell, défenseur de l'environnement au Liberia
ArcelorMittal a répondu aux associations dans un courrier en assurant que « ArcelorMittal prend ses responsabilités en termes de développement durable et social très au sérieux ». En Afrique du Sud, elle assure être transparente avec les ONG et rappelle qu'un plan de décarbonation est en place. Au Liberia, ArcelorMittal rejette les accusations de violations de droits humains et assure que des plans de réparation des sols et des eaux sont en place. Que des formations sur les droits humains sont obligatoires pour toutes les forces de sécurité qui opèrent dans la zone. « Si jamais il y a des bavures, elles sont signalées au commandement », assure l'entreprise.