Débuté le 2 avril, le dialogue national censé réformer le Gabon en profondeur touche à sa fin. Après quasiment un mois de travaux, de profondes réformes, notamment politiques, ont été proposées.
Les participants au dialogue national qui prépare le pays à l'élection présidentielle de 2025 ont préconisé la fermeture de la base militaire française, la renégociation des accords de défense avec Paris et la réduction drastique du nombre de nouveaux généraux dans l'armée gabonaise.
La proposition des commissions de travail de fermer la base française sur le territoire a été soumise à une session plénière du dialogue national, le 27 avril. La base du Camp de Gaulle est située au Nord de Libreville où un contingent permanent de 380 militaires français y est déployé.
Les panélistes ont demandé également la suspension de tous les partis politiques, soit plus d'une centaine. En plus, les leaders du Parti démocratique gabonais, l'ancienne formation au pouvoir, seront inéligibles pendant trois ans. Cette mesure, qui est pour l'instant une recommandation, suscite la polémique au sein des différentes formations politiques. Celles-ci étaient déjà en colère de n'avoir qu'un représentant chacun au dialogue national. Cette annonce est vécue comme une sanction supplémentaire. « C'est aberrant.
Ceux qui sont allés décider de ces inepties doivent comprendre que nous ne nous laisserons pas faire. Moi je crois qu'il y a des critères simples : vous êtes financés à partir de l'effort que vous commettez à l'occasion de chaque élection. Ceux qui ont des élus sont financés, ceux qui n'ont rien végètent et finiront bien par disparaître. Cela règle les problèmes, mais on ne peut pas brider les gens. Il n'y a pas pire dictature que la période d'exception. Le coup d'État entraîne l'ancrage de la dictature », a déclaré Pierre Claver Maganga Moussavou, leader du Parti social démocrate.
D'autres formations sont plus favorables à la suspension et rappellent que certains partis étaient des instruments de l'ancien régime. « Il y a des partis sacs à dos, qui n'existent que dans le sac du président qui les a créés. Ce régime les avait créés pour déconstruire et affaiblir l'opposition gabonaise. Les Gabonais ont réfléchi pour que le pays présente un autre visage qui fera en sorte que notre démocratie soit plus crédible et apaisée », a réagi Clay Martial Obame Akwe, premier vice-président de la Coalition des Gabonais républicains.
A propos de la souveraineté et de l'immigration
Des recommandations fortes concernent également la souveraineté et l'immigration avec la mise en place d'une politique stricte privilégiant la protection des intérêts des Gabonais. Les hautes fonctions administratives seraient aussi réservées aux nationaux, alors qu'il est aussi demandé une révision des conditions d'acquisition de la citoyenneté. Enfin, les panélistes ont souhaité un audit de tous les accords de coopération.
D'autres recommandations ont émergé sur les questions économiques et sociales. Les participants veulent sortir le Gabon de sa dépendance du pétrole. Ils demandent une nouvelle politique industrielle, privilégiant les mines et le bois et valorisant les productions ainsi que l'alimentation locales. La priorité sera donnée aux acteurs nationaux, avec la promotion des petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries gabonaises dans les marchés publics, la nationalisation de la sous-traitance, etc. Côté social, une politique volontariste de la formation professionnelle, de l'autonomisation du budget des universités, de la hausse de celui de la santé fait également partie des principales mesures.
La durée de la transition est quant à elle maintenue à deux ans, avec douze mois de plus en cas de force majeure. Parmi les mesures importantes pas encore publiées, il y a le mandat présidentiel de sept ans renouvelable une fois. Il s'établit à cinq ans pour les autres élus, renouvelable à vie cette fois. Un choix pour ne pas alourdir la charge des caisses de retraite.
Sur l'élection présidentielle, les commissaires ont pris pour base la charte de transition. Le chef de l'État, Brice Clotaire Oligui Nguema, pourra bien être candidat. Mais ceux qui ont pris des postes à responsabilité dans la transition n'auront pas le droit d'y participer.
Certaines questions n'ont jamais pu être tranchées durant les semaines de dialogue, notamment celles autour de la Cour constitutionnelle, vue comme un instrument de l'ancien régime. Les discussions ont été très animées autour du profil des juges. Certains voulant mettre en avant les magistrats, d'autres préférant un panel entre professeurs de droit, anciens ministres et parlementaires. « Nous proposons que ce débat soit tranché par la future Assemblée constituante », a expliqué Noël Bertrand Boundzanga, membre de la société civile.
Il s'agit pour l'instant de recommandations. Le rapport final sera remis le 30 avril au chef de l'État, Brice Clotaire Oligui Nguema. La charge revient aux autorités de les mettre en application.