Congo-Kinshasa: Poursuites judiciaires contre l'archevêque de Kinshasa - Le pouvoir ne doit pas se tromper d'ennemi

Archevêque de Kinshasa Fridolin AMBONGO BESUNGU

En République démocratique du Congo (RDC), l'archevêque de Kinshasa, Monseigneur Fridolin Ambongo, est dans le collimateur de la Justice.

En effet, le procureur général a ordonné, le 27 avril dernier, l'ouverture d'une information judiciaire à charge contre le prélat accusé de « violenter délibérément les consciences et sembler trouver un plaisir à travers les faux bruits et autres incitations des populations à la révolte contre les institutions établies ». En clair, le pouvoir de Félix Tshisekedi reproche au chef de l'Eglise catholique en RDC, ses prises de position critiques contre la gestion politique et sécuritaire du pays.

Comment peut-il en être autrement quand dans ses sermons et autres homélies, l'archevêque métropolitain de Kinshasa ne s'embarrasse pas de fioritures pour pointer du doigt la responsabilité du pouvoir dans la détérioration de la situation sécuritaire dans l'Est du pays ?

Comment peut-il en être encore autrement quand au-delà de la question sécuritaire, c'est la faillite et l'impuissance de l'Administration Tshisekedi face aux problèmes existentiels des Congolais qui sont régulièrement dénoncées par l'Homme de Dieu qui, soit dit en passant, ne manque pas de s'émouvoir devant la précarité de la situation sociale des Congolais, marquée par une baisse de plus en plus grande de leur pouvoir d'achat ?

L'archevêque métropolitain de Kinshasa a mis le doigt là où ça fait mal

En un mot comme en mille, Monseigneur Fridolin Ambongo est une voix qui dérange en République démocratique du Congo. D'autant que derrière ses propos acerbes parfois teintés d'amertume, se cache la réalité d'un pays en pleins tourments, et aujourd'hui à la croisée des chemins. Et en tant que leader d'opinion d'une Eglise qui a toujours voulu s'assumer pleinement au pays des Bantous, Monseigneur Fridolin Ansongo est dans son rôle quand il se fait le porte-voix des sans-voix pour attirer l'attention du pouvoir sur les insuffisances et autres dérives dans la gouvernance.

Et ce dans un contexte où l'opposition et la société civile peinent à se faire entendre. Toujours est-il que la réaction du pouvoir qui a décidé d'ouvrir une information judiciaire contre le prélat, est la preuve que l'archevêque métropolitain de Kinshasa a mis le doigt là où ça fait mal, en crachant des vérités qui fâchent d'autant plus qu'elles reflètent des réalités que les autorités de Kinshasa ne voudraient pas voir étalées au grand public. Et si l'objectif de cette information judiciaire est de faire taire une voix gênante, c'est que le pouvoir a des choses à se reprocher.

Mais il ne doit pas se tromper de combat, encore moins d'ennemi. Bien entendu, en tant que citoyen, le Cardinal n'est pas au-dessus de la loi et reste justiciable comme tout autre Congolais. Mais s'en prendre à lui en voulant instrumentaliser la Justice à des fins politiques, est une façon de rester dans le déni, qui ne servira pas forcément l'image du pouvoir. Car, comme dit l'adage bien connu, « ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fera baisser la fièvre ».

Le pouvoir de Kinshasa joue gros avec l'ouverture de cette information judiciaire contre l'autorité religieuse catholique

Et ce n'est pas en faisant taire des voix critiques comme celle de Monseigneur Ambongo que les problèmes de la RDC s'en trouveront résolus. Mieux, au regard des réactions de désapprobation au sein de la classe politique, il faut craindre que l'ouverture de cette information judiciaire contre le prélat, ne donne du grain à moudre aux contempteurs du pouvoir et ne contribue à jeter davantage de l'huile sur le feu.

Au-delà, c'est un acte inédit en République démocratique du Congo, qui ne manquera pas de conséquences s'il ne produit pas l'effet contraire en rendant l'homme d'Eglise davantage sympathique aux yeux de l'opinion. C'est dire si le pouvoir de Kinshasa joue gros avec l'ouverture de cette information judiciaire contre l'autorité religieuse catholique qui a souvent pesé dans le débat politique. Et l'on attend de voir jusqu'où ira le procureur dans les poursuites contre l'archevêque dont les relations avec le pouvoir du président Félix Tshisekedi, sont de plus en plus tendues.

Et qui n'avait pas déféré à une précédente convocation, à en croire le procureur général qui semble décidé à mettre le prélat au pas, à en juger par la fermeté de son ordre dans lequel il menace de poursuivre son procureur principal pour « complicité et déni de justice », en cas d'inaction contre le Cardinal. De là à le voir mettre tout en oeuvre pour jeter le prélat en prison, il y a un pas que l'on attend de voir si les autorités de Kinshasa franchiront allègrement.

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