Nous l'avons tous constaté dans ses rapports aussi bien d'enquêtes que d'activités annuels, l'OFNAC retient la qualification d'infraction pénale de certains faits qu'il aurait eus à connaître dans le cadre de ses différentes missions de contrôle. Ainsi, par exemple, parmi les infractions retenues dans son rapport publié le 25 avril 2024[1], on constate à la page 51 intitulée conclusion des rapports d'enquêtes clôturés de l'année 2022 les qualifications suivantes : Faux usage de faux, détournements de deniers publics, escroquerie, abus de confiance, etc.
Or, aux termes de l'article 3-1 de la loi relative à l'OFNAC, l'organe est chargé : « de collecter, d'analyser et de mettre à la disposition des autorités judiciaires chargées des poursuites les informations relatives à la détection et à la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, commis par toute personne exerçant une fonction publique ou privée »[2]. En vertu de cette disposition, il est clairement précisé que l'OFNAC transmet des informations et non des infractions qu'il qualifie délibérément.
La question se pose alors de savoir sur la base de quelles compétences juridiques l'OFNAC qui n'est ni organe juridictionnel, ni autorité de poursuite peut-il constater voire qualifier comme il le fait depuis sa création des infractions pénales que seul le juge répressif est habilité à connaître ? En d'autres termes, le fait pour l'Office de pouvoir constater des infractions ayant un caractère pénal ne constitue-t-il pas une usurpation de compétence du juge pénal ? Ce débat s'est posé devant la Cour suprême du Mali en 2014 concernant les compétences de l'organe de régulation des marchés publics et et des délégations de services publics (ARMDS) dans sa décision du 09 mai 2014, Société SY and Co-holding SA[3].
Dans cette décision, le juge administratif malien qui a fait preuve d'une extrême audace a estimé que l'organe de régulation dépasse ses compétences en qualifiant de faux, un document. Pour la haute juridiction, « l'appréciation du faux, qui plus est, du faux en écriture, est de la compétence exclusive du juge pénal ». Elle ajoute qu'en qualifiant la pièce produite par la Société requérante de fausse, « le Comité de règlement des différends de l'Autorité de régulation des marchés publics et de service public a outrepassé ses compétences et exposé sa décision à la censure de la section administrative de la Cour Suprême »
Dès lors, se pose légitimement, la question des compétences de l'OFNAC pour donner une qualification juridique de certains faits alors qu'il ne dispose ni des mêmes compétences que celles du juge pénal en termes de pouvoir d'investigation et d'enquête encore moins des qualifications et exigences nécessaires en termes de régime de preuve pour retenir des telles qualifications. L'organe lui-même précise à la page 55 du rapport précité qu'il est une structure d'enquête qui collecte des indices et qui ne peut retenir d'infraction à titre définitif, qu'en conséquence, les infractions visées ne peuvent être confirmées ou infirmées que par l'autorité judiciaire. Pourtant, les qualifications retenues sans être définitives, sont de nature pénale. Autrement dit, il peut retenir des infractions pénales provisoires, le temps que l'autorité judiciaire les confirme ou non.
Il s'ensuit que les personnes visées par de telles infractions par l'organe de lutte contre la corruption voient leur image ternies alors même qu'il n'aurait rien fait de condamnable qui pourrait justifier une qualification pénale. Car in fine, seule la juridiction de jugement est compétente pour retenir ou non les chefs d'accusation qualifiés par le procureur et condamner ou relaxer les prévenus. Il est dès lors, urgent de faire un rappel à l'ordre à l'office afin qu'il reste dans les limites légales et réglementaires de ses compétences ne serait-ce pour respecter le principe de la présomption d'innocence dans un état de droit qui se respecte.