Au Sénégal, certains métiers ont encore une image de métiers d'hommes, c'est le cas des conducteurs de bus. Pourtant, de nombreuses femmes aiment la conduite et s'imaginent derrière le volant. Une vingtaine de stagiaires sont formées en ce moment pour devenir conductrices du BRT, les bus électriques flambants neufs qui desserviront Dakar et sa banlieue. Elles sont fières de faire changer les mentalités
Dans un bus électrique, sur la piste de l'ancien aéroport de Dakar, c'est l'heure des exercices de conduite. Yaye Astou Thiam est au volant et Fary, sa formatrice, lui donne des conseils. Les stagiaires ont été approchées par l'opérateur du BRT, Dakar mobilités, à l'école de conduite où elles passaient leur permis voiture. Beaucoup ont sauté sur l'occasion, comme Cléophace Apolline Mané, 34 ans, qui a travaillé dans la restauration et comme femme de ménage : « Au Sénégal, il y a beaucoup trop de jeunes, le chômage est là. Donc si l'occasion se présente, il faut la saisir. Moi, l'occasion s'est présentée à moi. En plus, c'était mon rêve depuis toute petite. Donc, cerise sur le gâteau ! »
Depuis octobre, les 22 femmes stagiaires ont passé leur permis D, puis ont suivi des cours de théorie et de pratique sur les bus. Anna Ndour a mis de côté son métier d'enseignante pour cette formation : « Très fière d'être une femme et de pouvoir participer au changement du transport, dans ce métier qu'on croyait être un métier d'homme, alors que c'est seulement l'intelligence qu'il faut utiliser pour pouvoir le faire. Donc, je ne vois pas pourquoi, entre guillemets, on veut limiter ça aux hommes. »
Si elles valident les tests, les stagiaires seront embauchées pour conduire le BRT qui devrait entrer en service ce mois de mai. Yaye Astou Thiam est impatiente de prendre ses premiers passagers : « Ils seront tous surpris de voir des dames. Surtout, peut-être qu'on nous considère un tout petit peu comme des petites filles, conduire des bus de ce gabarit de 18,75 mètres. Et on est très heureuses d'être parmi les premières promotions. » L'objectif pour la fin d'année : 352 conducteurs, dont une cinquantaine de femmes.
Le sexisme persiste en Afrique de l'Ouest dans tous les corps de métier. En Côte d'Ivoire, la militante féministe De Laure Nesmon Pie, présidente de l'ONG Opinion Éclairée, regrette que les hommes soient surreprésentés dans les instances dirigeantes des centrales syndicales, les seules autorisées à exprimer les doléances des travailleurs devant le gouvernement.
« Il se trouve que ces centrales syndicales sont dirigées par des hommes au premier plan. Quand ils prennent la parole et qu'ils parlent des problèmes des travailleurs, rarement la question des droits des femmes revient en surface. Cependant, on verra des centrales syndicales, comme la Fesaci, qui ont aujourd'hui des sections femmes qui s'expriment de plus en plus et qui sont sur le terrain et qui ont des revendications », explique-t-elle.
De Laure Nesmon Pie craint que les femmes n'arrivent pas à prendre une place de premier plan comme dans les partis politiques où des sections féminines ont été créées, mais les femmes n'arrivent pas à s'exprimer comme secrétaire générale au sommet du parti : « Il faudrait maintenant ouvrir pour qu'elles occupent la tête des syndicats, pour exprimer les problèmes, et des hommes et des femmes de manière équitable. Comme la question de la Convention 190 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui reconnaît le droit de chacun à un monde du travail exempt de violence, de harcèlement, y compris fondé sur le genre. Il se trouve que, jusqu'à présent, la Côte d'Ivoire n'a pas encore ratifié cette Convention qui reste un plaidoyer fort des femmes, mais qui n'est pas toujours entendu pendant les célébrations du 1eᣴ-Mai parce que les voix des femmes sont invisibles. »