Depuis dimanche au Burkina Faso, on ne peut plus ni regarder TV5 Monde, ni se rendre sur les sites d'information du journal Le Monde, de la Deutsche Welle ou encore de l'agence de presse africaine Apanews.
Cette suspension a été décidée par le Conseil supérieur de la communication (CSC), qui estime que le compte rendu fait par ces médias d'un rapport indépendant de l'ONG Human Rights Watch nuit et porte le discrédit sur l'armée burkinabè, accusée par HRW d'avoir commis certaines exactions dans plusieurs villages.
C'est une suspension de plus, après RFI, France 24, la BBC ou Voice of America, et une atteinte grave à la liberté de la presse et d'informer portée aux médias diffusant au Burkina Faso, selon Noël Yao, président de l'Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA). « On ne peut pas reprocher aux organes de presse d'avoir résumé le rapport de cette organisation crédible. Et par là même, décider, comme le font les autorités du Burkina Faso, de fermer ces organes de formation et de presse. »
Ainsi, « l'UJPLA, condamne, rejette et demande rapidement que ces mesures soient levées pour que le peuple burkinabé puisse bénéficier de son droit à l'information en lieu et place de la manipulation et de la propagande », insiste Noël Yao qui dénonce « une étape de trop dans le musellement de toutes les voix discordantes au Burkina Faso ».
« Cacher les informations change la réalité du terrain »
Le quotidien français Le Monde par la voix d'Anna Sylvestre-Treiner, rédactrice en chef du Monde Afrique, condamne aussi cette suspension. Elle pointe que cette sanction est tombée car le rapport de HRW touche à un sujet sensible pour le pouvoir burkinabè. « Force est de constater que ce sujet-là, la question des exactions de son armée contre ses propres civils, est un sujet gênant pour le capitaine Traoré qui, vous vous en souvenez, a pris le pouvoir par un coup d'État il y a un an et demi en promettant de ramener la paix dans son pays en vain. »
Pour Anna Sylvestre-Treiner, le pouvoir est dans une forme de guerre informationnelle, mais n'arrive toutefois pas à occulter les informations aux Burkinabè : « Je ne pense pas que cacher les informations change la réalité du terrain. On a vu ces dernières semaines des manifestations dans certaines régions du Burkina Faso et cela montre bien que les burkinabè, eux, ne sont pas dupes. Ils savent ce qu'il se passe. Quand bien même, on tente de sanctionner des médias ou de les censurer, je pense que la réalité existe et qu'un certain nombre de médias, dont Le Monde, sont décidés à continuer à faire leur travail. »
Londres et Washington ont dit lundi être « gravement préoccupés » par des informations sur « des massacres de civils » par l'armée du Burkina Faso et ont appelé les autorités à revenir sur la suspension des médias. Même position sur ces « massacres » de l'UE qui rappelle que « la liberté d'expression et le droit à l'information sont des éléments essentiels d'un État de droit ».