Congo-Kinshasa: Affaire cardinal Ambongo - Bras de fer entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel

C'est une constance dans l'histoire politique de la République démocratique du Congo (RDC). Du maréchal Mobutu Sese Seko au président actuel, Félix Tshisekedi, en passant par Laurent-Désiré Kabila et son fils qui lui a succédé, Joseph Kabila, l'Eglise catholique et le pouvoir ont toujours entretenu des relations pour le moins conflictuelles.

Le pouvoir spirituel, au nom du bonheur sur terre de ses ouailles, n'hésite pas à interpeller le pouvoir temporel sur sa conduite des affaires. Mais que des hommes de Dieu soient jugés par des tribunaux des humains pour des raisons politiques est un fait assez rare pour ne pas être souligné.

En effet, depuis quelques jours, l'archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, est dans le collimateur de la justice de son pays. C'est par correspondance, dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 avril 2024, que le procureur général près la Cour de cassation a convié le procureur général près la Cour d'appel de Matete à ouvrir un dossier juridique contre l'archevêque de Kinshasa.

Il est reproché au prélat, très proche du pape François, des paroles publiques pas très catholiques, c'est le cas de le dire, aux yeux du parquet de Kinshasa. Il est accusé, entre autres, de propos séditieux constitutifs de « faux bruits, d'incitation des populations à la révolte et à des attentats contre la vie humaine ». Il lui est également reproché des propos attentatoires au moral des militaires.

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Il faut dire que le président du Symposium de la conférence épiscopale d'Afrique et de Madagascar (SCEAM) est connu pour ses homélies et ses prises de parole qui dérangent le président Félix Tshisekedi et son gouvernement.

On se rappelle que dans son homélie lors de la messe de la veillée pascale, c'est un véritable réquisitoire qu'il avait prononcé contre l'Etat congolais. « Nous savons très bien que notre pays est aujourd'hui un pays à l'agonie, gravement malade, et quand une personne gravement malade est dans un état de coma, il est dangereux de prédire son avenir, et aujourd'hui le Congo est dans cette situation de personne gravement malade qui est presque dans un état comateux... La justice est la première instance à bafouer les droits de simples citoyens et nous tenons ici des discours comme si nous étions forts. La réalité est que le Congo n'a pas d'armée », a asséné son Eminence face à des fidèles catholiques qui, à l'instar de la plupart des Congolais, ne savent vraiment plus à quel chef de guerre se fier pour mettre fin à l'insécurité qui sévit à l'est du pays, du fait de la rébellion du M23, soutenu par le Rwanda.

C'est vrai, cette sortie du cardinal Ambongo est caustique et virulente, mais n'en reflète pas moins la réalité dans ce pays aux immenses ressources naturelles, mais dont les populations restent confrontées à une pauvreté endémique. Sur le plan sécuritaire, comment comprendre que la RDC, vaste de 2 345 410 km2 avec une population estimée à 105 061 468 habitants en 2024, ne parvienne toujours pas à marcher sur cette rébellion, soit-elle soutenue par le Rwanda.

Maintenant que le procureur général près la Cour de cassation a demandé au procureur général près la Cour d'appel de Matete de poursuivre ce cardinal qui porte sa soutane tel un justicier arbore sa cape, cette instruction sera-t-elle suivie d'effet ? C'est la question que l'on se pose, au regard de la personnalité de l'intéressé, dont la notoriété et la respectabilité vont au-delà de la RDC.

On se rappelle en effet que tout récemment, ce prélat s'était illustré farouchement contre la « Judicia Supplicans », cette déclaration du dicastère de la doctrine de la foi (DDF), autorisant la bénédiction non sacramentelle par un prêtre de couples considérés par l'Eglise catholique comme étant « en situation irrégulière » et de couples homosexuels. Ce qui lui a valu davantage d'admiration, de respectabilité, voire de vénération, dans cette Afrique où l'homosexualité passe pour une abomination.

On espère bien que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), qui a appelé les fidèles catholiques au calme et annoncé qu'elle suivait cette affaire de près, parviendra à modérer les ardeurs du procureur, si ce n'est du président Félix Tshisekedi, et cela pour la préservation de la concorde nationale, déjà mise à mal.

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