Ile Maurice: Meeting du 1er -Mai - Un premier break avant le sprint final

Comme les années précédentes, sauf en 2020, avec la présence du Covid-19, les politiques vont une nouvelle fois hijack la fête du Travail avec leurs traditionnels rassemblements du 1er-Mai.

L'imminence des élections générales, que certains dirigeants vont jusqu'à comparer à celles juste avant l'Indépendance en 1967, démontre leur enjeu et justifie les appels répétés des deux principaux leaders politiques à la mobilisation de leurs troupes jusqu'à la dernière heure pour gagner la bataille des foules.

Pour le leader de l'alliance gouvernementale, Pravind Jugnauth, une grosse foule à Vacoas serait une victoire psychologique pour le rassurer dans sa politique de continuité et lui donner peut-être les meilleures chances de garder la clé du bâtiment du Trésor. Le cas échéant, c'est son challenger, Navin Ramgoolam, qui verra se rapprocher le fauteuil premierministériel après une traversée du désert de dix ans, marquée par des tracasseries judiciaires autour de ses coffres-forts et des millions découverts ainsi que... l'incapacité de voyager pendant presque une décennie.

L'immensité d'une foule n'est pas la meilleure indication du succès électoral d'une alliance politique, mais elle peut servir de bon baromètre dans le contexte actuel pour jauger le niveau d'adhésion de la masse aux deux forces politiques susceptibles de rallier une majorité aux prochaines élections. D'autant plus que selon le dernier sondage Synthèse/ l'express, la moitié des Mauriciens (50 %) ne s'identifie jusqu'ici à aucun parti politique. Ainsi, la démonstration de forces aujourd'hui, tant à Vacoas qu'à Port-Louis, couplée à l'enthousiasme exprimé par les deux foules distinctes et leur composition sociale et ethnique, représentative de la société mauricienne, sera déterminante pour le sprint final.

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Certes, la décision de l'alliance PTr-MMM-Nouveaux Démocrates d'égrener ce matin une vingtaine de mesures phares sur les grands enjeux sociétaux et économiques du moment aura le mérite d'élever le débat politique et de démontrer le sérieux avec lequel elle compte aborder cette campagne électorale comme gouvernement d'alternance. Le MSM et ses alliés auront la même démarche afin de convaincre leurs partisans à Vacoas sur les raisons pour lesquelles ils doivent renouveler leur confiance dans l'actuelle équipe après deux mandats marqués, selon ses dirigeants, par un bilan globalement positif sur les fronts socio-économique et infrastructurel.

Ces deux principales forces politiques seront-elles capables de galvaniser un électorat dont une bonne majorité ne mesure sa prospérité économique au fil des années que par sa poche, soit sous le prisme des bread-and-butter issues ? Du coup, il reviendra à ces deux alliances de frapper l'imaginaire collectif de la population - ces 991 327 personnes qui voteront cette année - et insister sur le fait qu'au-delà des cadeaux électoraux et annonces de nouvelles mesures de détaxe, des propositions plus avant-gardistes et innovatrices sont cruciales pour apporter des solutions concrètes et immédiates à leurs priorités quotidiennes.

Sous ce registre, on peut penser à la problématique de la dépréciation de la roupie qui impacte négativement les prix des produits de consommation de base et, par ricochet, le pouvoir d'achat de la population. Mais aussi à la question sécuritaire de Law & Order, de la prolifération de la drogue dans tous les coins et recoins du pays, de la perception que des institutions clés du pays ne sont pas indépendantes. Entre autres...

Prendre de la hauteur

Or, la population souhaite que ces dirigeants, du moins ceux qui aspirent à diriger la destinée du pays, prennent de la hauteur et s'expliquent sur les grands enjeux de la société avec de nouvelles thématiques de campagne. Il y aura, parmi les électeurs lors du prochain scrutin, des jeunes de 18 à 29 ans, presque 200 000 ; plus de 260 000 seniors de 60 à 99 ans ; et le gros des électeurs, plus de 475 000 âgés de 30 à 59 ans. Il va de soi que chacun de ces groupes a des préoccupations spécifiques et cherche à être rassuré.

C'est le cas de ces nombreux jeunes professionnels et travailleurs qui ont mis le cap sur le Canada, le Luxembourg ou encore la Nouvelle-Zélande pour poursuivre leur carrière professionnelle. Cela, face à la perception que la porte des institutions publiques leur est verrouillée, mais ouverte en revanche à d'autres sur la base de certaines considérations ; et que dans le privé, ils sont bloqués à un niveau de la hiérarchie de l'entreprise avec des salaires relativement figés, incapables d'aspirer à des promotions. C'est une réalité à laquelle ils sont confrontés aujourd'hui, comme d'autres qui tentent difficilement de sortir de l'enfer de la drogue.

On ne cessera de le répéter : ces jeunes, comme ces ménagères qui en voient de toutes les couleurs face à la cherté de la vie ou ces familles de la classe moyenne, prises en sandwich entre l'opulence de la classe aisée et le dénuement au bas de l'échelle, ne sont pas intéressés par les palabres politiques, les attaques personnelles sur la vie privée des uns et des autres ou encore des suspicions savamment entretenues sur des adversaires politiques. D'une manière générale, ils veulent entendre un discours neuf, pas sur l'affaire des coffres-forts ou le financement de la construction du Sun Trust, des sujets de campagne qui peuvent chauffer la foule mais qui, au final, n'apportent pas de votes dans une campagne électorale.

Il faut que les leaders politiques changent de narratif. Pravind Jugnauth, comme chef du MSM, doit, par exemple, savoir que l'affaire des coffres-forts de Navin Ramgoolam, qui sera encore une fois son cheval de bataille, aura été une rhétorique de campagne, suffisamment canvassed depuis 2015 , notamment dans la campagne électorale de 2019 et qui est une affaire toujours en cours devant les instances judiciaires.

À moins qu'il n'ait de nouveaux éléments à verser à ce dossier. Tout compte fait, revenir sur des affaires qui datent de 20 ans ou plus et dont les jeunes électeurs se fichent royalement, ne rapporte pas nécessairement de dividendes politiques, tant pour le gouvernement sortant que l'opposition. Les expériences du passé l'ont suffisamment démontré. Ce matin, on saura qui, des deux forces politiques aura pu mieux convaincre la foule qui s'est déplacée, mais aussi ceux qui, dans le confort de leur maison, ont pu se faire une opinion en suivant le live streaming des deux principaux rassemblements sur les réseaux sociaux et la couverture en direct des radios privées.

Le happening du 1er-Mai pourra-t-il tenir toutes ses promesses ?

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