Ile Maurice: Noah Evans - De technicien du froid à la chaleur du blues

Noah Evans, de son vrai nom Fernando Clair, a remporté le concours «Konpoz to Lamizik», organisé par le groupe Attitude. «She knows», son titre blues, a réchauffé l'ambiance. C'était le mardi 30 avril, devant le public de N'Joy, à La Cuvette, Grand-Baie. L'artiste nous raconte 30 ans de vie, de Port-Sud-Est à Rodrigues jusqu'à ses envies de se faire connaître sur des plateformes internationales.

Une bulle de tendresse pour commencer. Une déclaration d'amour tout en douceur intitulée Monn anvi viv. Avant d'entraîner le jury, comme le public, dans la fièvre du blues de She knows. Ce tour de chant sans fioriture a valu à Noah Evans de remporter la troisième édition du concours Konpoz to Lamizik. C'était le mardi 30 avril dernier à N'Joy, Grand-Baie, à l'issue de la prestation en live des dix finalistes.

«Je n'écoute pas les chansons modernes mais bann vie lamizik net», confie cet artiste poli et posé. Pour situer son univers de coeur, il cite le trio essentiel : James Brown, BB King, Sam Cooke.

Les projecteurs éteints, Noah Evans redevient Fernando Clair, 31 ans. Originaire de Port-Sud-Est à Rodrigues, il a des liens de parenté avec le chanteur Rico Clair et le musicien-producteur Chrisjo Clair d'Otentik Groove. Son nom d'artiste, Noah Evans, qu'il porte depuis l'âge de dix ans, lui vient d'un camarade d'enfance. Un nom inspiré d'un personnage de dessin animé. «Mon ami m'a dit que Noah Evans était un bon gars.» L'entourage de Fernando

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Clair adopte ce pseudo, «parski mo ti kontan sant-santé». Il écrit sa première chanson Selassie à 11 ans, en référence à Hailé Selassié 1er, ancien empereur d'Ethiopie. Noah Evans épouse-t-il la philosophie rasta ? «Oui», dit-il, sans en dire plus. Les dreadlocks en moins.

Entre sa première chanson, écrite à 11 ans, et sa première scène, il y a plusieurs années d'écart. Le temps de fréquenter le collège Le Chou jusqu'au School Certificate. Puis d'étudier la plomberie au centre de formation MITD de Le Chou. «J'ai eu une bourse pour continuer mes études à Maurice», explique-t-il. Direction le Sir Rampersad Neerunjun Training Complex, à Ebène, Rose-Hill. Fernando Clair s'oriente vers la filière du froid et du conditionnement d'air. C'est deux ans de cours entre 2013 et 2014.

L'année suivante, il retourne à Rodrigues, avant de postuler pour un cours de frigoriste à l'Université Régionale des Métiers de l'Artisanat à La Réunion. Au bout de deux mois, il obtient le brevet. Se met à son compte pendant trois ans. Mais les opportunités manquent dans ce secteur à Rodrigues, constate-t-il. Le dimanche, il s'adonne au kitesurf. Son grand frère, Christopher, dirige une école de kitesurf, Douff Kite School, sur la plage de Graviers. «Il est un des plus anciens kitesurfers, ayant 25 ans d'expérience», partage-t-il fièrement. Fernando Clair devient à son tour moniteur de kitesurf. «J'ai découvert les jam sur la plage autour d'un feu de camp, avec des touristes.» En décembre 2018, il sort son premier single «Fer dimal».

À Noël, il participe au concours Roulette Riddim, organisé par Blakkayo. Principe : le participant tourne une roue sur laquelle sont inscrites des chansons. Quand la roue s'arrête sur l'une d'elles, le DJ envoie le son désigné par le hasard. Le participant dispose d'une minute trente pour improviser une chanson sur ce riddim. Fernando Clair remporte la compétition. Ce qui l'encourage à s'aventurer plus avant dans la musique.

Février 2019, il sort son second single Température, composition en français et en kreol. Elle figure sur la Rodriguan Vibes Mixtape, qui fait la promotion des jeunes talents de l'île. Pour s'exercer, Fernando Clair chante en s'accompagnant à la guitare, les après-midi, dans la guest house tenue par sa soeur, Chez Diocèse & Ken, située à Anse Mourouk.

Mais le bel élan est stoppé par la pandémie du Covid-19. Pendant le confinement, l'artiste s'évade en composant une pléthore de chansons. «J'ai déjà environ 380 compositions», confie-t-il modestement. Du dancehall, du reggae, du seggae, du sega mais aussi du R&B en kréol. «Mais j'ai choisi la soul, le blues, pour lancer ma carrière. C'est plus rare.» Son point fort c'est l'acoustique, avec une économie d'instruments. Il s'imagine déjà accompagné d'un violoncelle et d'un harmonica. Sans doute un reste de la Symphonie n° 9 de Beethoven qu'il a beaucoup écoutée pendant le confinement. Et de ces autres morceaux «ki fer mo lespri kit later»

À la réouverture, après le confinement, «je suis venu directement à Maurice». En 2022, il passe environ sept mois ici, collabore avec Sylvain Kalleecharan sur le titre Zafer la bon, pour les 30 ans de carrière du ségatier. Noah Evans prend le soin de faire enregistrer trois chansons auprès de la Mauritius Society of Authors.

Le 6 mai 2023, Noah Evans passe en showcase à N'Joy. Comme un signe qu'environ un an plus tard, la scène de N'Joy lui porterait chance.

En ouverture, le jury composé d'Eric Triton, de Véronique Zuël-Bungaroo, de Daniella Bastien et de Manu Desroches, a présenté une reprise-fusion de «Linite».

Les autres gagnants

Le public aura l'occasion de voir Noah Evans en live au festival La Isla 2068, au Château Labourdonnais, le 11 mai. Les quatre autres gagnants de Konpoz to Lamizik 2024 sont Z'Artisé, Corina Matouka, Rusina Bianca Lacruche et 4Elémen.

Le concours, organisé par le groupe Attitude, offre une opportunité aux artistes créateurs et interprètes de se faire connaître et de bénéficier d'un encadrement professionnel pour se produire en public, filmer leur prestation, enregistrer leur morceau et réaliser un clip. Les finalistes intéressés se verront également offrir la possibilité de se produire dans les hôtels du groupe. Et d'être programmés lors d'événements tels que Dreamers et le festival La Isla 2068, organisés par La Isla Social Club.

Le Silver Prize c'est l'opportunité pour les cinq premiers d'enregistrer, dans un studio professionnel, les deux chansons présentées lors des auditions et de la finale.

Le gagnant de Konpoz to Lamizik 2024 bénéficiera du financement et de l'accompagnement d'une équipe de professionnels pour tourner un vidéoclip de l'une de ses deux chansons.

Prestigieux jury

Le jury de la troisième édition de Konpoz to lamizik était composé du bluesman Eric Triton, de la soprano Véronique Zuël-Bungaroo, de Daniella Bastien, anthropologue et artiste, de Jean François Dorza, professeur d'arts plastiques et directeur artistique et Manu Desroches, musicien-chanteur. Les anciennes gagnantes sont Mélanie Pérès et Emlyn.

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