Dans une lettre adressée le 3 mai au président de la République, Félix Tshisekedi, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l'Observatoire de la liberté de la presse en Afrique (Olpa) dresse un état des lieux sans complaisance du travail des journalistes et des défenseurs des droits humains dans le pays. Il lui demande d'instituer un organisme public de financement des organisations nationales des droits de l'homme et des mouvements citoyens qu'il propose de nommer Fonds pour la démocratie et les droits de l'homme au Congo (FDDH/RDC).
L'Olpa porte à l'attention du président de la République que dans le pays, les défenseurs de la liberté de la presse en particulier, et des droits de l'homme, en général, travaillent dans la précarité. " L'accès au financement des bailleurs internationaux est difficile sinon inexistant", a-t-il indiqué. Les défenseurs congolais de la liberté de presse, a insisté cette structure, sont à la merci du financement extérieur rarissime. L'Etat congolais ni ses préposés ne se préoccupent nullement de l'appui au travail des défenseurs.
Pour l'Olpa, effet, cette donne devra interpeller les dirigeants à apporter un soutien de taille aux défenseurs des droits de l'homme, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi n°23/027 du 15 juin 2023 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l'homme en RDC. Il pense que les organisations de la société civile (OSC) congolaise, particulièrement les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme seront très reconnaissantes au chef de l'État, même après la fin de son second et dernier mandat à la tête du pays, si le fonds en leur faveur est créé.
Une situation très sombre
La Journée internationale de la liberté de la presse a été placée cette année sur le thème « La presse au service de la planète : crise environnementale et urgence du journalisme ». En RDC, cela a coïncidé avec les vingt ans d'existence de l'Olpa. « Depuis 20 ans, Olpa et ses membres se vouent régulièrement à la surveillance de la liberté de presse à travers les vingt-six provinces de la RDC. Et cela, grâce à la volonté inébranlable de ses défenseurs qui refusent de capituler face à l'indifférence de l'État vis-à-vis de cette tâche quotidienne de collecte, de traitement et de diffusion des informations inhérentes aux violences subies par le personnel des médias au Congo ainsi que leur renforcement des capacités », a souligné l'Olpa. Il regrette qu'au moment où il saisit le chef de l'État par le biais de sa correspondance, un journaliste croupisse scandaleusement à la prison centrale de Makala, attendant impatiemment le verdict du Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, après avoir passé plusieurs mois en prison sans dossier judiciaire.
L'Olpa a indiqué également avoir documenté, depuis l'investiture de Félix Tshisekedi pour son second mandat, le 20 janvier dernier, plus de 35 cas de violations de la liberté de presse dans le pays. Selon lui, les agents de l'Etat, principalement les membres des forces de défense et de sécurité, sont les auteurs de ces actes liberticides. "Une situation qui ne contribue guère au progrès de cette presse déjà confrontée à l'insécurité grandissante, au coût de la vie et au délabrement du tissu socio-économique", a-t-il insisté.
L'avenir de la presse congolaise se joue maintenant
La presse écrite en RDC, estime l'Olpa, est en voie de disparition. L'absence des subsides de l'Etat, l'abondance des réseaux sociaux et le manque de culture de lecture dans le chef de la nouvelle classe politique et social sont, entre autres, les mobiles de cette situation que traverse cette presse. Pour l'organisation non gouvernementale, il en est aussi de la presse audiovisuelle et en ligne qui font face à des difficultés à différents niveaux, car elles subissent de plein fouet cette absence d'appui des pouvoirs publics, notamment les exonérations et réductions significatives sur les droits et taxes prévus par les dispositions de l'article 81 de l'ordonnance-loi n°23/009 du 13 mars 2023 fixant les modalités d'exercice de la liberté de presse, la liberté d'information et d'émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication dans le pays. Des avantages, a fait savoir l'Olpa, renvoyés aux calendes grecques faute d'un décret du Premier ministre sur les modalités pratiques.
L'Olpa pense, par conséquent, qu'il est indispensable que la presse congolaise bénéficie de l'accompagnement multidimensionnel du chef de l'État car elle a été à ses côtés lors de durs moments dans l'opposition pacifique et il est tout à fait logique que le président de la République lui retourne l'ascenseur. Tout avantage matériel ou financier dont la presse congolaise devra être bénéficiaire, dit-il, doit répondre aux exigences de transparence dans la gestion, car les dernières dotations du gouvernement pour l'organisation des activités de la presse congolaise au cours de dernières années ont été gérées avec opacité et sans aucune redevabilité. "En effet, les professionnels des médias et les organisations corporatives ont le droit de connaître tout décaissement du Trésor public pour appuyer le secteur de la communication et presse ", avertit l'Olpa.