Cela fait trois mois qu'Abidjan connaît des vagues successives de « déguerpissements », ces destructions des quartiers informels par les pouvoirs publics. Le gouvernement ivoirien a adopté mi-mars des mesures d'accompagnement pour les populations concernées, avec des plans de relogement et d'indemnisation. Mais sous l'égide de l'ONG Colombe Ivoire, qui les a réunis ce dimanche, des dizaines de personnes délogées en février du quartier de Boribana, dans la commune d'Attécoubé, mettent en cause l'opacité du recensement et de la distribution des indemnités, dont ils disent avoir été spoliés.
Invités par l'ONG Colombe Ivoire à s'exprimer devant une petite foule, ces déguerpis de Boribana disent n'avoir toujours pas reçu les indemnités de 250 000 francs CFA promises par le gouvernement. Zachariah Koné est l'un d'entre eux, il raconte avoir vu de fausses victimes toucher frauduleusement ces indemnités auprès de certains fonctionnaires :
« On nous a donné un papier de recensement et on nous a dit que l'argent était déjà là, qu'on devait passer à la mairie et que la mairie allait nous payer. Mais quand on y va, on ne voit pas nos noms là-bas. On nous a refoulés, on nous a chassés ! Mais [les fonctionnaires] ont mis leur nom dans la liste, leurs personnes à eux... Quand on leur donne 250 000 francs, en sortant, ils donnent 100 000 francs [aux fonctionnaires véreux] et repartent avec 150 000. Ils leur donnent l'argent à la place des vrais déguerpis que nous sommes, qui n'ont pas reçu jusqu'à présent 100 francs. »
La mairie d'Attécoubé dit n'avoir reçu aucun signalement de fraude et rappelle que les agents municipaux ne distribuent pas eux-mêmes les indemnités, cette responsabilité incombant aux fonctionnaires du ministère de la Solidarité... Adama Thias Ngolo Kone, adjoint au maire en charge de ce secteur, enjoint la population à la patience :
« Tous les impactés ont été listés, et le gouvernement a donné 250 000 francs pour tous les ménages. Nous avons reçu 1279 indemnisations, donc nous ne pouvons qu'indemniser 1279 ménages. Les propriétaires n'ont pas encore été dédommagés, ceux qui doivent fournir des documents, des titres fonciers ou autres... mais ça vient par vague. Chacun peut se rassurer, ça va arriver. »
La commune d'Attécoubé a subi de plein fouet la campagne de déguerpissements et vu disparaître des quartiers entiers, comme Agban-Attié, Marine et Boribana.