Tunisie: Emigration clandestine - Quand les athlètes s'en mêlent !

Le rôle des parents et des clubs dans l'encadrement des sportifs est capital, afin de les protéger contre les tentations et les déviations lourdes de conséquences.

Il y a moins de deux semaines, Oumeima Fellah, handballeuse de l'Espoir sportif de Rejich (gouvernorat de Mahdia) et titulaire de l'Equipe nationale, est annoncée à la surprise générale à... Lampedusa, au terme d'une traversée illégale à bord d'une embarcation de fortune.

C'est son club qui a confirmé la nouvelle, via un communiqué officiel dans lequel il lui souhaite, quand même, bonne chance. Deux jours après, c'est au tour de Fradj Gmar, un joueur de base au sein de l'équipe de handball du Club sportif hilalien (gouvernorat de Monastir) de lui emboîter le pas, en réussissant, en compagnie de plusieurs harragas, à rallier, sain et sauf, les côtes italiennes.

Bien avant eux, deux footballeurs, en l'occurrence Ali Chebbi (Club sportif sfaxien) et Khalil Zaouali (Club sportif de Rejich), avaient migré de la même manière en Italie. Plus concrètement, il faut noter que la vague de « migration sportive», sans doute loin d'être une nouvelle mode, a été plutôt déclenchée au lendemain de la révolution, avec le débarquement à l'inévitable Lampedusa d'un nombre indéterminé d'athlètes tunisiens, en majorité des lutteurs et des boxeurs.

Allons encore plus loin dans le développement de ce sujet pour remarquer que, selon les médias de la célèbre Botte, les pays d'Afrique subsaharienne exportent quatre fois plus de harragas sportifs que ceux de l'Afrique du Nord, alors que le Maroc compterait le plus grand nombre de victimes ayant péri en mer.

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Bref, les exemples abondent. Mais, de là à parler d'hecatombe ou de crise majeure, voilà un pas que seuls les alarmistes et champions du sensationnel peuvent franchir.

A qui la faute ?

La question qui s'impose maintenant est la suivante : à qui la faute ? Cette question cruciale, nous l'avons posée au sociologue Ahmed Ben Brahim qui assure d'emblée que « la faute incombe principalement aux parents, je suis persuadé que c'est de leur sens de l'éducation et de leur savoir-vivre en matière d'encadrement familial que dépend l'avenir de leur progéniture. En ce sens que si leur enfant venait à rater sa carrière sportive, ils pourraient le sauver, en l'aidant à s'orienter vers une autre branche de la vie active qui réponde le mieux à son profil ».

Pour certains supporters de clubs, c'est l'Etat qui en assume la responsabilité, sous prétexte qu'il ne s'investit pas assez dans le domaine sportif. Leur rendant l'ascenseur, le directeur du sport d'élite au ministère de la Jeunesse et des sports, Riadh Azaiez, s'étonne que «l'on fasse d'actes isolés un drame, ou un procès». «D'abord, explique-t-il, on n'enregistre en Tunisie que deux ou trois incidents de ce genre par an. Un chiffre insignifiant par rapport à ce qui se passe dans plusieurs pays arabes et africains.

Ensuite, notre département, en dépit d'une conjoncture difficile, n'a jamais lésiné sur les moyens pour offrir à nos athlètes, toutes disciplines confondues, les meilleures conditions de formation et de perfectionnement en vue d'une belle carrière internationale». M. Azaiez, lui-même ancienne gloire du handball tunisien, lance, à l'occasion, un appel de coeur aux parents et aux clubs, pour mieux encadrer les leurs, tout en proposant la mise en oeuvre d'une stratégie d'accompagnement des athlètes dans l'exécution de laquelle doivent s'impliquer les ministères de l'Education, de l'Enseignement supérieur, de la Jeunesse et des sports.

Quand on veut, on peut

Et pourtant, ce ne sont pas les moyens et les opportunités qui manquent en Tunisie pour briller sur le plan sportif. C'est d'autant plus vrai que, de tout temps, notre pays, bien que petit de taille mais géant par ses inépuisables ressources humaines, a «enfanté» de grands champions dont certains sont même devenus des stars de réputation internationale. Ceux-ci n'ont pas eu une baguette magique, ni profité de concours de hasard pour y parvenir. Bien au contraire, c'est dans nos stades, salles multidisciplinaires, piscines et parcours d'athlétisme et de tennis qu'ils ont été découverts puis formés.

C'est dans cet environnement propice à l'épanouissement sur des bases solides qu'ils ont fait leurs premières dents de lait avec la performance de haut niveau. « C'est une question de volonté » estime le président de l'association sportive d'Ennour de l'Ariana, Amor Baccouche, qui semble s'escrimer à la conviction que « lorsqu'un athlète bien encadré par ses parents achève les étapes de formation, c'est à lui, et pas à une autre partie, de baliser la voie de sa future carrière.»

Par ailleurs, il s' est avéré que beaucoup de nos sportifs qui ont ont succombé à la tentation de la migration clandestine invoquent l'absence de motivation financière au sein des clubs et le refus de ces derniers de les libérer pour embrasser une carrière de pro à l'étranger. « C'est faux », réagit Kais Attia, dirigeant à l'Espérance sportive de Tunis qui précise que «notre club, qui a toujours honoré ses engagements financiers vis-à-vis de ses adhérents, n'a jamais fait objection au départ d'un joueur, à moins que l'offre étrangère ne garantisse pas les droits du joueur et du club.»

Certaines associations sportives ont, de nos jours, trouvé la thérapie salutaire, celle-là même qui est exclusivement axée sur le côté social. Prenons l'exemple, sans doute le plus efficace, de l'association sportive féminine du Sahel. En effet, son fondateur et président Kamel Rommani nous a confié que « la priorité des priorités dans la politique générale de notre club réside dans l'entretien de relations solides avec les parents des joueuses, et cela à travers le suivi régulier que nous portons à leurs études, à leurs situations familiales et même à leurs fréquentations en dehors des séances d'entraînement.

Les élèves les plus brillantes d'entre elles, eh bien, on les honore à chaque fin d'année scolaire, outre le fait que nous avons pris l'habitude de distribuer des aides diverses aux joueuses issues de familles nécessiteuses à l'occasion du mois de Ramadan, des deux aïds et de la rentrée scolaire.

M Rommani, visiblement comblé, conclut en disant fièrement que «c'est uniquement de la sorte qu'on n'a déploré au sein de notre association ni écart de conduite, ni surenchère ni le moindre cas de migration illégale. Et c'est aussi grâce à cette stratégie sociale porteuse, hélas peu suivie par les autres clubs, que l'écrasante majorité de nos joueuses ne nous ont quittés qu'après avoir, sous notre encadrement rapproche, assuré leur avenir et fonder un foyer».

A méditer.

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