Tunisie: On nous écrit - «Paris est une dette » de Saber Mansouri - 'Parie tout ce que tu veux'

«Paris est une dette» est le quatrième roman de Saber Mansouri, le deuxième aux éditions Elyzad, après «Sept morts audacieux et un poète assis». L'auteur, helléniste et arabisant, est également auteur de six essais.

Au téléphone, je m'enquiers de l'arrivage du livre avant de me déplacer : Paris est une dette. Paris est une fête ? Ça l'est, oui, certainement. Mais là, non.

«Paris est une dette» est le quatrième roman de Saber Mansouri, le deuxième aux éditions Elyzad, après «Sept morts audacieux et un poète assis». L'auteur, helléniste et arabisant, est également auteur de six essais. La couverture est belle. Un bout de siège en rotin d'une terrasse automnale qui te fait de l'oeil, même qu'on croirait voir venir vers nous le serveur, du spritz sur le plateau, pour rester dans les tons. On ne le donnerait pas pour écrit entre une feuille de boucher et une page de papier, ce roman.

Et "parie tout ce que tu veux" qu'il se moquera de mon titre comme de Mussa, Mossu, Massu. Mais qu'importe, parce que je suis définitivement bluffée, moi, par ce né huit fois (*). Depuis cette histoire de gigot de chevreau, de Derrida, de virée iraquienne pour aller chercher le Grec chez les Arabes. Comment Paris lui aurait-il ouvert les bras, autrement ? Il ? Oui, il. J'aurais dit elle.

Parce qu'entre un homme et une ville, c'est souvent comme entre un homme et une femme. Mais quels bras ouverts ne finissent pas par se refermer, étreindre ou étrangler. Nader (parce qu'il est rare qu'on prenne tout un lectorat pour témoin de constitution de dette) est, d'emblée, jeté aux désillusions et son écriture cristallise passion et conflit.

%

Le thésard/ veilleur de nuit, féru de Bossuet, va également vite comprendre que tout sujet n'est pas pour le premier venu, de là-bas, de surcroît. En lieu et place de la passion, tu feras le chercheur utile ou -- traître pour traître -- le traducteur. L'impossible inversement du regard devient alors possible. En filigrane par endroits et franco par d'autres, l'auteur y va de sa charge culpabilisante sur la demeure France, en peine d'honorer jusqu'aux promesses du vivre-ensemble faites à elle-même.

Et sur des registres moins académiques : pour que Paris se révèle, c'est à toi de t'effeuiller, pelure après pelure. Tu laisseras en couler quelques larmes cépacées, une espèce de dépôt de chagrin par avance. Tu prendras tes distances avec Hikmat, Mehdi, Hafidh... et si vraiment tu les adores, les Parisiennes, te faudra leur aller au plus près. Tu les verras serrer leur sac sous l'avant-bras à ton approche, la salade de pâtes et le dernier must-learn de la saison, elles y tiennent. Comme toi, à ta quête de l'introuvable.

Après, si t'arrives à la cerner un peu mieux, la chose française, tu peux les attendre au Tournon, en terrasse, s'il fait beau, te taper madame l'agente ou convoiter un livre rare, elle n'est quand même pas tant empêchée que ça, ton audace. Celle-là même qui te fera pousser la porte de cette boucherie ("ça vaut la peine de fréquenter les bouchers"), te faire réconcilier avec le métier du père, retrouver le goût du verbe et une nouvelle filiation. On se sait de quel côté de la mer la dette a été contractée. On sait, in fine, qu'il y a espoir de décontraction.

«Paris est une dette», un bon temps de lecture et une invite à repondérer la géographie des possibilités.

(*) "Je suis né huit fois" est le premier roman de Saber Mansouri, paru aux éditions Le Seuil, en 2013. Suivra, en 2017 et chez la même maison, "Une femme sans écriture". "Sept morts audacieux et un poète assis" paraîtra chez Elyzad en 2021. "Paris est une dette" est en lice pour le Comar d'Or 2024.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.