L'Union africaine et le gouvernement du Kenya accueillent le Sommet africain sur les engrais et la santé des sols, du 7 au 9 mai 2024, à Nairobi au Kenya. En prélude à cette rencontre, la société civile africaine, sous l'égide de l'Alliance pour la sécurité alimentaire en Afrique (AFSA), a animé un panel en ligne, le vendredi 3 mai 2024, sur les alternatives agroécologiques pour le continent, à travers la promotion et la valorisation des bio intrants agricoles.
Face aux impacts négatifs de l'agriculture industrielle sur les sols, la biodiversité et les systèmes alimentaires africains, la société civile du continent, sous le leadership de l'Alliance pour la sécurité alimentaire en Afrique (AFSA), est convaincue que l'alternative pour une agriculture en Afrique réside dans le retour aux pratiques agroécologiques, à la promotion et à la valorisation des engrais biologiques. Cette conviction, elle l'a réitérée le 3 mai 2024 au cours d'un panel en ligne, tenu en prélude au Sommet africain sur les engrais et la santé des sols qu'organisent l'Union africaine et le gouvernement du Kenya, du 7 au 9 mai 2024, à Nairobi.
Pour le coordonnateur général de AFSA, Dr Million Belay, l'Afrique doit réussir la transition de l'agriculture conventionnelle vers l'agroécologie. Pour ce faire, elle doit combiner plusieurs méthodes agroécologiques afin de permettre aux terres de se restaurer ; et s'organiser étape par étape pour y arriver.
La transition agroécologique a besoin du temps pour se matérialiser et les gouvernants africains doivent accompagner les paysans en supportant le coût de cette transition, comme cela se fait par exemple en Allemagne où le gouvernement finance les producteurs durant les trois premières années de transition agroécologique, a souligné Dr Belay.
Mais, au-delà du financement, la réponse à la transition agroécologique doit être holistique et prise en charge de manière cohérente au niveau des politiques alimentaires, commerciales, d'éduction, etc., a-t-il insisté. Face aux crises environnementales et climatiques qui secouent l'Afrique, a poursuivi le coordonnateur général de AFSA, il faut changer de cap ; et l'agroécologie constitue la solution durable, comme le soutiennent de nombreuses recherches scientifiques.
Mettre fin au modèle agricole industriel
Pour le paneliste Pr Mamadou Goïta, par ailleurs directeur exécutif de l'Institut de recherche et de promotion des alternatives de développement (IRPAD), basé à Bamako au Mali, l'utilisation des engrais chimiques dans l'agriculture est un échec.
Il en veut pour preuve, les 2/3 terres où les intrants chimiques étaient utilisés qui ont connu une érosion avancée, les zones mortes dues à l'utilisation excessive des produits chimiques ; les 70% des eaux utilisées dans la production qui sont destinés à l'agriculture industrielle, la disparition de certaines exploitations, l'augmentation des effets du changement climatique. Sans oublier le suicide des paysans dans certaines régions.
Au regard, de ces effets néfastes, il est temps de mettre fin au modèle agricole industriel et de penser à des alternatives qui résident dans l'agroécologie. Les approches agroécologiques vont non seulement contribuer à changer de modèle de production mais également aider à réparer certains dégâts causés par l'agriculture industrielle, a fait savoir Pr Goïta.
Et d'ajouter que les biofertilisants permettent d'utiliser la nature pour régénérer la nature, assurer la protection de la biodiversité, limiter l'utilisation intensive des intrants chimiques. « L'agroécologie, en tant qu'alternative liée à la souveraineté alimentaire, est l'approche la plus adéquate pour arrêter l'offensive des multinationales sur l'utilisation des engrais chimiques », a indiqué le paneliste. Il s'est réjoui de voir des stratégies nationales de développement de l'agroécologie se déployer dans certains pays ouest-africains.
La paneliste Ester Bett de RODI Kenya s'est appesantie sur le leadership du Kenya en matière de production, de certification et d'utilisation des biofertilisants. « Nous évaluons les sols pour connaitre leurs structures. Les expériences montrent que les biofertilisants réparent les sols, augmentent leurs capacités de rétention d'eau, leur productivité avec des rendements doubles, permettent la régulation de la température des sols. Avec les engrais organiques les cultures sont saines, avec plus de goût pour les aliments, tout en garantissant un environnement durable », a-t-elle confié.
Optimiser l'utilisation des biofertilisants
Dans la même veine, le directeur de l'agriculture du comté de Muranga au Kenya, Daniel Gitahi, est revenu sur les raisons qui ont poussé sa province à se doter d'une politique de développement de l'agroécologie. Il s'agit, entre autres, de la dégradation continue du couvert forestier, des sols, de la biodiversité due à l'agriculture conventionnelle, la dépendance des paysans vis-à-vis des engrais chimiques, avec comme résultats des sols de plus en plus acides, toxiques, incapables de nourrir les populations et de les sortir de la pauvreté.
Henry Chibutu de la SCOPE en Zambie a, pour sa part, indiqué que son organisation croit aux valeurs positives de l'agroécologie. C'est pourquoi, la SCOPE travaille à préserver les semences locales, documente et capitalise les bonnes pratiques agroécologiques, implémente des villages écologiques et mène le plaidoyer pour des politiques publiques pro agroécologiques. Il a insisté sur la nécessité de renforcer les capacités des gouvernants sur les enjeux liés à l'agroécologie.
La chercheure sur les biofertilisants à l'Université du Zimbabwe, Blessing Magonziwa, tout en soulignant les avantages des engrais bio en matière d'amélioration de la santé des sols, des cultures, de réduction des maladies, a mis l'accent sur la nécessité d'optimiser l'utilisation des biofertilisants.
Et pour y arriver, il faut œuvrer à lever les contraintes. Il s'agit notamment de la non disponibilité de la fumure, le manque de connaissances spécifiques liés aux différents contextes socioculturels, le besoin d'infrastructures, a-t-elle énuméré. Pour y répondre, il faudrait davantage de recherches sur les engrais organiques, mettre en place des programmes nationaux et régionaux de soutien à l'agroécologie. Sur la problématique du financement, le professeur Mamadou Goïta a recommandé d'affecter au moins 50% des ressources publiques allouées à l'agriculture à la transition agroécologique.
Mais il faudrait éviter le piège où les unités locales de productions des intrants biologiques vont se comporter comme les multinationales, avec les mêmes résultats déjà décriés depuis des années, a-t-il prévenu. C'est pourquoi, il a préconisé que l'argent public soit plus orienté vers le renforcement des capacités des paysans à produire leurs propres biofertilisants.