C'est la rencontre entre un jeune loup aux dents bien longues et un vieux brisquard. En effet, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, est arrivé, ce mardi 7 mai, à Abidjan pour une visite de travail et d'amitié avec le président ivoirien, Alassane Ouattara.
Presque tout oppose les deux hommes. L'âge d'abord : l'un est un fringant quadragénaire de 44 ans quand l'autre affiche 82 hivernages. L'expérience présidentielle ensuite : candidat par défaut lors de la dernière présidentielle le 24 mars dernier, le Sénégalais vient, il y a à peine un mois, de prêter serment alors que le locataire du palais de Cocody y a passé treize années et ne compte vraisemblablement pas s'arrêter en si bon chemin. Enfin sur le plan idéologique, celui qui était il y a peu secrétaire général de l'ex-parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF), dissous le 31 juillet 2023 par les autorités d'alors, est un révolutionnaire et un panafricaniste dans l'âme alors que son homologue est présenté par nombre d'observateurs comme la tête de proue de l'impérialisme, notamment français, en Afrique de l'Ouest francophone.
Ce sont donc deux hommes aux trajectoires diamétralement opposées qui vont se rencontrer.
Nonobstant les différences qui sont les leurs, leurs pays sont bien obligés de se parler dans la mesure où le Sénégal et la Côte d'Ivoire sont les locomotives de l'UEMOA et de la CEDEAO et où les échanges commerciaux entre les deux se chiffrent à plus de 200 milliards. Quoi de plus normal donc que le tout nouveau premier magistrat sénégalais ait choisi le pays d'Houphouët-Boigny pour sa première destination après celle de ses voisins frontaliers comme la Mauritanie, la Gambie et la Guinée-Bissau ? Nul doute que ces deux institutions seront au menu des échanges entre les deux personnalités. En effet, ce voyage présidentiel a lieu au moment où ces deux organisations sous-régionales sont minées par des crises. D'abord la CEDEAO, du fait du retrait sans délai des Etats membres de l'AES (Mali, Burkina, Niger) et ensuite l'UEMOA avec l'interminable procès qui est fait au franc CFA dont les nouveaux dirigeants du pays de la Teranga espèrent la fin par l'entremise d'une monnaie de la CEDEAO qu'ils appellent de leurs vœux.
Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ne font d'ailleurs pas mystère de leurs ressentiments vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale qui traversent depuis un certain temps des jours sombres dans son pré carré.
Entre les intentions d'un novice dans la gestion du pouvoir d'Etat et la réalité du terrain, il y a un grand pas. Les nouvelles autorités du pays de Léopold Sédar Senghor se verraient d'ailleurs jouer les forces tampons entre l'AES et le reste de la CEDEAO et, qui, sait ramener les frondeurs dans la grande famille de la communauté.
De ce point de vue, ADO, que Bamako, Niamey et Ouagadougou ne veulent pas voir même en peinture, pourrait sous-traiter cette épineuse question à son jeune homologue, même s'il faut bien plus qu'un simple voyage présidentiel pour dénouer cette crise au sein de la CEDEAO qui s'installe dans la durée.