Dakar — Le Sénégal utilise chaque année "un peu moins de 5.000 tonnes de pesticides", dont les 70 % sont importées, a-t-on appris mardi du secrétaire exécutif de l'organisation non gouvernementale sénégalaise Enda Pronat, Jean-Michel Sène.
"Chaque année, le Sénégal consomme un peu moins de 5.000 tonnes de pesticides, dont la valeur est estimée à 10 milliards de francs CFA", a dit M. Sène.
Selon lui, 70 % des pesticides utilisées au Sénégal proviennent de l'étranger.
"Il y a la main de l'Europe dans nos plats, ce qui demande aujourd'hui toute une mobilisation des acteurs que nous sommes", a lancé le secrétaire exécutif d'Enda Pronat en marge du lancement de l'Atlas des pesticides/Sénégal, une activité de la fondation Heinrich-Böll Sénégal et de cette ONG.
L'organisation non gouvernementale a tenu cette rencontre pour "informer [les usagers de] l'impact des pesticides au Sénégal", a dit Jean-Michel Sène.
L'Atlas des pesticides/Sénégal est une publication fournissant des données relatives à l'utilisation et à l'impact de ces substances sur l'agriculture, la santé humaine, la biodiversité, l'eau et le sol.
Un usage "excessif" des pesticides
M. Sène signale que les pesticides ont contribué à accroître la productivité agricole et à garantir la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions du monde. Cependant, à ces bienfaits s'ajoutent des conséquences inquiétantes pour la santé humaine, a-t-il relevé.
Il y a un usage "excessif" des pesticides au Sénégal, ce qui engendre des conséquences négatives sur l'environnement, la santé humaine et la biodiversité, la contamination des sols, des eaux souterraines et des cours d'eau, a signalé Jean-Michel Sène.
L'usage d'une importante quantité de pesticides détériore aussi la qualité de l'eau et la santé des populations, selon lui.
S'y ajoute que l'utilisation intensive de pesticides peut aboutir à la résistance des parasites et des insectes aux produits chimiques et entraîner une augmentation dangereuse des doses utilisées, en plus de rendre les traitements moins efficaces à long terme, a-t-il prévenu.
"Cela nous met aujourd'hui face à une crise sanitaire silencieuse, où l'exposition aux pesticides agricoles est devenue omniprésente et affecte les travailleurs agricoles, les communautés rurales et les consommateurs, à travers les résidus présents dans les aliments", s'est alarmé M. Sène.
Il ajoute que "les preuves scientifiques des effets néfastes de ces produits sur la santé humaine et l'environnement [...] mettent en lumière des liens troublants avec des maladies chroniques, dont le cancer, les troubles neurologiques et la stérilité".
Jean-Michel Sène signale "la disparition alarmante des pollinisateurs essentiels tels que les abeilles, de nombreux cas d'intoxication alimentaire et la pollution des eaux".
Il déplore que les conséquences de l'usage "excessif" des pesticides ne suscitent pas "une prise de conscience massive au sein des populations, surtout chez les couches les plus exposées".
Un modèle agricole à repenser
Le secrétaire exécutif d'Enda Pronat estime que le modèle agricole sénégalais doit être repensé, et des alternatives durables aux pesticides chimiques explorées. Mais cela nécessite un engagement collectif des gouvernements, de l'industrie agricole, des chercheurs, des organisations de la société civile et des consommateurs, selon lui.
Fabian Heppe, le directeur de la fondation Heinrich-Böll, estime qu'il est possible d'augmenter la productivité agricole sans recourir ni aux pesticides ni aux engrais artificiels.
Il soutient que l'agroécologie, qui combine des pratiques de protection traditionnelles et l'utilisation prudente de pesticides sûrs et efficaces, est une alternative fiable et facile à pratiquer.