Afrique de l'Ouest: Diomaye Faye chez Ado - Une nouvelle ère dans les relations Abidjan-Dakar ?

Le président Ouattara reçoit son homologue sénégalais Diomaye Faye

Après la Mauritanie, la Gambie et la Guinée-Bissau, le président sénégalais nouvellement élu, Bassirou Diomaye Faye, était, le 7 mai dernier, en Côte d'Ivoire pour une visite d'amitié et de travail à son homologue ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO). Une quatrième sortie en un peu plus d'un mois d'exercice du pouvoir, qui traduit la volonté du nouveau locataire du palais de la République, de vite prendre ses marques au niveau international. Et cette visite au numéro un Ivoirien est d'autant plus importante que les deux pays entretiennent des relations d'amitié de longue date, en plus de constituer un attelage de poids au sein des organisations communautaires régionales que sont la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La question qui se pose est de savoir si cette visite du « jeune loup » sénégalais au « vieux dinosaure » ivoirien, va marquer une nouvelle ère dans les relations entre Abidjan et Dakar. La question est d'autant plus importante qu'on se rappelle encore, comme si c'était hier, les propos du locataire du palais de Cocody vantant « les liens personnels d'amitié » qu'il entretenait avec le prédécesseur de son hôte d'un jour, lors d'une visite de Macky Sall en octobre 2023 sur les bords de la lagune Ebrié, comme pour justifier la solidité des liens entre les deux capitales.

Abidjan valait bien un détour pour le nouveau président sénégalais

Des atomes particulièrement crochus avec le numéro un Ivoirien qu'on ne connaît pas au nouveau chef de l'Etat sénégalais qui a tout une relation à construire avec celui qu'il surnomme affectueusement « le patriarche ». Mais dans quel sens ? Là est toute la question. Surtout quand on sait qu'au-delà du gap générationnel, les deux dirigeants ne partagent pas toujours les mêmes visions. Le jeune président sénégalais ayant promis une politique de rupture dans laquelle il n'exclut pas, par exemple, un retrait de son pays du F CFA tout en prônant un rééquilibrage des relations internationales, notamment avec la France, là où son illustre aîné a jusque-là brillé par une politique qui en fait, aux yeux des souverainistes africains ou prétendus tels, un inconditionnel de l'ex-puissance coloniale.

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Pour toutes ces raisons, on se demande si Abidjan et Dakar qui ont toujours paru sur la même longueur d'ondes sur des questions régionales, garderont la même image de complicité au sein de l'espace communautaire. Cela est d'autant plus important à relever que dans la récente crise consécutive au coup d'Etat du 26 juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum au Niger, les positions d'Abidjan et de Dakar par rapport aux décisions de la CEDEAO ont paru constantes, quand on sait que la gestion de cette crise ne faisait pas l'unanimité au sein de l'organisation sous-régionale. Sans oublier le rôle de médiateur que compte jouer le successeur de Macky Sall pour le retour des pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) que constituent le Mali, le Burkina Faso et le Niger au sein de la CEDEAO, lesquels sont connus pour entretenir des relations difficiles avec Abidjan.

Tout semble séparer le jeune panafricaniste et le vieux dinosaure

C'est dire les enjeux de ce déplacement qui se veut aussi une visite de raison, en ce qu'elle vise au premier chef, le renforcement des relations de coopération bilatérale entre les deux pays dont les échanges commerciaux se chiffrent, bon an mal an, à des centaines de milliards de F CFA. C'est dire aussi si Abidjan valait bien un détour pour le nouveau président sénégalais qui compte une forte communauté de compatriotes au pays d'Houphouët Boigny. En tout état de cause, c'est une visite qui en appelle d'autres et l'on attend de voir, dans les mois et années à venir, comment elle va impacter les relations entre la Côte d'Ivoire et le Sénégal. Non seulement au niveau de la coopération bilatérale, mais aussi au niveau multilatéral.

Avec une CEDEAO aujourd'hui à la croisée des chemins, le président ADO qui ne semble pas prêt à renoncer à son influence au sein de l'organisation sous-régionale, trouvera-t-il en Diomaye Faye le même allié que Macky Sall ? L'histoire sans doute le dira. En attendant, c'est une première prise de contact qui était nécessaire entre les deux chefs d'Etat, pour poser les jalons de la coopération entre leurs deux pays qui se présentent comme les locomotives de l'espace francophone ouest-africain. Même si, de l'âge à la vision politique en passant par les rapports au pouvoir, tout semble séparer le jeune panafricaniste qui ne jure que par le renforcement de la démocratie dans son pays, et le vieux dinosaure qui, après treize ans de pouvoir, est déjà trusté par ses partisans pour briguer un quatrième mandat.

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