Annoncés pour le 21 mai prochain, soit deux semaines après le déroulement du scrutin, les résultats de la présidentielle au Tchad ont été rendus publics le 9 mai dernier. Pourquoi un tel revirement qui semble avoir surpris plus d'un ? Même si l'Autorité nationale de gestion des élections (ANGE) n'a pas jugé utile de se justifier, tout porte à croire qu'elle a subi des pressions. Car, depuis la fermeture des bureaux de vote, et alors même que la compilation était en cours, des bruits couraient sur les réseaux sociaux, donnant le Premier ministre Succès Masra vainqueur dès le premier tour.
Redoutant donc de se faire couper l'herbe sous les pieds au moyen des nouvelles technologies de l'information, le président Mahamat Idriss Déby a préféré prendre les devants et cela, en instrumentalisant le patron de l'ANGE qui, comme on pouvait s'y attendre, l'a déclaré vainqueur de la présidentielle. Pouvait-il en être autrement quand on sait que dans nos républiques bananières, les désirs des princes régnants font loi ? Le Tchad n'est pas le Sénégal où les institutions sont très fortes, et où les intérêts d'un individu ou d'un clan ne sauraient primer sur ceux du peuple. En tout cas, tous ceux qui rêvaient d'une possible alternance au Tchad, doivent désenchanter.
Le pouvoir du père ne se donne pas
Ce ne sera pas pour demain la veille ; tant la famille Déby a tout verrouillé et n'entend, pour rien au monde, lâcher prise. Le pouvoir du père ne se donne pas. Et tant pis pour ceux qui, dans l'opposition ou dans la société civile, continuent de ruer dans les brancards. Ils seront dans les meilleurs des cas, embastillés et dans le pire des cas, envoyés ad patres. On a encore en mémoire les circonstances tragiques dans lesquelles ont péri Yaya Dillo et certains cadres de son parti. Quant à Succès Masra, on ne peut que s'interroger sur son avenir politique.
Va t-il mériter toujours la confiance de Déby-fils en restant toujours à la Primature ? Ou va t-il rejoindre ses camarades d'hier de l'opposition qui l'accusent à tort ou à raison d'avoir trahi la cause non seulement en acceptant de devenir chef de gouvernement de celui qu'il a combattu, mais aussi d'avoir joué le jeu de ce dernier en l'accompagnant à une présidentielle dont le vainqueur était connu d'avance ? Quoi qu'il en soit, Mahamat Idriss Déby a réussi à légitimer son pouvoir en refermant la parenthèse de la transition ouverte après le décès de son père dans les conditions que l'on sait. Celui qui était censé ne diriger que la Transition, est bien parti pour présider aux destinées du Tchad pendant des décennies.