Au Sommet des dirigeants des médias d'Afrique qui s'est ouvert ce jeudi 09 mai 2024, le président de la Banque africaine de développement (Bad), Akinwumi Adesina a lancé un message fort sur le traitement médiatique qui concerne l'Afrique. Il appelle les leaders des médias à devenir les vuvuzelas de l'Afrique.
Pour lui, il est temps de changer. « L'actualité africaine, sauf négative, n'est pas prioritaire. Comment les nouvelles positives sur l'Afrique peuvent-elles se comparer à la prépondérance des rapports sur les conflits criminels, les crises et les défis ? Africa No Filter Report appelle cela « si le sang coule le sujet sera porteur ». D'autres dans le secteur disent cyniquement : « Si ça ne put pas, ça ne se vend pas. », a déploré M. Adesina. Selon lui, cela ne devrait pas être le cas du moins pour nous en Afrique.
«Tant que nous nous dénigrons continuellement et faisons le jeu de ceux qui contrôlent le récit sur l'Afrique, aussi longtemps nous resterons coincés avec une étiquette qui ne nous appartient pas. Il est temps de changer », a préconisé le président de la Bad. Il a relevé que les préjugés, la désinformation, les stéréotypes sur l'Afrique et le mantra incessant de nouvelles négatives ont de multiples effets. Il a expliqué que cela a un impact négatif sur le psychisme, les croyances et les espoirs des jeunes, avec pour conséquence une perception que leur destin se situe ailleurs que sur le continent.
«Les images négatives affectent fortement la confiance des investisseurs, découragent le capital, augmentent le profil de risque des pays et, pire encore, contribuent à ce que l'on appelle la prime de risque en Afrique qui rend le coût du capital pour l'investissement 3 à 4 fois plus élevé que dans d'autres régions du monde », a fait savoir le président Adesina. S'adressant aux participants, il leur demande combien de fois ils ont entendu dire qu'investir en Afrique est risqué ?
«Oui, l'Afrique comporte des risques, mais la question est : l'Afrique est-elle plus risquée que d'autres régions du monde ? Eh bien, la perception n'est pas la réalité », a indiqué Akinwumi Adesina. Ce dernier informe que Moody's Analytics a mené une enquête sur 14 ans sur les taux de défaut cumulés sur les prêts d'infrastructure dans diverses régions du monde. «Les résultats montrent que le taux de défaut en Afrique était de 1,9 %, contre un taux de défaut de 6,6 % en Amérique du Nord ; 10 % en Amérique latine ; 12 % en Europe de l'Est ; et 4,3 % en Asie occidentale », révèle le président de la Bad avant de demander de regarder cependant les rendements des obligations émises par les pays africains et les pays d'Amérique latine.
Il soutient que pour une même notation de crédit de pays similaires notés BB dans les deux régions, celui d'Afrique paie un taux d'intérêt de 1,1 % plus élevé que celui d'Amérique latine. Akinwumi Adesina renseigne que cette année, l'Afrique paiera 74 milliards de dollars au titre du service de ses prêts, contre 17 milliards de dollars en 2010. Le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), a-t-il dit, a constaté que si les pays africains étaient traités de manière transparente et équitable dans les notations des agences de risque de crédit, ils auraient économisé au moins 75 milliards de dollars en intérêts.
«Combien d'agences de presse ou de rédacteurs en chef ont demandé à leurs journalistes d'effectuer des recherches sur ces préjugés et d'en rendre compte afin de sensibiliser au coût de ces préjugés pour les pays africains ? Il y a un déluge de désinformation sur l'Afrique, et celle-ci augmente à un rythme accéléré, sous l'effet de la révolution numérique et de la transition des grands médias vers les médias sociaux », déplore M. Adesina.