Ile Maurice: Les avis sont mitigés par rapport aux nouveaux salaires et conditions de travail

Le réajustement de la grille salariale et des conditions de travail du personnel des écoles encadrant les enfants à besoins spéciaux par le National Remuneration Board (NRB), et dont le rapport a été publié dans la Government Gazette en mars 2024, suscite des sentiments mitigés auprès des responsables de ces écoles spécialisées et des organisations non gouvernementales concernées. Alors que les nouveaux éducateurs et autres membres du personnel affichent une certaine satisfaction, pour de nombreux éducateurs comptant des années d'expérience, ces changements suscitent déception et inquiétudes.

Le personnel éducatif des écoles spécialisées dispose désormais d'un cadre légal concernant leurs conditions de travail et leur rémunération avec la publication du Remuneration Order pour le secteur Special Education Needs (SEN). Ainsi, un enseignant détenant un Teacher's Diploma (SEN) auprès du Mauritius Institute of Education (MIE) et qui est à sa première année de service, percevra un salaire de Rs 25 500, allant jusqu'à Rs 29 550 pour ses collègues ayant dix ans de service.

L'Assistant Teacher/Clerk aura droit à un salaire de Rs 22 350 au début, allant jusqu'à Rs 25 225 à sa dixième année de service. Les Carers/Drivers recevront une rémunération variant entre Rs 18 755 et Rs 21 587. Les Caretakers ont droit à Rs 18 150 au début, leur salaire passant à Rs 20 280 au cours de leur dixième année de service.

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«Si l'existence d'un cadre légal réglementant les conditions de travail est saluée, le réajustement salarial est pour le moins décevant en ce qui me concerne. J'ai 30 ans de service comme éducateur. J'ai progressé, fait preuve de patience et de compétence en travaillant avec des enfants en situation de handicap. Mon salaire est d'environ Rs 29 000. Là, je vois des personnes qui ont un diplôme et qui, à leur première année de service, démarrent avec un salaire presque identique au mien. En quoi est-ce équitable ?», se demande Arnaud, un éducateur employé par une organisation non gouvernementale.

Alors que les écoles spécialisées reçoivent déjà une subvention de la Special Education Needs Authority (SENA), organisme chapeautant toutes les écoles spécialisées du pays, ce nouveau cadre réglementaire permet aux salaires du personnel d'être versés directement par la SENA. Ce fonctionnement est le même que celui de l'Early Childhood Care and Education Authority (ECCEA), qui verse directement les salaires du personnel dans le cadre du Free Pre-Primary Education Scheme.

La directrice d'une autre organisation non gouvernementale, travaillant avec des enfants en situation de handicap, va dans le même sens qu'Arnaud. «Alors que pour l'éducation pré-primaire gratuite, les salaires des managers sont bien définis comme étant de Rs 35 000 mensuellement, ce n'est pas le cas pour les managers, les thérapeutes ou les chefs d'établissement des écoles SEN. Nous avons 15 enseignants pour 85 élèves, en plus d'une secrétaire, du personnel pour l'administration, d'un thérapeute, du manager, du directeur adjoint et du directeur d'école. Nous disposons également d'un personnel de soutien comme un cuisinier chargé de préparer des repas chauds pour les enfants. Les managers sont ceux qui ont 20 ans d'expérience, qui ont commencé à des postes inférieurs et qui ont suivi la formation nécessaire. Certains d'entre eux voient maintenant leurs enseignants être mieux payés qu'eux. C'est inadmissible», estime notre interlocutrice.

Une autre responsable d'école encadrant les enfants à besoins spéciaux ne comprend pas ces révisions salariales et n'y va pas avec le dos de la cuiller. «La SENA érigée en une 'autorité' de plus, par un État tentaculaire, est arrivée avec ses gros sabots, pour ne pas dire ses bottes, refusant, dans un esprit de coopération, de capitaliser sur l'expérience et la compétence des gens du terrain, dans le meilleur intérêt de chaque enfant. Les actions de la SENA dans le secteur de l'éducation spécialisée causent bien des remous.»

Elle rappelle qu'au fil des années, il y a eu plusieurs formules de financement pour ces organisations pour finalement aboutir aux fonds de Corporate Social Responsibility. «Ensuite, plus récemment, un contrôle de l'État agressif a été imposé, avec des mesures extrêmement contraignantes, dictées par une cohorte de bureaucrates, sans expérience de terrain.» Elle ne décolère pas. «Quelle que soit la formule, le ghetto de l'éducation spécialisée est quasiment leur seul choix à ce jour. Toute modification abrupte dans les sources ou modalités de financement génère une instabilité insoutenable pour des structures déjà fragiles», insiste-t-elle.

Elle évoque le foisonnement d'organisations offrant un encadrement à ces enfants à besoins spéciaux mais dont les services ne sont pas du même niveau. «Il y a des institutions dont les résultats sont médiocres alors que d'autres sont de qualité supérieure, en fait, exceptionnelle. Certains établissements sont à but non lucratif, alors que d'autres sont fondés avec le seul but de générer des profits pécuniaires, au bénéfice de leur seul propriétaire. Et les résultats ne peuvent être les mêmes.»

Selon elle, la SENA ne fait qu'imposer, dicter de façon unilatérale et détruire les structures existantes de façon abrupte, «sans considérer les conséquences désastreuses de l'instabilité pour les enfants et leurs familles, pour les personnels dévoués. Cela relève de l'irresponsabilité et de la dictature. Cette situation mène tout droit à la catastrophe. Imposer une structure salariale déséquilibrée, qui ne tienne pas compte de la hiérarchie et des capacités humaines oblige immédiatement les écoles sans ressources adéquates à 'respecter la loi', sans leur offrir une subvention totale, résultera certainement dans la fermeture de la majorité des établissements d'éducation spécialisée. Estce le but inavoué de la SENA ?»

Elle égratigne au passage le gouvernement. «Le gouvernement affiche des objectifs mais son agenda réel est autre. Il n'a pas un agenda social mais met en place ses hommes, des moyens matériels ainsi qu'un programme établi pour asseoir un pouvoir abusif dans ce secteur, comme dans trop d'autres secteurs aujourd'hui.»

Révision des horaires de travail

Selon le Remuneration Order, le nombre d'heures de travail au sein des écoles spécialisées est désormais le suivant : 6,5 heures par jour pour le personnel enseignant et 7,5 heures pour le personnel non enseignant. Entre autres, un ratio enseignant/élèves de 1/7 est mis en place. Pour certains, la situation est satisfaisante. «Dans notre école, le ratio enseignant/élèves est de 1/6, et je bénéficie de l'aide d'un assistant et d'un Carer. J'arrive à l'école à 8 heures et les activités en classe durent jusqu'à 15 heures et je quitte l'école vers 15 h 15. Dans un effort louable, les formations au MIE sont programmées dans la soirée afin de ne pas perturber mon emploi du temps, étant donné que mes élèves ont besoin d'une attention physique et que je dois être en classe tout le temps.»

Toutefois, d'autres craignent que cette situation ne débouche sur un manque de personnel et ne compromette la qualité de l'enseignement actuellement offert aux élèves. «Alors que les classes se déroulent de 8 h 30 à 14 h 30, notre personnel enseignant reste jusqu'à 16 h 30 tous les jours où, pendant une heure et demie, des analyses de cas, des ateliers, des réunions et des évaluations du plan du travail sont menés. Nous avons plus de 140 élèves et suivons un programme d'études complètement différent. À ce stade, il est difficile de réduire les heures de travail sans nous donner davantage de personnel enseignant, tout en augmentant les salaires, et en veillant à ce que l'éducation et les soins individuels offerts aux enfants ne soient pas compromis. Les perturbations ne sont pas en faveur des enfants mais plutôt le reflet d'une approche où la SENA veut exercer un contrôle totalitaire sur le secteur SEN.» Ils ajoutent que «par la suite, nous avons réclamé des réunions et des consultations afin que ces problèmes soient discutés. Mais nous n'avons encore rien entendu».

Arvin Authelsingh : «Le NRB est le premier pas vers la réorganisation du secteur SEN»

Arvin Authelsingh, directeur de la SENA, explique que concernant la relativité salariale pour les managers et le personnel avec des années d'expérience, des discussions sont en cours pour mettre en place une structure à terme. «Le secteur SEN a été laissé à luimême sans aucune autorité de régulation, les établissements fonctionnant seuls et sans aucune conformité. Il est à noter qu'après le cadre réglementaire de 2018, l'objectif a été de réorganiser le secteur, en lui donnant son importance professionnelle et sa reconnaissance, ainsi qu'en vérifiant que les écoles disposent de l'environnement, du personnel et de la structure d'enseignement nécessaires dans l'intérêt des enfants. Le NRB est le premier pas vers cela et des discussions sont en cours à partir de là pour voir comment trouver une solution (...)»

Il explique que «récemment, nous avons également constaté des problèmes liés à l'augmentation des salaires et que certaines écoles SEN ont commencé à remplacer leur personnel. Dans quelques cas que nous examinons, certains ont travaillé pendant dix ans mais il n'y a pas de documents, pas de preuves, pas de contribution au fonds de pension. Le premier salaire a été versé de notre côté, et il y a aussi un comité qui évalue les problèmes au cas par cas.»

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