Ile Maurice: Entre promesses et dépits

Toutes les légendes urbaines ne sont pas vraies. Celle qui dépeint la circonscription n°19 (Stanley-Rose-Hill) en noir car étant «mal famée» ne l'est définitivement pas. Cette zone électorale, qui compte 38 982 électeurs, est un mélange de médecins, musiciens, travailleurs manuels, banquiers, avocats, sportifs et lauréats, entre autres. Mais le problème de la drogue, hélas, est bien présent.

Autrefois dynamique, cette zone est désormais confrontée à une série de problèmes, tels que la drogue, l'insécurité et le délabrement urbain. Comme partout à travers l'île. Dans les rues de la région, les promesses marchent main dans la main avec la résilience des habitants. Et leur désillusion qui s'est progressivement installée. Mais il y a de l'espoir. Plusieurs projets d'envergure ont démarré pour revitaliser la circonscription. Est-ce que le béton suffira à améliorer la vie des gens ? Ou est-ce qu'il faut que les élus commencent à descendre sur le terrain et s'immiscent dans le quotidien des gens afin de mieux comprendre leurs besoins ?

L'ombre grandissante de la toxicomanie

La consommation de drogues a augmenté de façon alarmante ces dernières années. Certains quartiers sont désormais considérés comme des zones à haut risque, où les trafiquants opèrent en toute impunité, attirant souvent des jeunes dans un cycle destructeur de dépendance et de criminalité. Pour les résidents, vivre dans ces conditions est devenu un cauchemar. Marie Annabelle, qui habite ici depuis plus de dix ans, nous confie : «Chaque jour, je crains pour la sécurité de mes enfants en rentrant de l'école. Les trafiquants sont partout, et personne ne semble faire quoi que ce soit pour les arrêter.»

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Des infrastructures en décrépitude

Autre quartier, autre problème. Les infrastructures urbaines elles-mêmes portent les stigmates d'abandon. Trottoirs fissurés, lampadaires défaillants et espaces verts envahis de mauvaises herbes dépeignent le tableau sombre d'une administration en déroute. Les récentes averses ont révélé les conséquences désastreuses des systèmes de drainage inadéquats, causant des inondations dévastatrices dans de nombreux foyers. Imteaz Mohamud, coiffeur depuis plus de 20 ans, exprime son exaspération : «Nous avons alerté les autorités à plusieurs reprises, mais rien n'a été fait. Chaque pluie nous remplit de crainte, sachant que nos maisons pourraient être submergées à tout moment.»

Élus absents

Cette circonscription ne compte que des têtes d'affiche politiques : Paul Bérenger, Ivan Collendavelloo, Deven Nagalingum et Fazila Jeewa Daureeawoo. Cependant, leurs noms ne résonnent qu'à la télé et dans les journaux. Sur le terrain, c'est le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie. La frustration se fait entendre parmi les citadins qui dénoncent le manque d'engagement de leurs représentants.

«Ils ne sont jamais là pour nous aider, pour arpenter nos rues et comprendre nos difficultés de près», témoigne un habitant, exprimant le sentiment généralisé d'abandon. Cette rupture de lien laisse les résidents seuls face à leurs défis quotidiens, contraints de trouver eux-mêmes des solutions à leurs problèmes. Des politiciens, critiqués pour leur présence éphémère uniquement en période électorale, distribuent des promesses séduisantes. Cependant, une fois les votes acquis, ces engagements semblent rapidement oubliés.

Une autre voix s'élève également pour dénoncer cette situation. Anjali V., une habitante engagée dans sa communauté, affirme : «Nous sommes abandonnés à notre sort. Les politiciens ne sont préoccupés que par leurs propres intérêts. Ils devraient se rappeler qu'ils sont élus pour servir le peuple, pas pour se servir d'eux.» L'absence de proximité devient un sujet de débat brûlant, mettant en lumière le fossé entre les discours politiques et la réalité vécue sur le terrain.

Exploits sportifs

Le jardin Cavalot, au coeur de la localité de Roches-Brunes, est un lieu de détente prisé par les habitants. À partir de 5 heures du matin, de nombreux résidents s'y retrouvent pour la marche ou un jogging près du lac. En après-midi, il est courant de croiser des groupes de yoga ou des familles avec enfants dans les aires de jeu. Noa Bibi, habitant de Plaisance, a marqué l'athlétisme mauricien en juillet 2022 aux championnats de France. Il a battu le record national du 200 mètres avec un temps de 19s 89, surpassant Stephan Buckland.

Cet exploit réaffirme le potentiel sportif de l'île et défie les stéréotypes associés à Plaisance. Au-delà de la piste, Noa incarne la détermination et transforme les perceptions de son quartier en un symbole de résilience. Sa victoire rappelle que les talents mauriciens peuvent briller où qu'ils se trouvent, inspirant une nation et démontrant que les rêves sont à portée de main.

Plaza : symbole de la circonscription

Plaza se présente comme un lieu de convergence et de loisirs apprécié par les résidents et les visiteurs.

Au coeur de Rose-Hill, il y a le Plaza. Lieu qui, malgré les décennies et les centres commerciaux qui rivalisent de modernité, attire toujours la foule et figure parmi les «baz kas poz» préférés des habitants. À la tombée de la nuit, l'ambiance tranquille du jardin prend une nouvelle dimension. Des marchands proposent une variété de divertissements pour les enfants, tels que des jeux, des ballons et des lumières, ajoutant une touche d'animation à l'atmosphère. À proximité, un vendeur de sorbets Vona Corona offre une pause rafraîchissante aux visiteurs, ajoutant une saveur locale.

Des projets majeurs

L'aménagement de la gare de Rose-Hill pour le métro représente l'une des réalisations les plus significatives. Cette infrastructure a été conçue pour répondre aux besoins croissants de déplacement de la population locale. En offrant une alternative de transport efficace, écologique et moderne, le métro contribue à désengorger les routes et à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la région. En outre, il renforce la connectivité entre Rose-Hill et d'autres zones urbaines, tout en créant des opportunités économiques grâce à la création d'emplois.

L'aménagement de la gare de Rose-Hill pour le métro représente l'une des réalisations les plus significatives.

Les citadins ont exprimé leur satisfaction à l'égard du métro, soulignant son impact positif sur leur quotidien. Certains témoignent que cette nouvelle infrastructure leur permet de se déplacer plus rapidement et plus confortablement vers leur lieu de travail ou d'études. D'autres soulignent avec enthousiasme la réduction significative de leur temps de trajet, ce qui leur permet de consacrer davantage de temps à leurs loisirs et à leur famille.

Direction Camp-Levieux, où 200 logements sociaux sont en cours de construction par la New Social Living Development Ltd. Le projet s'étend sur une superficie d'environ dix arpents. À ce jour, 40 % de ce projet ont été achevés, représentant un investissement estimé à environ Rs 545 millions. Ce projet se déploie en deux phases distinctes. La première prévoit la construction de 8 000 unités de logement, suivie d'une deuxième phase comprenant 4 000 unités supplémentaires. Outre les logements eux-mêmes, le projet inclura une gamme complète d'installations communautaires.

Un triste constat à Camp-Levieux : les ordures s'accumulent partout, reflétant un problème persistant de gestion des déchets dans plusieurs quartiers.

Des espaces verts, des parkings, un mini marché, des canaux de drainage, une aire de jeux pour enfants, une piste de jogging et un arrêt de taxi seront intégrés à l'environnement résidentiel. Des mesures environnementales telles que la récupération des eaux de pluie, l'utilisation de panneaux solaires et la mise en place de systèmes de gestion des déchets seront mises en oeuvre pour garantir la durabilité de la communauté.

Plus loin à Stanley, un nouvel ajout a été réalisé avec l'inauguration récente du mediclinic. Cet événement a eu lieu le vendredi 3 mai en présence du Premier ministre (PM), Pravind Jugnauth, du ministre de la Santé et du bien-être, Dr Kailesh Jagutpal, parmi d'autres personnalités. Le financement de ce projet, évalué à environ Rs 83 millions, a pour objectif principal de décentraliser les services de santé et de garantir un accès rapide et facile aux soins de santé pour les habitants de la région de Rose-Hill.

Le Mediclinic Stanley, dernier-né du n°19, rapproche les soins médicaux des habitants, les dispensant ainsi des trajets jusqu'à l'hôpital Victoria, à Candos.

Au cours de l'inauguration, le Premier ministre a souligné l'importance des projets de développement en cours à Rose-Hill, visant à améliorer le quotidien des résidents et à moderniser les infrastructures locales. Parmi ces projets, on compte la création de deux centres communautaires, d'un complexe polyvalent, d'un centre de soins pour personnes âgées et de trois mini-terrains de football, ainsi que l'aménagement d'un parc récréatif. Le Premier ministre a aussi annoncé la construction prochaine d'un nouveau marché à Rose-Hill pour remplacer l'ancien qui est en mauvais état. Il a également précisé que le développement d'un terminal urbain est en cours dans la région.

Marché déplorable

En parlant du marché de Rose-Hill, il est dans un état déplorable depuis de nombreuses années. Le 5 mai de l'année dernière, le gouvernement a donné son feu vert au projet de construction d'un nouveau marché à Rose-Hill, comprenant un bâtiment de quatre étages destiné à abriter une nouvelle foire marchande et à accueillir les activités de Da Patten. Celui-ci sera érigé à proximité du stade de Rose-Hill. Le projet comprendra un marché, une aire de stationnement et une tour de stationnement.

Les commerçants expriment leur mécontentement face à l'état actuel du marché, déplorant le manque d'hygiène et les mauvaises odeurs, particulièrement perceptibles du côté des boucheries. «Jusqu'à présent, aucune rénovation n'a été entreprise dans le marché. C'est sale. Il y a des rats partout», déplorent-ils. Ils soulignent également les difficultés supplémentaires que cela entraîne pour leur activité.

«L'état lamentable du marché décourage les clients. Nous faisons de notre mieux pour maintenir la propreté de nos étals, mais l'ambiance générale du marché nuit à notre réputation et à nos ventes», affirment-ils. Par ailleurs, Jean-Pierre, chauffeur de taxi à Rose-Hill, exprime également son mécontentement face à l'état déplorable du marché. «C'est une honte que notre marché soit si négligé depuis tant d'années. En tant que point central de notre communauté, il devrait offrir un environnement accueillant et propre pour les achats», affirme-t-il.

À maintes reprises, nous avons soulevé ce problème à l'avenue Pigeot, Plaisance. L'état de cette voie est dangereux pour automobilistes et piétons. Et les lampadaires sont hors service depuis des mois malgré de nombreux appels à la municipalité.

Appel à l'action

La circonscription n°19 est à un carrefour crucial de son histoire. Saura-t-elle surmonter ces épreuves et se réinventer, ou sera-t-elle condamnée à sombrer dans l'oubli et la désolation ? La réponse dépendra de l'unité et de la détermination de ses habitants, mais aussi de la volonté politique de faire face à la réalité et de transformer les promesses en actions concrètes.

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