L'ex-directrice de cabinet du président malgache a été condamnée à Londres à trois ans et demi de prison pour corruption. Romy Andrianarisoa avait été arrêtée dans la capitale britannique en août 2023, avec le Français Philippe Tabuteau décrit comme son « associé », après avoir été piégée par les enquêteurs de la National Crime Agency, en pleine négociation de pots-de-vin avec le géant minier Gemfields anglais. Un procès suivi à Madagascar.
Elle avait plaidé non coupable, mais le vendredi 10 mai 2024, les juges londoniens ont considéré que Romy Andrianarisoa avait au contraire « joué un rôle de premier plan » dans cette affaire et « abusé d'une position de confiance et de responsabilité ».
L'ancienne conseillère du président Rajoelina écope donc de trois ans et demi de prison. « Est-ce assez ? Pas assez ? Pour l'exemplarité, nous sommes satisfaits de cette sanction prononcée en tout cas » confie Ketakandriana Rafitoson, directrice exécutive de Transparency International - Initiative Madagascar.
« C'est une chance que cette affaire ait été traitée dans une juridiction étrangère et non à Madagascar. Ce cas est très important pour démontrer, surtout envers la justice malgache, que l'impunité n'est pas de mise dans des cas de corruption de haut vol. Espérons que ça dissuadera, dans le futur, d'autres personnalités, politiquement exposées surtout, à prendre le même chemin... »
« On ne peut qu'encourager la poursuite des investigations »
L'ONG de lutte contre la corruption estime cependant que plusieurs questions restent encore sans réponse. « Tous les commanditaires ou individus qui auraient pu être impliqués dans cette affaire ont-ils été condamnés ? On ne peut qu'encourager la poursuite des investigations pour que la lumière se fasse totalement sur ce cas et sur d'autres », soutient la représentante de la société civile.
Pour l'analyste politique Serge Zafimahova, l'affaire Romy et la démonstration de racket organisé auprès des grandes compagnies étrangères ne révèle pas un phénomène nouveau.
« Négocier des commissions, c'est une pratique qui est devenue courante aujourd'hui à Madagascar. C'est elle [Romy Andrianarisoa] qu'on a pu attraper. Mais elle n'est pas seule, assure-t-il. C'est sûr que si le procès avait eu lieu à Madagascar, il n'y aurait même pas eu de procès ! Souvenez-vous de cette affaire des 36 kilos d'or dans le coffre-fort du ministère des Mines qui ont été transformés... en plomb. Il n'y a jamais eu de procès là-dessus. À cette époque-là, le Premier ministre était le ministre des Mines par intérim et son directeur de cabinet, par la suite, est devenu député à l'Assemblée nationale. »
Une pratique, qui, pour Fanirisoa Ernaivo, opposante, exilée en France sous le statut de réfugiée politique depuis 2021, nuit considérablement à la notoriété et à la sécurité des investissements sur l'île. L'ancienne présidente du Syndicat des Magistrats de Madagascar s'est rendue 3 fois à Londres pour assister au procès.
Elle estime que l'État malgache, « notamment la Présidence de Madagascar, devrait faire ouvrir une procédure de poursuites judiciaires contre "Romy" pour prise d'avantages injustifiés et pour abus de fonction. La Présidence affirme opérer une "Tolérance zéro" face à la corruption » poursuit-elle. « Or, si elle n'ouvre pas de poursuite judiciaire à l'encontre de son ancienne directrice de cabinet, cela signifiera qu'elle protège ses hommes, ses femmes et qu'elle est également complice » conclut la magistrate.
Contactée, la Présidence de Madagascar n'a pas souhaité commenter le verdict.