Ile Maurice: Ses proches - «Si cela s'était produit au meeting de l'opposition, on en parlerait au quotidien»

À Mare-d'Australia, dans la circonscription no 9 (Flacq-Bon-Accueil), l'incident survenu le 1er-Mai est largement connu des villageois. Cependant, personne ne veut en parler ouvertement, citant d'éventuelles préoccupations pour leur sécurité. Après la mort tragique de Sanjay Seebundhun, 48 ans, disparu après avoir été conduit au meeting du Mouvement socialiste militant (MSM), à Vacoas, alors que l'on savait qu'il souffrait de troubles mentaux, les stratégies des partis politiques - prêts à tout pour remporter la «bataille de foules» - sont déplorées.

«Pour quelqu'un qui avait une vie tranquille, sans problème, il est injuste qu'il soit mort d'une façon aussi triste», nous disent plus d'un dans le village. On apprend que l'homme souffrait de troubles mentaux depuis la naissance et bénéficiait d'une pension d'invalidité. Sanjay était connu de tous. «Li ti trankil ek zamé linn gagn problem ek kikenn. Li pa ti kapav rézoné kouma dimounn normal.» Après le décès de sa mère, ses proches s'occupaient de lui. Pour comprendre comment il est mort, il faut remonter au matin du 1er-Mai, jour où les partis politiques tenaient leur rassemblement pour la Fête du travail.

Comme toutes les régions, Brisée-Verdière- Mare-d'Australia a vu l'organisation et les tactiques de persuasion de l'agent koltar du MSM pour attirer les foules à Vacoas dès tôt le matin. Autobus, drapeaux, repas, boissons et T-shirts orange. «Ils (NdlR, les agents du MSM) l'ont persuadé de monter dans le bus pour se rendre au meeting qui devait commencer à 9 h 30, tout en sachant qu'il n'était pas sain d'esprit et qu'il ne se mêlait pas à la foule. C'était parce qu'il ne se sentait pas à l'aise. Ses proches ne savaient pas. (...) Les agents ont dû profiter de son incapacité à réfléchir ou à refuser son consentement. Zot priyorité, sé amenn dimounn dan meeting», nous dit un habitant sous le couvert de l'anonymat.

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Dans le bruit et la foule du rassemblement du parti soleil à Vacoas, l'homme se serait perdu. Quand et comment il a quitté les lieux reste un mystère. Deux jours plus tard, sans nouvelles de Sanjay, ses proches décident de se rendre au poste de police de Brisée-Verdière pour signaler sa disparition. La famille se renseigne plus tard dans la journée auprès de tout le village pour savoir où il aurait pu aller, ignorant toujours «qu'on l'aurait fait monter dans le bus». «Tout le monde est resté délibérément silencieux parce que les gens se sont rendu compte qu'ils avaient commis une grave erreur. C'est finalement un marchand de légumes qui leur racontera la vérité», explique une interlocutrice.

«Mauvaise foi»

Or, une fois le rassemblement orange terminé, «lorsque les habitants sont montés dans le bus, ils ne se sont pas souciés du fait que Sanjay n'était pas parmi eux. Zot program ti al met nisa, manzé, bwar laplaz Belle-Mare. S'ils avaient été assez consciencieux pour au moins avertir les policiers sur place, ces derniers auraient déployé des efforts pour le rechercher immédiatement et il aurait toujours été vivant aujourd'hui. Mais ils ne l'ont pas fait. De mauvaise foi, même lorsqu'ils sont rentrés chez eux, ils sont restés silencieux, jusqu'à ce que la famille l'apprenne malgré tout», nous dit-on.

C'est donc le vendredi 3 mai que ses proches ont décidé de signaler sa disparition à la police de Brisée-Verdière. Après plusieurs efforts des policiers, le quadragénaire a été retrouvé à Trou-aux-Cerfs le dimanche 5 mai. L'Emergency Response Service Central, après un appel, s'est rendu au parcours de jogging de Trou-aux-Cerfs et a retrouvé Sanjay en vie, mais trempé et frissonnant, et l'a conduit à l'hôpital Victoria, à Candos. Le médecin de service l'a examiné, mais devait constater qu'il était déjà mort. Il a été identifié par des proches. «Il a dû marcher pour arriver là-bas, dans le froid et la pluie. (...) Il est resté quatre jours sans nourriture, sans eau et sans abri parce qu'il n'avait pas la capacité de dire à quelqu'un qu'il s'était perdu ou qu'il avait besoin d'aide pour se nourrir ou s'abriter. Il ne méritait pas cela», fustigent certains.

Motus et bouche cousue

À Mare-d'Australia, si la plupart des gens préfèrent ne pas parler, certains déplorent que ce drame soit passé inaperçu, comme s'il ne s'était jamais produit. Aux dires de ceux qui nous ont confié des informations sur le terrain à condition que nous assurions leur sécurité et leur confidentialité, «même lorsque la police faisait tout pour le retrouver, les agents proches du pouvoir ici n'ont pas collaboré. La police a dû elle-même venir à leur recherche pour obtenir des informations. Si ti zot fami, eski zot ti pou fer koumsa? Lavi dimounn pa vo nanié pou zot.»

Cette personne ajoute : «Celui qui veut faire du bien dans l'intérêt de la population le fera. Pour les meetings, zot zis bizin dimounn pou fer tam-tam. Pourquoi ont-ils pris quelqu'un qui souffrait de troubles mentaux ? (...) Si cela était survenu lors des meetings d'un autre parti ou de l'opposition, zot ti pou fer sinéma tou lézour. Mais dans ce cas, ils veulent étouffer l'affaire. Les gens se taisent par peur des représailles. Des agents comme Kistnen n'ont pas été épargnés. Zot fer krim vinn sisid. Pourquoi le simple citoyen dénoncerait-il ?»

Nous avons tenté de prendre contact avec le Police Press Office pour obtenir des informations sur les circonstances ayant mené au décès de Sanjay Seebundhun et pour savoir si une plainte a été déposée ou une enquête a été ouverte pour établir comment ce dernier a pu être conduit au meeting du MSM à Vacoas. À l'heure où nous mettions sous presse, rien à ce sujet n'avait pu être obtenu.

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