C'est un pas de plus dans la descente aux enfers du Soudan qui a été franchi avec le siège de la capitale de la province du Darfour Nord samedi dernier par les Forces de soutien rapide (FSR) du Général Hemetti, faisant redouter des risques énormes d'atrocités massives et de meurtres ethniques ciblés, notamment contre les populations non arabes entassées dans cette ville surpeuplée de réfugiés. La bataille engagée, hier dimanche, par les FSR pour reprendre la ville aux forces loyalistes du Général Al Burhan, pourrait provoquer, en effet, un désastre humanitaire pire que celui de juin dernier dans cette ville d'El Fasher et dans d'autres localités de la province, qui a révélé au monde entier l'horreur de cette guerre absurde avec un bilan effroyable de 10 000 à 15 000 civils qui y ont été massacrés.
L'inquiétude est d'autant plus grande que des combats à mort, rue par rue, ont été signalés jusqu'au Centre de la capitale qui abrite plus d'un million d'habitants, et qui est la seule ville à être tenue jusque-là par l'armée loyaliste qui a dû se résoudre à renforcer ses positions et ses équipements via des largages aériens. Une bataille acharnée donc en perspective qui va probablement durer des semaines, possiblement plus, et qui va fatalement transformer El Fasher en une cité de mise à mort à ciel ouvert, à moins qu'une hypothétique cessation des hostilités n'intervienne dans les prochaines heures.
Il ne faut surtout pas compter sur les diplomates aux ventres repus
Malheureusement, les protagonistes ne semblent pas en prendre le chemin, bien au contraire, puisqu'ils ont répondu à l'appel désespéré du Secrétaire général des Nations Unies à respecter leur obligation de protéger les civils, par des tirs d'armes lourdes dans plusieurs quartiers densément peuplés de la ville et de sa zone périurbaine. L'on se demande d'ailleurs qui pourrait encore, dans ce chaos de corps et de cris, faire entendre raison à ces frères ennemis qui ont manifestement décidé d'aller jusqu'au bout de leur folie meurtrière et de leur macabre détermination de ne pas déposer les armes. Personne, est-on tenté de dire, surtout quand on constate que tous les cessez-le-feu laborieusement obtenus se sont littéralement effondrés, ouvrant de nouveau la voie aux cohortes de combattants écervelés, aux chars et aux hélicoptères rugissants, pour commettre des crimes abominables contre des pauvres populations qui fuient éperdument vers les Etats qui bordent le Soudan.
Il ne faut surtout pas compter sur les diplomates aux ventres repus qui n'ont pas pu ou su empêcher d'autres pays avant le Soudan de sombrer, et qui se contentent de parler à la cantonade là où ils devraient plutôt taper du poing sur la table pour se faire entendre par les protagonistes. Et si la solution la plus envisageable à cette crise soudanaise était de laisser le pays se déliter sous les feux croisés des Généraux Al Burhan et Hemetti, jusqu'à ce que l'un d'eux l'emporte sur l'autre, et décide de quitter le pouvoir après sa victoire à la Pyrrhus, au nom de la réconciliation nationale ? C'est peut-être un scénario cynique et improbable, mais sur les cendres du Soudan et des consciences des dirigeants des grandes puissances, un nouvel ordre politique pourrait ainsi miraculeusement naître, pour le bonheur et la sécurité durable des Soudanais.