Afrique: Ambroise Fayolle - «L'Afrique reste une priorité» pour la Banque européenne d'investissement

interview

L'Union européenne est présente sur le continent africain par sa diplomatie, mais également par ses investissements. Dans le cadre de sa stratégie Global Gateway, l'UE a fait la promesse d'investissements à hauteur de 150 milliards d'euros pour l'Afrique d'ici à 2030, pour financer de grands projets d'énergies renouvelables, l'accès aux réseaux internet, aux transports, à la production de vaccins ou à l'éducation. Un effort auquel contribue la Banque européenne d'investissement (BEI), dont près de la moitié de ses activités se concentrent sur le continent. Ambroise Fayolle, son vice-président était en Côte d'Ivoire récemment pour renforcer ses engagements dans le développement de la filière du cacao durable. Il revient sur la stratégie de la BEI sur le continent.

RFI : Est-ce que le continent africain est une priorité pour la Banque européenne d'investissement ?

Ambroise Fayolle : L'Afrique reste une priorité pour l'action que nous pouvons avoir en dehors d'Europe. D'ailleurs, c'est le premier continent sur lequel la BEI a investi en 2023 pour à peu près 4 milliards d'euros, ce qui fait à peu près 40% de tous les investissements qu'on a faits en dehors d'Europe. Les secteurs prioritaires sont les secteurs prioritaires pour les pays dans lesquels nous investissons pour nos partenaires. Ça va de la mobilité urbaine, des transports, de l'eau, tout ce qui concerne l'énergie, et notamment l'énergie propre et renouvelable, à des problématiques plus liées au développement de l'activité économique, comme c'est le cas en Côte d'Ivoire dans le projet que nous avons financé.

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Comment se finance la BEI ?

Ce sont les États membres de l'Union européenne, donc la France, l'Allemagne, etc, qui sont les actionnaires de la BEI. Elle se finance sur les marchés avec les emprunts qu'on peut faire auprès des investisseurs, et peut financer des projets avec d'autres partenaires. Il n'y a pas d'argent du contribuable, mais il y a le soutien de l'Europe qui nous permet d'emprunter à d'excellentes conditions.

L'argent que vous levez est dirigé selon les priorités européennes ?

Oui, absolument. Nous sommes une banque publique et donc nous sommes là pour financer des projets qui sont des projets d'intérêt européen tels qu'ils ont été définis par les hommes et femmes politiques qui composent le Conseil européen. Parmi ses priorités, il y a tout ce qui concerne le changement climatique, que ce soit en Europe ou en dehors d'Europe.

Pourquoi l'Europe finance-t-elle des projets en Afrique ?

D'abord, cela fait très longtemps que l'Europe finance des projets. L'Afrique, c'est le continent qui nous est le plus proche et c'est le continent sur lequel nous avons malheureusement constaté le plus fort impact du changement climatique, alors que le continent africain y contribue le moins. Il y a donc, pour nous, toutes les raisons d'être actifs en Afrique, notamment dans des projets qui visent à essayer de lutter contre les effets du changement climatique.

Quels sont les projets phares soutenus par la BEI ?

Il y a, par exemple, le projet que l'on finance en Côte d'Ivoire qui correspond à la volonté de ce pays de faire évoluer sa production de cacao pour être en conformité avec les exigences européennes qui ont été adoptées. Elles ont pour objectif qu'il n'y ait plus de cacao qui soit importé venant de la déforestation, qu'il n'y ait plus de travail d'enfant, etc.

Nous essayons donc de financer des projets qui permettent d'avoir du cacao qui réponde à ces caractéristiques-là parce que le cacao a un impact économique considérable en Côte d'Ivoire. C'est 1/4 des emplois et c'est 1/4 du PIB. C'est très important pour l'Europe de financer des projets concrets, c'est aussi très important pour l'Europe de financer des projets qui augmentent le revenu des habitants. On le voit dans ce projet cacaoyer. Le prix qui est payé au cacao durable n'est pas le même que le prix qui est payé au cacao conventionnel. Il est beaucoup plus élevé et donc c'est un moyen d'augmenter les revenus des petits producteurs et d'améliorer les conditions de vie des habitants de la région.

Ce soutien passe par le financement du groupe de microfinance ivoirien COFINA, c'est bien cela ?

On a financé la COFINA qui est une institution financière. Et la COFINA a financé des coopératives agricoles dans le domaine du cacao durable en particulier. On n'est pas une institution de réseau, mais en revanche, on est très intéressé à ce que nos projets financent bien des bénéficiaires finaux, des coopératives agricoles, qui répondent aux caractéristiques de nos prêts en matière de développement durable.

Le prêt de la BEI à COFINA est un prêt d'environ 10 milliards d'euros pour la Côte d'Ivoire. Il y a aussi une partie de ce prêt qui va au Sénégal. L'allocation qui est faite de ce prêt par la COFINA est en cours, mais on a déjà un milliard et demi de francs CFA qui ont été donnés à 24 coopératives agricoles, dont 22 dans le domaine du cacao et deux dans le domaine de l'hévéa. Ce que je trouve remarquable, c'est qu'en général, ça prend beaucoup de temps. Mais là, on a signé il y a à peine six mois et déjà les cacaocultureurs bénéficient des revenus.

Il y a d'autres pays qui ont l'ambition de développer le cacao comme le Cameroun ou le Liberia. Est-ce que vous avez des projets là-bas ?

La Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao et par ailleurs le premier exportateur de cacao en Europe. Il y a donc une sensibilité particulière à la Côte d'Ivoire. On est évidemment prêts à financer d'autres projets ailleurs à partir du moment où les nouvelles règles européennes s'imposent à tous les producteurs de cacao et qu'il va falloir que tous s'adaptent à ces caractéristiques.

C'est aux États de faire appel à vous ?

En l'occurrence, l'État ivoirien, mais aussi la COFINA et ses coopératives en lien, ont fait appel à nous pour avoir non seulement des financements, mais aussi de l'assistance technique. Et nous avons apporté grâce à l'Union européenne des financements d'assistance technique, notamment pour permettre aux populations féminines d'avoir plus de rôle dans la production du cacao.

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