Ile Maurice: Voir plus loin que le pont neuf

Outre son côté urbain, qui passe par Beau-Bassin, Barkly et Chebel, la circonscription no 20 s'étend en zone rurale, à Gros-Cailloux, Petite-Rivière et Albion

Ces tombes oubliées

La circonscription no 20 abrite plusieurs patrimoines nationaux. Coïncidence, ce sont des tombes oubliées. Il y a la Chapman Tomb à Beau-Bassin, celle du docteur Stadtman à Chebel, et celle de John Comber-Browne au cimetière anglican St.-Thomas, à Beau-Bassin.

Parlons béton. Le développement le plus notable de la circonscription est le pont SAJ. Depuis son inauguration, le 10 mars, grâce à ces 330 mètres de voie suspendue reliant Coromandel à l'autoroute M1, à Sorèze, en enjambant la Grande-Rivière-Nord-Ouest, la circulation routière a changé.

À Coromandel toujours, une médiclinique a été inaugurée en février 2023 au coût de Rs 84 millions. Et 200 unités de logements sociaux y sont en construction. Quant aux Archives nationales dans la zone industrielle de Coromandel, elles attendent toujours la construction d'un bâtiment approprié regroupant les Archives et la Bibliothèque nationale. Le dernier rapport de l'Audit, déposé le mois dernier, a souligné que ce projet de longue date, financé par la même ligne de crédit indienne que la nouvelle Cour suprême, attend toujours le feu vert de l'Exim Bank.

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Le repère du centre de Beau-Bassin a longtemps été la tabagie Gool «pena laport», parce qu'elle restait ouverte 24/7. Depuis 2015, elle s'est modernisée en Gool Square, avec des heures d'ouverture revues. Beau-Bassin, c'est ce poumon vert qu'est le jardin Balfour, où viennent respirer les familles, les amoureux sur les bancs publics et... des singes. Beau-Bassin, c'est aussi la prison construite en 1888, le seul hôpital psychiatrique de l'île, Brown Séquard, et la piscine Serge Alfred.

La circonscription est traversée par deux stations de métro, l'une en centre-ville, l'autre à Coromandel. Il faudrait une étude pour en mesurer l'impact, autre que sur le trafic. Elle a aussi une ouverture sur la mer avec le village côtier d'Albion, connu pour son phare, qui guide les bateaux vers le port depuis 1910.

Andrea Palmyre, 80 ans, de Mont-Roches «Lontan kas ti reste»

La vev e octogénaire est heureuse de l'augmenta - tion de la pension de vieillesse du début d'année, mais elle se plaint de la vie chère. «Avan kas ti reste kan ou al sipermarse. Je vis seule et je dépense plus de Rs 5 000 en denrées alimentaires.»* Son quartier a-t-il évolué ? «Monn ne Mont Roches, monn grandi Mont Roches mo trouve li parey mem.»

Mariolenda Begue, 57 ans, de Barkly

« Ecartés d'un exercice de recrutement» Elle allègue que des habitants de Beau-Bassin auraient été écartés d'exercices de recrutement dans la fonction publique.* «Al gete komie dimounn sorti dan vilaz pe vinn travay dan gouvernman dan Bobasin. Certains se plaignent qu'ils doivent quitter leur lieu de travail plus tôt parce qu'ils habitent loin. Lakoz nou pann vot MSM zot pa donn bann dimounn lavil travay ?»*, se demande-t-elle.

Dans la foulée, elle affirme n'avoir presque pas vu les élus, ni le maire, sur le terrain. Cette dame dit vivre un véritable calvaire à cause d'un terrain vague à côté de son domicile. «Oui, le ministère de la santé a fait des fumigations mais des individus y jettent des déchets avec des risques d'attraper la dengue. Des rats et parasites envahissent ma cour. Je suis lasse de solliciter les autorités qui me font tourner en rond».

Selon elle, le quartier est négligé. Le jardin familial est comme «enn bwa familial». Sa cité serait devenue «vilin» quand les flamboyants ont été enlevés. Elle souhaite un meilleur entretien du terrain de foot pour éviter que des jeunes désoeuvrés ne tombent dans la drogue. Et aimerait que l'on propose des cours de couture au centre social «pou bann tifi».

Claude Marie, 77 ans, de Barkly

«Des jeunes de 15 ans sont déjà accros à la drogue»

Le retraité constate qu'en général , les autorités accomplissent des choses, malgré certains couacs. «Pou eleksion, pe met tou korek me apre eleksion nou pa kone ki pou arive.»

En janvier, Claude Marie l'a échappé belle lorsqu'un un mur d'enceinte d'un bâtiment du ministère de l'Éducation s'est effondré devant lui, durant le passage du cyclone Belal. Il souhaite plus de loisirs à Barkly.* «Il y a des jeunes de 15 ans qui sont déjà accros à la drogue. Nous voyons des transactions louches à tous les coins de rue. Il faut offrir plus de loisirs aux jeunes pour éviter qu'ils ne tombent dans ce fléau.»

Il ne manque pas de se plaindre de la vie chère. «Mo kontan pansion inn ogmante me so move kote, seki pe donn ou isi, pou bizin tir par laba.» Il estime que le député Rajesh Bhagwan sera réélu. «Kouma enn ti zafer pe deroule dan landrwa li fini vinn gete li». Jean

Claude, 56 ans «Albion est délaissé»

Ce poissonnier de profession fait le triste constat que sa localité est délaissée. «Les lampadaires ne fonctionnent pas, les routes sont dans un piteux état. Nous a v o n s beaucoup souffert lors des récentes inondations.» Il rapporte qu'un pont a été endommagé à l'avenue Pélican après les accumulations d'eau et qu'il n'a pas encore été réparé. Ce qui cause beaucoup d'inconvénients aux habitants.

Dhanesh Seethapah, 25 ans, d'Albion

«Revoir les infrastructures d'urgence» Le jeune homme a une pensée pour les maisons inondées à l'avenue Pélican. «Ce ne sont pas des gens aisés qui y habitent. Ils ont perdu beaucoup de leurs biens. Il faut revoir les drains pour soulager les habitants.» Dans ces moments difficiles, les habitants ont pu compter sur la solidarité des voisins. «Nou pann trouv okenn depite, okenn dimounn gouverneman dan sa ler-la. Nous leur demandons d'écouter nos doléances. Li pa neseser sanz depite si zot fer travay-la marse. Pran kont landrwa-la.» Il déplore également le dysfonctionnement de lampadaires et le manque d'entretien du jardin familial. Il souhaite que des activités telles que le badminton soient proposées aux jeunes pour éviter qu'ils ne tombent dans la drogue. Michel Bruno Résidu, 51 ans, de Petite-Rivière «Bel lepok depi pann trouv bann depite»

Ce maçon déplore que «bel lepok depi pann trouv bann depite». Du doigt il indique le centre social. «Kan lapli tonbe, kapav fer enn pisinn laba.» Il affirme avoir demandé aux autorités qu'un obstacle soit installé dans cette rue très fréquentée de Petite-Rivière, menant à une zone industrielle et qu'il attend toujours. Avec ironie, il lance : «À l'approche des élections, par van 15-plas zot pou vini, dir twa pou donn twa enn ti zafer. Ar mwa sa zwe la pa marse.»

Jadoodanand Chekun de Petite-Rivière

«Tou korek, me...» Ce retraité commence par dire : «Dan mo landrwa tou korek. Lalimier ena, dilo ena». Quand on le questionne un peu plus, il explique qu'une demande répétée pour qu'un obstacle soit installé à La Juliette Lane, qui est très fréquentée, est restée lettre morte. C'est une rue qui n'a pas de drains, soulignet-il. Son fils le rejoint et observe que dans la localité voisine de Richelieu (dans la circonscription limitrophe de Grande-Rivière-Nord-Ouest-Port-Louis Ouest), il y a un terrain de foot synthétique. Il déplore que dans la localité dite «plateforme», «football zero aster». «Pourquoi pas chez nous ? Le député Bhagwan vient dans la circonscription, mais au Parlement, kan koze met ou deor.»

Bajhan Gokulsing, 77 ans

«Nou res anba pie» Le centre social est fermé. «Nou res anba pie. J'aimerais bien qu'on puisse jouer à la pétanque ou au domino», dit le septuagénaire. «Sa landrwa ki apel Platform, li dan no 20, dernie sirkonskripsion sa. Parce que c'est la dernière, on nous oublie.» M... de Petite-Rivière «Kan pou kouver kanal?» Elle préfère rester anonyme care elle est une commerçante, mais dit que depuis longtemps, les habitants demandent de* «kouver kanal. Sa fer moustik, santi pi tou»*.

Sangeeta Jugurnauth, 51 ans, de Gros-Cailloux

«Mank enn ti bazar» Cette employée au nettoyage dans le business park est mère de deux grandes filles. Elle déplore le manque de «marsan legim». Il lui faut aller soit à Canot, soit à Petite-Rivière pour faire son marché.

Souchita Caunhye, 53 ans de Gros-Cailloux

«Mo pa pou al diboute pou nanye pou met lakrwa» Elle remplace ce jour- à sa fille à la tabagie familiale dans le village. Ce qui la préoccupe le plus, c'est le coût de la vie. «Mo trouve kouma tou kitsoz inn monte. Mo pa pou al diboute pou nanye al met lakrwa, al perdi mo letan ar sa.» Au quotidien dans la tabagie, elle entend les clients se plaindre des augmentations de prix. Parfois, avoue-t-elle, «zot fer ou fer koler kan zot dir : «ki otan inn monte ?» Mo pa an tor mwa. Lakoz pri la inn monte ki mo osi mo pe bizin vann sa pri la». Son caractère vif lui fait répondre aux clients : «Mo pa obliz ou pou pran mwa. Kan pansion inn monte kifer zot pann plengne ?»A... 60 ans

«Trwa kar zenes pe tom dan ladrog» Cette maman éplorée, employée d'usine pendant 43 ans, confie qu'elle a perdu un enfant, victime de la consommation de drogue. «Trwa kar zenes pe tom ladan». Est-ce par manque de loisirs ? Peut-être, dit-elle.«Avant les enfants étaient mieux encadrés par la famille. Aujourd'hui, les gens travaillent tellement qu'ils n'ont pas de temps pour s'occuper de leurs enfants». Elle raconte que dès l'âge de 16 ans, elle travaillait -«pendant trois shifts à l'usine. C'était dur». Son ton monte pour dire : «Aster, zanfan pa ekoute. Kan dir ou koz ar ou zanfan, zot mem ki move, zot pa ekout gran dimounn.» Elle regrette que l'enfant qu'elle a perdu, «ti rod devlop tro vit. En faisant cela, il a pris un mauvais chemin». Marie-Lourdes Legentil, 81 ans de Chebel «Je ne sais plus pour qui voter» L'octogénaire confie sa difficulté à choisir. «Je suis dans trois clubs de troisième âge. Setaki donn so lopinion. À la fin, je ne sais plus quoi faire, quel choix faire.»

Rajesh Bhagwan: un roc depuis plus de 40 ans

La circonscription no 20 a été 100 % mauve aux dernières législatives de 2019. Le député Rajesh Bhagwan y détient le record du nombre de victoires (neuf consécutives). Surnommé le «bulldozer», il y a été élu pour la première fois aux élections du 21 août 1983. Cela fera bientôt 41 ans. Il a été réélu en 1987, 1991, 1995, 2000, 2005, 2010, 2014 et 2019. À l'issue du dépouillement, le 8 novembre 2019, à l'école Philippe Rivalland, le secrétaire général du Mouvement militant mauricien (MMM) a été élu en tête de liste, suivi de Karen Foo Kune et Franco Quirin.

À l'approche du prochain scrutin, nous avons tâté le pouls des habitants pour savoir ce qu'ils attendent des élus. «Mwa tou letan monn vot travayis, me Rajesh Bhagwan pou reeli», lance un habitant de la rue Colonel Maingard, à Beau-Bassin, qui a préféré rester anonyme. «Kan ena problem, li la mem, li desann lor terin, selma lakoz li dan lopozision li pa kapav fer plis.». Le député Bhagwan semble solidement ancré dans la circonscription, comme un roc. «Nou donn li vot sak fwa, nou pa pou zet li», confie des habitants de Beau-Bassin. Certains citoyens ont préféré parler sous le couvert de l'anonymat, surtout pour évoquer les ravages du trafic et de la consommation de drogues.

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