La DW s'est rendue dans la région de l'Extrême-Nord, où cette pratique culturelle est toujours très répandue, malgré la sensibilisation sur le terrain.
Les mutilations génitales féminines sont toujours une réalité au Cameroun. De nombreuses femmes en souffrent et le phénomène toucherait au moins 30% de la population féminine, selon des statistiques officielles au ministère camerounais de la Promotion de la femme et de la Famille.
Dans l'Extrême-Nord, dans la capitale régionale Maroua, se trouve les centre Barka Rewbe Simone Veil, qui abrite le siège local de l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF).
Aissa Doumara, qui coordonne ALVF dans l'Extrême-Nord, rappelle que les données récoltées sur le terrain sont inquiétantes. "Il faut dire que c'est une pratique très courante dans notre région et qui se fait particulièrement au sein de certaines communautés basées dans le département du Logone et Chari, du Mayo Sava et un peu dans le Mayo Danay. Il y a beaucoup de subterfuges qui sont mis en place pour camoufler la pratique, mais elle est courante et tout le monde le sait. Jusqu'à ce jour, des milliers de nos soeurs, de nos filles, continuent à le subir", s'insurge-t-elle.
L'excision imposée par les hommes
L'excision est une pratique propre à la région. C'est un passage obligé pour toutes les jeunes filles qui aspirent au mariage.
Diabo Moussa, relais communautaire pour l'ALVF dans l'Extrême-Nord, explique que "une femme qui se marie, si elle n'est pas excisée, les hommes ne la veulent pas. Ils disent qu'une femme excisée n'ira pas chercher les hommes en dehors de son mari. L'homme peut alors garder son bétail en forêt pendant cinq ans, dix ans, il va revenir trouver sa femme intacte."
Cependant, l'excision, qui est l'ablation d'une partie du clitoris, n'est pas sans conséquence.
Véronique, une victime âgée de 27 ans, raconte que "depuis l'excision, j'ai toujours des douleurs. Lors des rapports sexuels avec mon mari, je ressens de fortes douleurs. Mais si jamais il arrive que je donne naissance à une fille, elle ne passera pas par cela."
Aujourd'hui mère de deux garçons, Véronique a été excisée à l'âge de 13 ans, puis mariée à 17 ans.
Souffrir en silence
Mais de nombreuses victimes souffrent en silence des mutilations génitales, malgré les multiples campagnes de sensibilisation menées par les ONG, les associations et le gouvernement.
Angèle Taguida, qui assure le pôle psychosocial au sein de l'ALVF dans l'Extrême-Nord, explique que toutes ces victimes ont peur.
Elle note que "dans cette région, de nombreuses femmes sont victimes, mais elles n'arrivent pas à dénoncer cette situation par peur. Elles disent que c'est la culture, c'est la tradition. Mais c'est vrai qu'au début, elles ignorent que cela peut avoir des conséquences très négatives sur leur santé, surtout quand ça se transforme en fistules obstétricales."
Si les autorités estiment que près de 30% des Camerounaises ont subi des mutilations génitales, sur le terrain, le phénomène reste caché, ce qui rend la tâche ardue aux associations et ONG.
Malgré des lois mises en place pour dénoncer et traquer les auteurs de mutilations génitales féminines, cette pratique se poursuit sous le regard complice des familles.