Burkina Faso: Culture du blé au pays - Les premiers pas d'une opportunité agricole

Les autorités de la Transition ont relancé la culture du blé après plusieurs tentatives des précédents gouvernants. Ils sont pour le moment une cinquantaine de producteurs au Burkina Faso à s'investir dans la production de cette céréale dont une dizaine dans la région des Hauts-Bassins.

Maganfesso est un village de la commune de Karangasso-Sambla, dans la province du Houet, région des Hauts-Bassins. Dans cette localité, sur près d'un quart d'hectare, s'étend un champ de blé. Le producteur est Mamadou Traoré. Il cultive le blé pour le compte d'une société semencière basée à Bobo-Dioulasso. En cette fin de la première quinzaine du mois de mars 2024 et sous un soleil ardent, Mamadou Traoré nous fait visiter l'exploitation en écartant quelques tiges de blé pour laisser le passage. Le blé, de couleur jaunâtre et beau à voir est prêt à être récolté.

De la sélection des semences, en passant par les semis, l'entretien ou l'irrigation, M. Traoré nous explique dans les moindres détails, la technique de laculture du blé. On retient que le blé se cultive pendant la période du froid en irrigué. La culture commence en novembre et dure trois mois. « La culture du blé est facile. Mais la difficulté se trouve au niveau du choix du terrain. Il faut un bon terrain et adapté à la culture du blé. Il faut aussi de l'engrais et de l'eau », détaille Mamadou Traoré. Bien que facile à cultiver, le producteur précise qu'il faut du courage et du temps pour entretenir la spéculation.

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Si à Maganfesso, le champ de Mamadou Traoré présente bonne mine, ce n'est pas le cas de celui de Sanata Sanou à Dafinso, un village situé à quelques encablures de Bobo-Dioulasso. Son champ de blé qui s'étend sur un hectare n'est pas homogène, présentant par endroits du blé sec ou encore du blé aux feuillages verts avec quelques plants asséchés. Sanata Sanou qui a commencé la culture du blé cette année même ne ne semble pas pour le moment maîtriser les techniques de production. Selon ses dires, elle a fait le semis en mi-janvier alors qu'il est recommandé de le faire avant mi-décembre.

Ce retard, la novice l'explique par la non disponibilité des semences. En plus de cela, Mme Sanou dit être confrontée au manque d'engrais et surtout d'eau, à à cause de sa motopompe tombée en panne. Malgré ces difficultés, Sanata Sanou pense que le blé peut réussir sans problème au Burkina Faso et particulièrement dans les Hauts-Bassins si les conditions sont réunies. « Nous avons commencé la culture du blé cette année à Dafinso. Nous avons rencontré un certain nombre de difficultés. Ce qui ne nous a pas permis d'exploiter les 3 hectares que nous avons prévus pour le blé. Nous avons cultivé sur un hectare », dit Mme Sanou. Malgré ces problèmes rencontrés, la productrice soutient que le blé de son champ contient des graines et espère faire une bonne moisson dans quelques semaines.

Le blé peut réussir au Burkina Faso

Les deux producteurs, Sanata Sanou et Mamadou Traoré rassurent que le blé peut bel et bien réussir au Burkina Faso et encouragent ceux qui hésitent à s'y aventurer. « Je trouve que la culture du blé est plus facile que celui du riz et il peut bien réussir au Burkina Faso », confie dame Sanou.

Le président des producteurs de blé et promoteur d'une société semencière, Honoré Tankoano, y croit aussi fermement. « Je pense que tout est possible. Comme dans toutes les activités, on peut avoir des petites difficultés. Il suffit de pouvoir les résoudre quand elles apparaissent. J'ai une certaine satisfaction. Le blé marche, mais il faut savoir s'y prendre pour cultiver et choisir le sol », indique le président de la faîtière du blé.

Pour la campagne 2023- 2024, la phase expérimentale de la culture du blé, selon M. Tankoano, se déroule dans 5 régions. Il s'agit des Hauts-Bassins, des Cascades, de la Boucle du Mouhoun, du Centre-Est, et du Centre-Nord. Cela, explique Honoré Tankoano, par ailleurs président d'une nouvelle association des producteurs de blé forte d'une quarantaine de membres, pour que les gens comprennent que partout au Burkina Faso, la production du blé est possible. « L'idée est d'aller avec des gens qui aiment la culture du blé. C'est une association composée de personnes physique et

morale qui produisent le blé. L'idée générale est la production et la promotion de cette culture. On veut être une structure qui offre des opportunités aux producteurs et contribuer à la structuration des autres acteurs autour de la culture de cette spéculation. A l'échelle nationale la production du blé est nouvelle et les choses iront avec des améliorations et évolutions», espère le producteur-semencier.

50 tonnes attendues cette année

Pour accompagner cette dynamique, le ministère en charge de l'agriculture a formé un certain nombre d'agents aux fins d'appuyer les producteurs de la région des Hauts-Bassins. Il a mis à leur disposition des engrais de bonne qualité ». La direction de la production végétale du Houet a lui aussi donné la semence et de l'engrais subventionné aux acteurs engagés dans la production du blé, à en croire Tahirou Cissé, chef de service provincial de la production végétale du Houet.

Dans la région des Hauts-Bassins, environ 35 ha ont été emblavés pour la production du blé et il est attendu entre 40 à 50 tonnes. Les 70% de la production de blé cultivé cette année serviront de semence et le reste sera destiné à la consommation. « Aujourd'hui, le plus important c'est de maîtriser les techniques de production. Je suis convaincu qu'au cours de la campagne prochaine, les gens vont cultiver plus de superficies, parce qu'ils auront le temps de bien comprendre cette culture de blé.

Cela nous permettra d'avoir les semences l'année prochaine pour produire sur de grandes superficies », a souhaité le directeur régional en charge de l'agriculture des Hauts-Bassins, Eric Pascal Adanabou. Le blé produit en grande quantité au Burkina Faso est le souhait des acteurs de la transformation de cette céréale au Burkina. Birane N'diaye, directeur régional Afrique de l'Ouest des Moulins du Sahel, une société agro-industrielle de transformation de blé en farine et en son, installée au Burkina Faso, au Niger et au Mali, formule vivement ce voeu. Son unité moud près de 6000 tonnes de blé par mois, toutes importées. Pour lui cette initiative de produire le blé au pays des Hommes intègres est salutaire et présente deux enjeux. « Le premier est la souveraineté alimentaire qui est non négociable.

Nous avons vu que les crises de la COVID-19 et ukrainienne ont démontré qu'il fallait avoir une certaine autonomie et une marge de manoeuvre nationale pour pouvoir faire face à des chocs géopolitiques qui ne préviennent pas.Aujourd'hui, la consommation de farine est devenue un phénomène important du fait de l'urbanisation galopante. Il est nécessaire d'accompagner les industries à trouver la matière première localement pour des enjeux de compétitivité.

Secondo, les producteurs ne profitent pas de la chaîne de valeur de la farine. Par contre, ce sont les paysans d'autres pays qui en profitent. Nous sommes ravis que ce sujet soit posé », se réjouit M. Diaye. Il est d'autant plus content que le blé produit localement va relancer le tissu économique du Burkina Faso. « Si le blé est produit au Burkina Faso, cela nous évitera des dépenses de transport et d'autres frais annexes et la valeur de cette production va relancer le tissu économique national », se convainc le directeur régional Afrique de l'Ouest des Moulins du Sahel.

Les boulangeries et consommateurs s'en réjouissent

Rasmata Tondé, propriétaire de la boulangerie Moderne à Bobo-Dioulasso salue également cette initiative. « Aujourd'hui avec la crise, les prix de la farine ont augmenté, ce qui joue beaucoup sur notre production. La tonne de la farine de blé qui était à 365000 F CFA est passée à plus de 500 000 F CFA aujourd'hui. Avant, nous prenions à crédit pour rembourser après une semaine.

Aujourd'hui, c'est le cash qui est exigé. Vu la cherté de la farine à l'extérieur, certaines boulangeries n'arrivent pas à payer. Tout cela est dû à la situation dans laquelle nous sommes. La production locale du blé est très salutaire et elle va baisser le coût de nos matières premières », a souligné Mme Tondé. Le gérant de la boulangerie Koom à Bobo-Dioulasso, Anselme Sanou, souhaite que le blé produit au Burkina Faso soit de qualité pour permettre aux boulangers de fabriquer du bon pain à un prix abordable pour les consommateurs. Plusieurs consommateurs apprécient d'ailleurs le blé pour ses valeurs nutritives comme Mamadou Traoré. « Quand nous étions petits, nous mangions beaucoup le blé. C'est plus doux que le riz et c'est très bon avec la sauce arachide », fait-il remarquer, avec un brin de sourire.

Des doléances et pas des moindres

Pour une parfaite maîtrise de la culture du blé, les producteurs engagés dans sa production ont formulé de nombreuses recommandations. « Je lance un appel au gouvernement de nous accompagner avec du matériel plus moderne pour arroser nos champs.Cela permettra de cultiver de grands espaces », a suggéré Sanata Sanou. Honoré Tankoano demande à la recherche, surtout à l'Institut de l'environnement et des recherches agricoles (INERA) de régler les questions de semence. « Il faut mobiliser l'INERA pour régler ces questions de semences pour qu'il y ait des quantités suffisantes et aussi les questions d'étude sur les types de sol qui sont adaptés au blé. Les doses de semis ne sont pas suffisantes jusqu'ici et nous ne respectons pas les recommandations techniques qui existent parce qu'on estime qu'au bout du compte le rendement n'est pas au rendez-vous.

Naturellement, il y a les parasites, le côté économique et la rentabilité qu'il faut égalementvoir. On doit réunir tous ces aspects pour qu'il y ait moins d'échecs. Il faut travailler pour qu'on ait du blé adapté à un climat chaud et sec », a préconisé Mamadou Traoré, promoteur d'une société semencière. Il souhaite que l'Etat accompagne les producteurs dans tous ces volets. « Il faut prendre des mesures sur les quotas d'importation afin d'encourager la production locale et mettre en place un fonds de soutien pour la culture du blé et des appels à projet afin de booster cette culture », a martelé M. Tankoano pour qui, le prix d'achat du blé n'est pas encore déterminé. Les concertations sont en cours pour fixer un prix d'achat qui satisfasse tous les acteurs de cette nouvelle filière. L'ambition de Honoré Tankoano et de son association est pour le moment de produire suffisamment de blé pour le Burkina Faso et en importer dans la sous-région.

Un projet dans les « tuyaux » depuis peu

Selon les confidences de Honoré Tankoano, président de la toute jeune association des producteurs de blé du Burkina Faso, c'est Dr Jacob Sanou, aujourd'hui à la retraite et ex-directeur de l'INERA, qui a ressuscité la culture du blé en encourageant les producteurs à s'y mettre. Et ce, malgré la réticence de certains producteurs et même de certains chercheurs. La culture du blé a pris de la valeur avec l'apparition de la guerre en Ukraine. L'homme politique qui a vraiment lancé cette culture est l'ancien ministre de l'Agriculture, des Ressources animales et halieutiques, Dr Innocent Kiba. Il a été suivi par le Dr Denis Ouédraogo, également ex-ministre de l'Agriculture qui a fait signer une convention de multiplication de semence de blé avec l'INERA. Mais c'est avec le pouvoir actuel de la Transition qu'on sent vraiment beaucoup d'énergie dans cette culture au niveau national.

L'importation de la farine de blé suspendue jusqu'à nouvel ordre

Les acteurs du domaine ont été en partie entendus par le gouvernement qui, en date du 8 avril 2024, a décidé de la suspension de l'importation de la farine de blé sur toute l'étendue du territoire national jusqu'à nouvel ordre.

 

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