Tchad: En première ligne des crises climatiques - Soutenues par l'UNFPA, des sages-femmes évitent les décès maternels chez les réfugiées camerounaises au pays

N'DJAMENA, Tchad — « Au début de la crise, notre travail était très compliqué. Les personnes nous arrivaient terrorisées et traumatisées », raconte Neïma Patricia, sage-femme, à l'UNFPA (l'agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive).

Mme Patricia travaille aux camps de réfugié·e·s de Kalambari, situé en périphérie de la capitale du Tchad, N'Djamena, et qui abrite plus de 9 000 personnes déplacées, principalement originaires du Cameroun voisin. Des dizaines de milliers de personnes ont fui le Cameroun en décembre 2021 après une nouvelle flambée de violence dans le nord-est du pays, dont la cause est l'utilisation des ressources, l'eau en particulier, qui se raréfie avec la sécheresse du bassin du lac Tchad.

Sur environ 36 000 Camerounais·e·s réfugié·e·s ayant été enregistré·e·s par le Tchad en janvier 2022, près de 90 % étaient des femmes et des enfants. L'arrivée de milliers de personnes au camp de Kalambari, où travaille Mme Patricia depuis 2021, s'est accompagnée d'un besoin urgent de soins qualifiés et attentionnés : « nous avons pris en charge [36] cas de naissances prématurées et [23 cas de] viol », explique-t-elle à l'UNFPA.

Au milieu de cette crise humanitaire, l'UNFPA a déployé 15 sages-femmes dans deux camps et quatre zones d'accueil pour personnes réfugiées afin de proposer différents services de santé sexuelle et reproductive, notamment en lien avec la planification familiale, la grossesse et l'accouchement.

« En cas de crise, les sages-femmes sont souvent les premières sur les lieux. Elles savent que les naissances se produisent quelles que soient les circonstances de la grossesse, que la femme enceinte soit au repos chez elle ou qu'elle fuie un conflit ou une catastrophe », a déclaré la directrice exécutive de l'UNFPA, la Dr Natalia Kanem, dans un communiqué à l'occasion de la Journée mondiale des sages-femmes.

« [Les sages-femmes] jouent un rôle héroïque dans les services de santé communautaires. »

Adapter les projets familiaux

Les changements climatiques et les déplacements qu'ils provoquent peuvent s'avérer dévastateurs pour les femmes et les filles, car ce sont deux éléments qui accroissent les risques de violence basée sur le genre et peuvent perturber l'accès aux services essentiels, y compris ceux de santé sexuelle et reproductive.

Des recherches indiquent par exemple que les grossesses non intentionnelles augmentent après les catastrophes naturelles, et sont plus fréquentes parmi les populations réfugiées.

Au camp de Kalambari, les sages-femmes aident les femmes à exercer la fécondité qu'elles souhaitent, alors même qu'elles font face aux difficultés d'être déplacées.

« La vie est déjà difficile. Nous devons lutter chaque jour pour survivre », raconte Gabdaibe Thibothe, 26 ans, qui s'est rendue à la maternité de Kalambari pour des services de planification familiale et l'obtention de contraceptifs. « Grâce à la sensibilisation menée par les sages-femmes, j'ai compris qu'en espaçant les naissances, les familles pouvaient mieux prendre en charge les besoins de leurs enfants en matière d'éducation et de santé. »

« Je pratique la planification familiale car cela permet de mieux gérer les ressources, mais aussi parce que cela promeut un développement familial plus équilibré et plus harmonieux », ajoute-t-elle.

Éviter des tragédies inutiles

Les sages-femmes de Kalambari font vraiment la différence. Mme Patricia explique que les femmes de la région avaient auparavant des enfants beaucoup plus rapprochés qu'à l'heure actuelle, et met cette évolution sur le compte des efforts d'éducation menés avec les autres agent·e·s de santé, ainsi que de la disponibilité des contraceptifs.

Au cours du mois de mars, Mme Patricia et ses collègues ont ainsi pu mener 400 consultations prénatales et encadrer 45 accouchements sécurisés. « Accompagner les femmes vers des soins adaptés et sauver des vies me rend très fière d'être sage-femme », déclare-t-elle à l'UNFPA.

La binôme de Mme Patricia, Charité Nartewaye Moutedé, sage-femme également, déclare qu'aucun décès maternel n'a été déploré dans le camp depuis qu'elle a commencé à y travailler.

« C'est un vrai motif de satisfaction », souligne Mme Nartewaye. « Je me sens fière de mon travail dans la santé maternelle. »

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