Les éleveurs de Louguéré Diabi, village situé à 30 kilomètres de la commune d'Aéré Lao, dans le département de Podor (nord), vivent désormais avec l'espoir de meilleures conditions de vie, depuis la mise en service d'un forage réalisé par le Programme d'urgence de développement communautaire (PUDC).
Louguéré Diabi, village perdu dans la zone semi-désertique du Ferlo, est une localité particulièrement enclavée, n'étant desservie que par une piste sablonneuse.
Le vent chaud et sec qui souffle dans cette partie nord du Sénégal, est un signe de l'évidente dégradation de la situation du paysage en survie qui se résume à quelques feuillages et arbustes.
Après près d'une heure de route pour rallier le village, Louguéré Diabi se découvre enfin, enveloppé dans une vague de chaleur amplifiée par le soleil, encore haut dans le ciel en cette mi-journée.
Assis sur des nattes, les habitants du village s'adonnent au rituel du thé à l'ombre de petites tentes. Certains, un peu surpris ou intrigués, se redressent discrètement à la vue des visiteurs. Un petit silence s'installe, puis c'est les salutations d'usage, pendant que les enfants, curieux plus qu'intimidés, jettent des regards fugitifs aux nouveaux venus.
En saison sèche, le manque d'eau et de pâturages rend le bétail très vulnérable à Louguéré Diabi, un village situé à une cinquantaine de kilomètres de la frontière avec la Mauritanie.
Pour répondre aux doléances des éleveurs de cette localité et favoriser le développement du pastoralisme dans la zone, l'État du Sénégal, dans le cadre du PUDC, y a construit un forage.
La construction de ce forage, une aubaine pour les éleveurs et leur cheptel
Selon les données techniques fournies par ce programme, le forage de Louguéré Diabi dispose d'un débit d'exploitation de 50m3/h et d'un château d'eau d'une capacité de 150m3. L'infrastructure est également dotée de 12 bornes-fontaines, de 2 abreuvoirs et d'une potence.
Depuis la construction de cette infrastructure hydraulique qui polarise 10 localités, Louguéré Diabi est devenu le carrefour des villages environnants et le point de chute et de passage de nombreux éleveurs transhumants.
D'après les estimations des gestionnaires du forage, ce sont des milliers de têtes de bovins, de caprins, d'ovins, d'ânes et de chevaux qui viennent s'y abreuver chaque jour, surtout en saison sèche, moment où les éleveurs transhumants quittent leurs terres du Djolof et du Walo à la recherche de verts pâturages.
Abdou Diallo, l'un des gestionnaires du forage, renseigne qu'en contrepartie des services fournis par le forage, chaque éleveur débourse 200 francs CFA par mois et par bovin, comme participation à son fonds de roulement.
"Nous consommons parfois 600 litres de gasoil par jour. Nous utilisons 890 m3 par jour. Le forage fonctionne de 5 heures du matin à 14 heures, puis de 17 heures à une heure du matin", explique-t-il.
La construction de forages, par l'entremise du PUDC, est une initiative naturellement très appréciée des populations, comme en témoigne Amadou Dia, patriarche de 65 ans.
Un retour progressif de certains déplacés
"J'ai 65 ans cette année et j'ai toujours vécu dans ce village, où nous avons de tout temps eu un sérieux problème de manque d'eau", dit le vieux Dia, qui a fait le voyage de Aéré Lao à Louguéré Diabi avec le reporter de l'APS.
"Dieu merci, en 2023, le PUDC nous a construit ce forage. Nous en sommes contents et remercions l'État du Sénégal à travers ce programme", ajoute-t-il sous le regard attentif de ses pairs éleveurs acquiesçant de la tête.
Selon Amadou Dia, avant la mise en service du forage de Louguéré Diabi, les éleveurs passaient une journée et demie, ou même deux jours, à la recherche du liquide précieux.
"On avait énormément de problèmes pour abreuver le bétail. Depuis que ce forage est là, les autres villages viennent ici pour chercher de l'eau. C'est aussi un grand soulagement pour les éleveurs transhumants", poursuit-il.
Au fil des années, le problème de la disponibilité de l'eau avait provoqué un phénomène migratoire. Certains habitants avaient quitté le village de Louguéré Diabi à cause du manque d'eau, selon des témoignages.
Et depuis que l'accès à l'eau potable est devenu plus facile à Louguéré Diabi, les villageois ont noté le retour progressif de certains déplacés.
"Cette localité était très peuplée, mais beaucoup de nos frères ont quitté leurs concessions à cause du manque d'eau. Dieu merci, depuis que le forage est là, nous assistons à un retour progressif de certains déplacés", se réjouit M. Dia.
Un grand soulagement pour les éleveurs transhumants
La construction de ce forage représente ainsi une aubaine pour les éleveurs transhumants venant de la zone du Djolof à la recherche de pâturages. C'est le cas d'Abou Sow, éleveur transhumant dont le troupeau compte plus de 100 têtes.
Cet éleveur, trouvé avec ses bêtes à l'un des abreuvoirs du village, suivait son troupeau se bousculant pour étancher sa soif après des kilomètres parcourus sous la forte canicule. Le brise-jet du robinet laissait couler l'eau à flot, au grand bonheur du bétail qui en profite pour se désaltérer à grandes gorgées.
Abou Sow observe la scène, satisfait. "Sans eau, dit-il, aucun éleveur ne peut réussir. Je suis content car mon troupeau s'abreuve bien. L'État doit multiplier ces politiques d'implantation de forage et de châteaux d'eau dans la zone du Ferlo".
Selon Amadou Dia, c'est au moins 5 000 têtes de bovins qui s'abreuvent par jour aux 12 bornes-fontaines du forage.
"Le nombre est important parce que les éleveurs transhumants nous viennent de partout, notamment du Djolof. Parmi eux, il y en a qui ont un troupeau de 100, 200, 300 voire 500 têtes de bovins", dit-il dans un wolof hésitant pour ne pas dire approximatif, enrobé dans un accent pulaar.
Trois vies perdues dans la recherche du liquide précieux
Avant d'en arriver là, le village de Louguéré Diabi a connu des histoires bien tristes liées au manque d'eau auquel le village faisait face.
Il y a par exemple cette histoire concernant trois personnes, dont un garçon et une fille, qui ont perdu la vie alors qu'ils étaient en train de puiser de l'eau dans le seul puits que comptait le village.
Depuis l'inauguration du forage, les habitants du village ont jugé nécessaire de fermer ce puit d'une profondeur de plus de 100 mètres.
Aïssata Dia, mère d'une des victimes, a du mal à fermer la page de cette histoire bien traumatisante, que cette quinquagénaire, teint noir, taille moyenne, continue de ressasser.
"Ma fille avait 14 ans. Elle devrait se marier dans 6 jours. Malheureusement, elle est tombée dans le puits, alors qu'elle était venue chercher de l'eau", confie-t-elle au visiteur en pulaar, le regard figé sur la margelle du puits dont elle avait auparavant scruté les profondeurs, histoire de chasser les démons de ce drame.
"Nous avons tellement souffert à cause du manque d'eau. Aujourd'hui, ce forage est un grand soulagement pour nous les femmes, nos enfants et notre cheptel", ajoute-t-elle sur un ton empreint d'émotions, le regard noir et plein de tristesse.
Mamadou Sara Ba, 63 ans, a lui aussi perdu son fils de 15 ans dans les mêmes conditions. Malgré le poids des années, le sexagénaire évoque avec émotion le film de la mort de son garçon.
Inscrire l'accès à l'eau en milieu rural au coeur des actions du gouvernement
"Il était en train de tirer la corde du puits, quand elle a lâché et l'a projeté au fond. Coincé pendant des heures à l'intérieur, mon fils a fini par perdre la vie", dit-il, d'une voix qui trahit la même tristesse lisible sur son visage.
Des confidences empreintes d'émotion, qui plongent l'assistance dans un silence profond qui n'est rompu que par des troupeaux de caprins et d'ovins convergeant vers le village de Louguéré Diabi.
Ici, le manque d'eau a causé tellement de drames que chaque berger y va de sa mésaventure à raconter, des histoires malheureuses provoquées par l'augmentation des besoins d'approvisionnement en eau dans le Ferlo.
"On a connu beaucoup de difficultés par le passé. On parle des personnes décédées dans ce puits, parce que la vie humaine est sacrée. Mais ce puits est un cimetière de bétail", révèle un autre habitant du village, venu se mêler aux discussions.
"On ne peut pas compter le nombre de bovins, de chèvres ou de moutons tombés dans ce puits, du fait des bousculades, car l'eau du puits ne nous suffisait pas du tout. C'était une situation extrêmement délicate", ajoute ce vieux berger.
Le vieux Amadou Dia confirme les propos de ce berger. "Il a raison. On perdait notre bétail à cause du manque d'eau. Il y a deux ans, un de nos voisins a perdu deux bovins", dit-il.
Les habitants de Louguéré Diabi, conscients de ce passé douloureux, se félicitent de la construction de ce forage, tout en invitant les pouvoirs publics à inscrire l'accès à l'eau en milieu rural au coeur des actions du gouvernement.
Ils considèrent que de cette manière, les pouvoirs publics vont contribuer à renforcer davantage l'élevage dans le Ferlo, vaste région couvrant une partie des régions de Saint-Louis et Louga, ainsi que toute la région de Matam. Cette perspective devrait également faire renaitre l'espoir chez les éleveurs et les populations de manière globale.