Dakar — Des chercheurs, des militants de la société civile et d'anciens agents de l'administration territoriale ont relevé l'obsolescence de la réglementation du domaine national et préconisé une harmonisation des textes le régissant.
Réunis par le Médiateur de la République autour d'un atelier sur "le foncier au Sénégal", récemment, ils jugent nécessaire, pour les pouvoirs publics, de doter le pays d'une bonne politique de gestion de la terre pour réduire les nombreux litiges dont elle fait l'objet.
Des universitaires, des militants de la société civile, d'anciens gouverneurs et préfets, ainsi que des élus locaux, ont relevé et déploré l'inexistence d'un registre foncier et l'absence d'une politique "clairement définie" de la gestion des terres.
Les participants à l'atelier ont relevé "les contraintes et les défis de la gestion foncière au Sénégal".
Le professeur Cheikh Abdoul Wahab Ndiaye, de l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, s'est attardé sur la loi encadrant le domaine national, qui date du 1er mai 1964. Il la présente comme "la fille ainée du droit sénégalais" de la politique foncière.
L'universitaire a salué la pertinence de cette loi. Mais il estime qu'elle est devenue obsolète par rapport aux enjeux actuels de la gestion des terres au Sénégal.
Cet agrégé de droit public a relevé "la faiblesse de l'indemnisation qui ne prend en compte que les impenses", c'est-à-dire les réalisations faites sur le terrain.
Selon Cheikh Abdoul Wahab Ndiaye, la Banque mondiale, par exemple, n'applique pas la grille tarifaire de la législation sénégalaise en matière d'indemnisation en raison de son obsolescence.
M. Ndiaye appelle les autorités du pays à prendre en considération la dimension sociale du foncier, au-delà de son aspect juridique.
Une "lancinante problématique"
Outre l'absence de transparence dans la gestion des affaires foncières et domaniales, les intervenants ont proposé une "limitation des affectations et des désaffectations abusives de terres déclassifiées pour cause d'utilité publique". Ils estiment que "ces terres sont très souvent attribuées à des privés".
L'atelier organisé par le Médiateur de la République a évoqué la nécessité de "clarifier le notion d'utilité publique" souvent invoquée par les pouvoirs publics pour affecter ou désaffecter des terres.
La non-maîtrise des textes par les acteurs concernés et la nécessité d'une vulgarisation des textes et règlements relatifs au foncier figurent parmi les propositions de l'atelier organisé dans un contexte où les nouvelles autorités du pays ont pris d'importantes mesures relatives aux terres.
Les participants jugent nécessaire de faire traduire dans les langues nationales les lois et règlements encadrant le foncier.
Ils ont proposé la création de nouveaux ranchs près de celui de Dolly, dans la région de Louga (nord), dans le but d"'identifier" et de "sécuriser des zones sylvopastorales".
L'administration des impôts et des domaines a été invitée à limiter "les immatriculations de terres à l'insu des communautés et des collectivités locales".
Le magistrat Demba Kandji, Médiateur de la République, assure que "les propositions seront affinées" et publiées dans un manuel destiné aux usagers de la terre, aux fonctionnaires concernés par sa gestion et aux chercheurs.
M. Kandji s'est réjoui de la qualité des propositions et a dit espérer qu'elles permettront à l'institution qu'il dirige de "mieux documenter ses recommandations" concernant cette "lancinante problématique", la gestion des terres.