Ile Maurice: Voyage au pays des polémiques...

Depuis quelques jours, une autre controverse secoue les couloirs d'Air Mauritius (MK). Cette fois, elle est centrée autour du récent voyage en Afrique du Sud du nouveau Chief Executive Officer (CEO), Charles Cartier, en compagnie de six membres de sa famille, en classe affaires. Alors que la communication de la compagnie tente d'apaiser les tensions en affirmant que ces vacances étaient prévues bien avant la nomination de Cartier, des informations internes dévoilent un tout autre scénario.

Des documents internes révèlent que les réservations pour ce voyage ont été effectuées le 5 avril, soit après sa nomination, sous la formule de tickets à tarif réduit, réservée normalement aux employés de la compagnie. Ce qui intrigue davantage, c'est que le CEO a choisi la catégorie P, formule en classe affaires réservée aux pilotes n'ayant pas encore un an de service et souhaitant voyager avec leur famille. Cette catégorie étant limitée en nombre de places, l'octroi de sept sièges en même temps constitue un manque à gagner significatif pour la compagnie, qui aurait pu vendre ces places en classe affaires à d'autres passagers.

Selon les informations disponibles, le CEO a bel et bien voyagé dans la catégorie P le 7 mai, soit après sa nomination et contrairement à ce que certains prétendent, il n'y avait aucune réservation à son nom auprès de MK avant sa nomination. De toute façon, on apprend qu'une fois un billet réservé sur tarif «passager normal», cela ne peut être converti en billet au rabais par la suite.

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Autre fait intéressant : suite aux critiques, la réservation du CEO en catégorie P a été modifiée pour d'autres catégories. L'on fait également ressortir que la catégorie P était exclusivement réservée aux pilotes et que cette formule n'est plus appliquée depuis quelque temps. Or, nous apprenons que depuis hier, le département de réservation a pris la décision de réserver les places de ceux dans la direction dans la catégorie P désormais. Une démarche perçue par des employés comme une tentative de cover-up.

Cette situation soulève des questions sur les privilèges accordés au CEO seulement deux mois après son entrée en fonction, alors que les règlements internes prévoient explicitement ce type d'avantage pour les membres de la direction après un an de service. Selon la section 3.1 B des Air Mauritius Employee Concessional Travel Regulations, la direction peut bénéficier de billets à tarif réduit pour un nombre limité de personnes chaque année.

Plus précisément, les règlements stipulent que les cadres de niveau exécutif ou de direction ont droit à des billets au rabais à 100 % pour quatre personnes la première année et à des billets au rabais à 90 % pour dix personnes. Le nombre augmente au fil des années de service.

L'absence de précédent concernant l'attribution de la catégorie P à d'autres membres de la direction renforce le caractère exceptionnel de cette situation. Bien que les termes de son contrat de travail puissent lui conférer certains droits contractuels, notamment en matière de voyages à tarif réduit après un certain temps à la discrétion de la compagnie, tout avantage lié aux voyages à tarif réduit devrait normalement bénéficier uniquement au CEO lui-même, conformément aux règlements internes et aux pratiques habituelles de l'entreprise.

Le fait que le CEO ait pu étendre ces privilèges à tous les membres de sa famille pour un voyage en classe affaires à peine deux mois après sa nomination soulève des questions sur la justification et la légitimité de cette décision. «Accorder des privilèges exceptionnels sans justification claire et sans alignement sur les politiques internes peut compromettre la confiance des employés et l'image de l'entreprise», indique-t-on. Le CEO est de retour aujourd'hui, sa version des faits est attendue.

L'audit technique de l'EASA en suspens

L'audit technique par l'European Union Aviation Safety Agency (EASA) pour MK, qui était prévu le mois dernier, pour garantir la conformité aux normes rigoureuses de sécurité établies par l'EASA, a été mis en suspens en raison de l'incapacité des parties concernées à fournir les informations nécessaires. Cette situation a conduit à un retard dans le renouvellement du certificat d'Approved Maintenance Organisation de MK. En effet, les personnes chargées de répondre aux questions des auditeurs et de fournir les informations requises n'ont pas pu le faire, ce qui a entraîné la suspension du contrôle.

L'équipe de l'EASA devra donc revenir à une date ultérieure pour mener à bien l'audit technique. Pour MK, recevoir l'approbation de cet audit est primordial, surtout après les incidents récents, car cela démontrerait sa capacité à maintenir des niveaux élevés de sécurité et de fiabilité opérationnelle. Cet audit comprend l'examen des procédures de maintenance, la qualification du personnel, ainsi que la documentation et le suivi des anomalies et des réparations effectuées.

L'A330 de nouveau cloué au sol à Mumbai

Vendredi dernier, l'A330-200, surnommé Blue Bay, a rencontré de nouveaux soucis techniques en Inde, seulement trois jours après avoir été remis en service suite à un problème de moteur. La journée a débuté avec une défaillance sur la pompe à essence de l'appareil à Mumbai tôt le matin. Alors que près de 200 passagers s'apprêtaient à embarquer pour Maurice, le commandant a pris la décision de demander à tous de débarquer, suite à cette nouvelle anomalie.

En milieu de matinée, les passagers, ayant été redirigés vers un hôtel en attendant des nouvelles, ont appris que le vol serait finalement retardé jusqu'à 23 h 30. Cependant, les efforts pour réparer l'A330 à temps se sont avérés vains, entraînant un nouveau report du vol prévu à 23 h 30 au départ de Mumbai. Ce n'est qu'à 4 heures du matin le samedi que le vol a finalement pu être assuré, avec un autre appareil de la compagnie, un A350. L'A330 problématique a pu être ramené au pays après des travaux supplémentaires.

Malgré sa remise en service pour les vols commerciaux, les techniciens demeurent préoccupés par la possibilité de futurs problèmes avec cet avion. En effet, le fait qu'il soit resté hors service pendant trois mois pourrait avoir engendré d'autres défauts mécaniques non pris en compte lors de la recherche d'un nouveau moteur pour l'appareil. Cette situation soulève des inquiétudes parmi les ingénieurs, qui hésitent à certifier ces avions pour les vols à venir, de peur de rencontrer des problèmes en cours de trajet.

Trois recrutements, deux methods

La transparence semble avoir du plomb dans l'aile du côté de MK. Les procédures s'agissant des recrutements traversent des zones de turbulence alors que les finances partent à vau l'eau. L'appel à candidatures pour le poste de Chief Operations Officer (COO) a ainsi été fait en interne seulement, alors que l'on s'attendait à ce qu'il soit fait en externe après ou simultanément, comme le veut la procédure.

Surtout qu'ils étaient plusieurs à penser que les compétences recherchées et l'expérience pour le poste n'étaient pas présentes à l'interne. Nonobstant la trouvaille de l'oiseau rare en la personne de Sameer Baichoo, certains pensent qu'une annonce à l'externe aurait attiré un plus grand nombre de candidats et aurait permis de choisir le meilleur pour ce poste clé.

En revanche, pour le poste de Head - Treasury and Risks, l'annonce est ouverte à l'externe seulement alors que selon nos informations, MK compte beaucoup de candidats ayant le profil requis. «Le pays regorge de comptables et MK aussi», affirme notre source. Cette annonce exclut donc d'emblée le personnel pour un poste tout aussi important pour les deals de hedging, par exemple. «Pourquoi pas d'annonce à l'interne d'abord puis à l'externe comme le veut la procédure ? Pourquoi cette incohérence avec l'annonce pour le poste de COO ?» On comprendra sans doute mieux quand la perle rare sera pêchée.

Pilote contractuel et COO permanent ?

Revenons au poste de COO. L'appel à candidatures limité à l'interne n'était destiné qu'à ceux qui sont sous contrat à durée indéterminée (CDI), soit Permanent on the Establishment of MK. Or, la personne choisie est pilote alors que tous les pilotes sont, selon nos informations, sous contrat à durée déterminée (CDD). C'est la pratique depuis des années chez MK, après un accord avec les pilotes locaux eux-mêmes.

Sameer Baichoo était-il sous CDD ou CDI ? Y a-t-il eu d'autres candidats pour le poste de COO qui étaient sous CDI et qui répondaient aux critères ? Nous avons sollicité MK à ce sujet et nous attendons une réponse. Aussi, l'annonce ne disait pas si le COO serait employé à temps partiel. Car au cas où Sameer Baichoo continue de voler, il sera pilote et COO en même temps. «Et en tant que pilote, ne doit-il pas répondre au flight manager ? Cela, alors que comme COO, c'est à lui que ces managers doivent répondre.»

Concernant l'avis de vacance pour Head - Treasury and Risks qui vient d'être émis, on nous rappelle que c'est Laval Ah Chip, qui occupait ce poste entre 2009 et 2023 lorsqu'il est devenu Chief Finance Officer (CFO), tout en continuant à être Head-Treasury and Risks. Un mois plus tard, soit le 15 septembre 2023, il a été suspendu, avec l'ex CEO Krešimir Kučko. Si, pour ce dernier, on sait qu'il a finalement été éjecté de MK au début de mars dernier avec un parachute doré, on est dans l'obscurité en ce qu'il s'agit de Laval Ah Chip.

Contacté, ce dernier n'a pas voulu nous répondre. A-t-il démissionné ou est-il toujours suspendu, en attendant lui-aussi d'obtenir un parachute ? On nous rappelle que si MK l'a suspendu sans preuves par la faute de ceux qui l'ont suspendu, et s'il a été finalement licencié, un gros pactole a dû lui être versé vu qu'il travaillait chez MK depuis 2009, contrairement à Krešimir Kučko, qui n'y a fait qu'un an.

Par contre, si Laval Ah Chip est toujours suspendu, en recrutant son remplaçant, MK pourrait faire face à un procès pour constructive dismissal venant de l'ex-CFO, selon une source. Est-ce la raison pour laquelle l'avis de vacance ne parle que de Head -Treasury and Risks et non de CFO auquel le premier doit répondre ? Pour rappel, l'Independent Commission against Corruption (ICAC) a informé officiellement Raj Ramlugun, le 30 janvier dernier, que l'enquête contre le Croate et l'ex-CFO a été abandonnée. «À moins que les deux n'aient pas été innocentés mais juste blanchis par la machine à laver qu'est l'ICAC», suggère un internaute.

Le revenant

Autre fait qui pourrait expliquer ces incohérences et qui complète en tout cas le tableau : le «re-recrutement», en avril, comme Head of Corporate Finance et non comme CFO, de Roodesh Muttylall, un proche de Lakwizinn. Lui aussi a profité d'un avis de vacance à l'externe. En 2023, il avait quitté son poste de Company Secretary cum Corporate Head Finance de MK où il avait été nommé en pleine administration en 2020. Il est donc revenu comme Head Corporate Finance. Alors que Laval Ah Chip occupe officiellement le poste presque équivalent de CFO. «Encore un poste taillé sur mesure, nous dit-on, ou une tentative de caser les proches en jonglant avec les procédures.»

Les retraités de Mk qui pleurent, Vikash Peerun qui rit

Pendant qu'il était chez MK, Roodesh Muttylall était simultanément membre du board de la State Bank of Mauritius d'où il a démissionné en janvier 2023 presque en même temps qu'il l'a fait de MK. On nous dit qu'il suivait Sattar Hajee Abdoula comme son ombre... Son épouse est membre du board d'Airports of Mauritius Ltd. Les employés de MK, les retraités notamment, gardent un mauvais souvenir du passage de Roodesh Muttylall à MK car c'est lui qui, en tant que Trustee du fonds de pension des employés (AMLPS), avait décidé unilatéralement de revoir drastiquement à la baisse le taux de révision annuelle de la retraite des employés, soit de 3,5 % à 0,25 %. Cela, avant que le même Muttylall ne retire le fonds de chez Swan pour le placer à la National Insurance Co Ltd (NIC). Cette dernière réalise maintenant une sacrée plus-value, en payant aux employés de MK un taux annuel de seulement 0,25 % alors que le Repo Rate a depuis constamment augmenté pour arriver à 4,5 % aujourd'hui. «Et la NIC qui se flatte de ses bons résultats en affichant la photo de Vikash Peerun comme chairman ou comme candidat, on ne le sait !» nous dit un retraité de MK. «Notre argent aura servi à gonfler les revenus de NIC et permis de distribuer des bonis.» Nous y reviendrons.

Un Human Resources Manager à demi

Et le HR Manager qui émet les avis de vacance, pourquoi ne siège-t-il pas sur le panel d'entretien avec les candidats ? Si la nouvelle direction ne fait plus confiance au HR Manager, «probablement avec raison, pourquoi ne le suspend-on pas ou ne le transfère-t-on pas vers un autre département au lieu d'occuper un poste grassement rémunéré sans faire une partie de son travail qui consiste à évaluer les candidats ?» s'interroge un employé. «Pourquoi payer un consultant pour faire ce travail ?» On en raconterait de bien bonnes sur la performance de ce dernier. À suivre.

Rs 250 000 pour «l'annonceur»

Atma Bumma, le nouveau consultant en communication de MK, est payé au moins Rs 250 000 par mois. Selon un employé de MK, «c'est très cher payé pour quelqu'un qui ne fait, entre autres, qu'annoncer les retards de vols certes fréquents ces derniers temps. Comment voulez-vous que les syndicats ne revendiquent pas de hausses de salaire ?» C'est ce même Atma Bumma qui a défendu les billets gratuits de son boss Charles Cartier. On nous rappelle que contrairement à ce qui a été dit, les employés «ordinaires» ne bénéficient de billets gratuits qu'après un an, «des billets en classe économie et non en classe affaires et pas pour toute la famille», sous-entend-on.

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