Les chansons d'amour saturent les chaînes télévisées, inondent les ondes. Les lovers ont tendance à chantonner de la même manière, sur le même instrumental. Ça épuise la membrane tympanique... Alors, les jeunes tendent peu à peu leurs oreilles vers les hymnes de la révolution. « C'est à cause de la crise », a avoué un adepte de rap engagé.
Il faut peut-être cesser de dire que la situation socio-économique n' intéresse pas les jeunes. Entre septembre 2022 et janvier 2023, Shao Boana a éveillé l'esprit de ses concitoyens avec deux sons, Haïti gasy et ZBNK. Lors du jour de l'élection présidentielle, le 9 novembre 2023, 11 rappeurs se sont réunis pour chanter « Repoblika ». Le titre deviendra un hymne. Dès lors, les adolescents commencent à hocher la tête...
Oui, le pays va mal, le taux de chômage est très élevé dans les grandes villes, les quartiers périphériques broient du noir, l'eau coule rarement dans les cuvettes de lessive des mamans célibataires. Par conséquent, la population semble marcher à l'envers. « C'est devenu insupportable, invivable, Madagascar s'appauvrit de jour en jour », se désole un lycéen.
Ces faits inspirent les artistes, en l'occurrence les rappeurs. Bon nombre de singles et d'albums sont sortis ces deux dernières années. En décembre 2023, par exemple, Soja-B présente son opus « Feo divers ». Ces expressions d'opinion sont chuchotées au fond des couloirs, dans les quartiers défavorisés, le rappeur les ont évoquées sur des mélodies variées... Le 15 avril dernier, Olombelona Voleur Non Identifié (OVNI) apparaît pour la première fois sur les réseaux sociaux, faisant allusion aux politicards, ces « voleurs en costard ».
Récemment, le rappeur de Toamasina Kakanjila attire l'attention de ses aficionados dans « Arakanay izio ». Comme d'habitude, il a encore craché sa colère en critiquant avec véhémence les abus perpétrés par les hauts dignitaires de la nation. En outre, les activités artistiques, notamment la conférence « Le rap à la rescousse de la démocratie » suivi d'un grand live sur le parking de la Faculté DEGS (Droit, Économie, Gestion et Sociologie) organisés par les poètes de la rue à Ankatso le 11 mai dernier, nourrissent davantage l'ambition des jeunes universitaires. Apparemment, le message est passé.
La présence de milliers d'étudiants devant la scène, en est une preuve concrète... Pour couronner le tout, MBL a prévu un texte tranchant intitulé « Firenoana », relatant le train-train quotidien de la vie des Malgaches pauvres et amaigris.
Par ailleurs, dès son implantation à Madagascar, le rap, bien qu'elle ait influencé la classe moyenne, a toujours été un moyen de revendication. De Takodah & Ngiah B jusqu'à Yrist, en passant par Shao Boana, Big Jimda, Ampsy Dyh, la dénonciation ainsi que la lutte contre l'injustice ont de temps à autre des thèmes abordés dans les lyriques. Actuellement, la nouvelle école suit les pas de leurs zokibe. La lutte continue. Le rap n'est pas que de la poésie, c'est une musique qui accompagne la révolution !