Le malaise doit être très profond, diplomatiquement parlant, entre le Niger et le Bénin. C’est un euphémisme.
Il semble que l’épisode des sanctions prises à l’endroit du Niger par la CEDEAO, suite au coup d’Etat qui a renversé le Président Mohamed Bazoum, et pour lesquels le Bénin frontalier avait pris une part active, n’a pas été « digérée » par les autorités militaires à Niamey. A la décharge du Bénin, il faut le dire, le Président Talon a été parmi les premiers chefs d’Etat à lever unilatéralement la mesure de fermeture des frontières, sans qu’aucune décision de la CEDEAO ne soit intervenue, et après avoir souverainement apprécié l’inefficacité de l’embargo décidé par l’instance communautaire.
Aujourd’hui, on en est presque à l’incident diplomatique entre les deux pays, avec la mesure de rétorsion prise par le Bénin interdisant l'embarquement du pétrole en provenance du Niger au port de Cotonou, à partir du pipe-line qui réunit les deux pays, tant que le Niger lui-même, maintient sa frontière avec le Bénin fermée. Si l’on se réfère aux échanges relayées par voie de presse, le Président Talon, s’offusque du fait qu’une entreprise privée chinoise en charge de l’oléoduc, l’ait informé de la présence d’officiels nigériens sur son territoire, alors qu’il est d’usage que ce soient les autorités étatiques du Niger de s’acquitter de cette bonne pratique diplomatique. A cette première raison il ajoute, malgré la réouverture par le Bénin de sa frontière avec le Niger, la réciprocité n’est pas appliquée par Niamey.
Côté nigérien en revanche on semble dire qu’il appartient aux autorités béninoises de s’accorder avec l’entreprise chinoise ( CNPC-NP) en charge de l’oléoduc aux termes du contrat qui la lie avec le Niger de s’accorder sur les modalités de transport du pétrole avec les béninois. La fermeture de la frontière entre les deux pays se justifierait pour des raisons de sécurité, car faut-il le rappeler, parmi les mesures que la CEDEAO avaient prises, il y avait une intervention armée à laquelle le Bénin avait souscrit avec une possible intervention de ses soldats pour rétablir le pouvoir du Président Bazoum, qui avait été renversé. Entre temps il s’est passé beaucoup de choses dont la création de l’Alliance des Etats du Sahel ( AES), une sorte d’anti thèse de la Cedeao
C’est dire qu’il y a un vaste malentendu entre les deux pays, dont l’origine est à rechercher dans le désaccord entre le Niger et le Bénin, né des sanctions de la CEDEAO.
Toutefois, il faut noter qu’aujourd’hui, de bonnes dispositions sont notées du côté béninois pour renouer le dialogue. C’est dans ce sens que la « mesure a été levée de manière ponctuelle et provisoire, afin de permettre au premier navire de charger le brut nigérien sur la plate-forme de Sémè Kpodji à partir de ce jeudi 15 Mai. Autrement dit, il ne s’agit pas d’acter le démarrage des activités normales d’exploitation du pipeline, qui selon la partie béninoise devra se faire dans le cadre de discussion entre les deux Etats. On semble s’y acheminer, car de part et d’autre, on a pris conscience des effets inflationnistes que génère cette fermeture des frontières, mais surtout pour le Bénin, l’incidence que la perte de recettes liée au manque à gagner sur les taxes qu’il devrait percevoir pour les 675 Km du tracé du pipeline en territoire béninois, mais aussi les emplois générés.
Bien entendu le Niger aussi avec ses prévisions en 2024 qui vont avoisiner 110 000 barils jour, mesure également l’enjeu qu’il y a d’aller au plus vite vers une normalisation après avoir investi dans l’oléoduc le plus important de l’Afrique. Tout cela a sans doute, pesé sur la balance en faveur de la décrispation.
Au total, il faut le constater pour le déplorer, la CEDEAO qui avait allumé le feu, n’est pas en mesure de l’éteindre, car sa légitimité vis-à-vis du Niger est sérieusement entamée pour ne pas dire plus, traversée qu’elle est par une multitude de contradictions.
Pour beaucoup d’observateurs, il y a un risque pendant sur la bande sahel, avec l’exploitation du gaz nigérien, qui va susciter la convoitise des puissances comme la Russie, qui est déjà présente au plan militaire, et la Chine qui est l’investisseur principal de l’exploitation du brut et en charge du pipeline long de 2000KM avec des prévisions de flux estimées à 110 000 barils par jour.
Espérons que les fils du dialogue vont prochainement être renoués entre le 2 pays, pour une solution durable qui préserve leurs intérêts mutuels.