L'affirmation d'un goût prononcé pour les coiffures africaines par la gent féminine au Sénégal a remis en vogue ce type de coiffure qui, bien qu'un peu délaissées jusqu'à un passé récent au profit des cheveux artificiels venus d'ailleurs, est aujourd'hui grandement promu par des personnalités du petit écran, dont Ndiaye Ciré Ba et Mery Bèye Diouf.
Aspect incontournable de l'apparence féminine, la coiffure reflète très souvent l'état d'esprit de celui qui l'arbore. Avec une variété de styles tantôt éphémères, tantôt transcendants, ceux-ci s'adoptent en fonction des préférences individuelles ou des penchants collectifs d'un groupe ou d'une communauté à un moment donné.
Au Sénégal, depuis quelque temps, les femmes ont fortement renoué avec les coiffures africaines. Il y a des années en arrières, celles-ci étaient quelque peu laissées en rade par un grand nombre de femmes.
Aujourd'hui, alors que leur choix était naguère porté sur les cheveux importés d'Inde ou du Brésil, les tresses africaines, à l'instar des dreadlocks féminins, twists et torsades, ont retrouvé leur gloire d'antan.
Ce retour en grâce auquel ne sont pas étrangers certaines figures de la scène publique sénégalaise de la trempe de l'actrice Ndiaye Ciré Ba, reconnue pour ses styles de coiffure purement africain, ou encore l'animatrice de télévision Mery Bèye Diouf, qui, à force de promouvoir quotidiennement les tresses africaines, est devenue l'égérie d'un institut de beauté spécialisé en la matière.
Ndiaye Ciré Ba, porte-étendard du style africain
L'actrice qui s'est illustrée dans des rôles dans les séries à succès "C'est la vie" et "Maîtresse d'un homme marié", a beaucoup influencé le regard qu'avaient certaines femmes sur les coiffures africaines.
Par le style de sa coiffure et de son accoutrement reflétant purement les couleurs du continent, elle a révélé une facette nouvelle du style africain et impulsé une réappropriation de la culture africaine dans un de ses aspects les plus visibles : la coiffure.
"Celles qui ne se voyaient belles qu'à travers une perruque avait juste besoin d'une preuve visible et tangible que les coiffures africaines sont d'une splendeur extraordinaire", s'exclame-t-elle.
Ndiaye Ciré Ba, que le personnage de "Djalika" dans la série "Maîtresse d'un homme marié" a rendue populaire, perçoit le penchant qu'ont davantage de femmes pour les coiffures africaines, comme un dépassement d'une crise identitaire ayant surgi avec la commercialisation à grande pompe des cheveux postiches importés d'ailleurs.
Elle bat en brèche le narratif selon lequel les cheveux crépus sont intraitables et difficiles à coiffer. Pour elle, "c'est toujours un plaisir et une fierté que ce côté africain puisse être assumé haut et fort, non seulement pour nous, mais aussi pour l'étranger à qui nos cultures et traditions sont méconnues".
En ce qui la concerne, les tresses sont toujours préférables aux perruques. En les mettant, dit-elle, "je sens toujours une certaine pression au niveau de mes tempes. Ce qui est assez confortable. Même si j'en mets quelques fois, histoire de changer d'apparence".
Cependant, "les goûts et les couleurs ne se discutent pas", s'est-elle plu à rappeler, estimant que
Chaque femme est libre d'essayer une perruque tant que cela relève d'une décision personnelle.
Ce qui est inacceptable en revanche, poursuit-elle, c'est de le faire sous le coup d'une quelconque influence extérieure.
"Le qu'en dira-t-on ne doit jamais primer sur les préférences individuelles", affirme-t-elle
Kiné Sy, une jeune femme proche de la trentaine, dit avoir depuis sa tendre enfance, un attrait particulier pour les coiffures afro. Sa chevelure touffue contribue à la rendre plus encline à adopter cette coupe de cheveux.
"La texture de mes cheveux est déjà un acquis. Etant petite, ma mère me les coiffait d'une manière à ne laisser personne indifférent. J'inspirais nombre de mes camarades de classe. En grandissant, j'ai tenu à perpétuer cette tradition. Alors, j'ai appris à les entretenir, à en faire tout type de modèle. Je touche rarement aux cheveux artificiels, contrairement au temps où j'étais à l'université. Ils alourdissent mon apparence, je trouve", déclare la jeune femme.
"Les tresses africaines sont devenues ma signature"
Méry Bèye Diouf, animatrice à la Télévision Futurs Médias (TFM, privée), confie que les tresses africaines n'étaient pour elle au tout début, qu'un moyen de prendre soin de ses cheveux nappy. Elle explique que c'est au fur et à mesure qu'elle en a fait sa signature pour, dit-elle, inciter les femmes à embrasser leur identité.
"Je dirais volontiers aux femmes africaines qu'elles ont les plus beaux cheveux au monde et qu'elles se doivent de les laisser s'épanouir et briller de tout leur éclat", lance-t-elle.
"Les perruques peuvent nous servir de secours à des moments précis, mais nos cheveux sont notre identité", martèle celle pour qui mettre une perruque donne l'impression d'être dans la peau d'une autre.
En dépit de son attachement aux looks purement africains, l'animatrice dit respecter le choix des autres en matière de coiffure. Elle qui ne voit pas forcément à travers le port de cheveux artificiels une négation de l'identité de soi, estime toutefois que certaines femmes ont besoin de modèles pour les encourager à assumer qui elles sont.
"Un vrai retour à nos origines"
"Ce que je remarque, c'est qu'il faut plus de femmes qui osent et ouvrent la voie pour montrer aux autres qu'elles peuvent se sentir belles avec leurs cheveux naturels. Et je suis bien contente de constater qu'il y a davantage de femmes qui retournent aux sources africaines. Cela va même au- delà de la question des cheveux mais de l'habillement. Maintenant, le tradi-moderne est en vogue autant chez les hommes que chez les femmes. Donc, il y a un vrai retour à nos origines", se réjouit l'animatrice et égérie du salon Triangle de Beauté.
Justement, Triangle de beauté est cet endroit où "les femmes sont connectées à leur héritage culturel", affirme Tabara Gackou, la propriétaire de cet institut de beauté situé sur l'avenue Bourguiba, à Dakar.
L'idée de faire sortir de terre cet institut spécialisé dans les tresses africaines, est née du fait qu'elle se montrait très exigeante avec ses propres cheveux, qu'elle tenait envers et contre tout à entretenir et à protéger de toutes formes de dégradation (cheveux secs, chute de cheveux, cuir chevelu irrité...).
La volonté de "connecter les femmes et leur héritage culturel" a aussi été une motivation non négligeable dans sa démarche.
"Beaucoup de mes clientes choisissent des coiffures africaines pour leur praticité, leur facilité d'entretien et leur durabilité. Ce sont également des coiffures très belles, artistiques et emblématiques, témoignant de la richesse et de la diversité culturelle", avance-t-elle encore.
Au regard du nombre croissant de femmes sénégalaises qui la sollicitent pour des tresses africaines, l'artiste capillaire et professionnel de beauté en déduit qu'il y a une évolution positive née de ce "changement de perception sur nos cheveux crépus".
Grande évolution culturelle et sociale
Poussant plus loin son analyse, elle parle de grande évolution culturelle et sociale en ce que "ce changement pourrait être dû à une prise de conscience fulgurante de l'importance de célébrer et de promouvoir les styles et les traditions africaines avec nos cheveux, ainsi qu'à une volonté de se reconnecter avec notre identité culturelle".
De surcroit, la coiffeuse observe que les femmes, aujourd'hui, se soucient énormément de la santé et du bien-être de leurs cheveux. Cette perception semble traduire les tendances de beauté en cours.
Parmi les modèles de coiffures phares de son institut où travaillent une trentaine d'employés, les twists, tresses vanilles en torsade, chignons traditionnels ainsi que des coiffures artistiques avec des perles. Sans oublier les modèles typiques nés de sa créativité fertile tels que les "Rothi diam", "écailles virgules", "tathiou' et même "khouli khali".