Dakar — L'artiste visuel et professeur d'art, Viyé Diba, expose à la galerie "Oh Gallery", des oeuvres qui demeurent un ensemble d'archives textiles créant des perspectives murales où "peinture et sculpture" se rencontrent.
Des grands et petits tableaux issus de la récupération de nombreuses chutes de tissus, dans lesquelles sont installées de boulettes piégées dans les moustiquaires offrent une vue particulière de la galerie, aux visiteurs.
Des oeuvres contiennent des dessins en boubou traditionnel avec un fond blanc et d'autres en fond noirs, portant plusieurs boulettes multicolores ou encore en poches de Kangourou.
Ce travail du point de vue esthétique, permet selon l'artiste, de s'y attarder et de comprendre comment le peuple essaie de sortir de l'eau, malgré la domination.
"Les archives textiles sont une exposition que j'avais préparée pour cette édition de la Biennale, en faisant suite à un travail que je faisais depuis plusieurs années, sur la récupération des chutes de tissus de chaque fête de Tabaski ou de Korité", a déclaré Viyé Diba, dans un entretien accordé, vendredi, à l'APS.
Selon l'artiste, le plus important était de faire un retour en arrière, pour essayer de remonter l'histoire d'un tissu utilisé dans sa tendre enfance dans les années 60, à Casamance.
"Ce tissu avait une caractéristique assez particulière, noir avec des points blancs brillant, amidonné. Et les paysans, après la vente de l'arachide, se rendaient dans les boutiques libanaises, acheter les tissus pour les donner aux tailleurs sur place et les porter immédiatement après la confection", a-t-il témoigné.
Pour lui, cette expérience a complètement dépouillé les populations de ces terroirs, de leur pratique textile, dont le processus a occasionné l'élimination de ces savoir-faire.
"Lorsque vous regardez la panoplie de ces tissus que nous achetons, en passant par le wax, les brodés, les getzner (...), pour nous, cela viennent de l'extérieur. Cela demeure un baromètre important de notre degré de domination économique", a-t-il expliqué.
Viyé Diba, a souligné que ce travail renseigne sur l'état réel de la société, du continent et du pays, dans la mesure où, il démontre forcement l'envie de consommer les produits extérieurs.
Il lui permet également de "de rendre hommage à la recherche existant dans le système d'habillage, la créativité, la mode, avec notamment la broderie, etc."
"Ce travail permet de mettre l'accent sur la consommation, mais également sur la créativité dans le cadre de cette domination", a-t-il laissé entendre en insistant sur le fait qu'il montre que les populations avaient encore du ressort, en dépit de la domination de tous leurs "espaces identitaires".
Il a noté que la réflexion sur la matière textile, permet non seulement de redynamiser la culture du coton, mais aussi de renouer avec le savoir-faire traditionnel, pour redessiner une nouvelle Afrique qui se crée. "Cette exposition est à la fois une interpellation politique", a-t-il poursuivi.
L'artiste visuel a indiqué que le tableau sur le dessin des enfants par exemple, permet de comprendre comment ceux-ci traduisent le monde des adultes du point de vue imaginaire.
"C'est très important de confronter le monde réel des adultes et le monde imaginaire, et quelle type de relation les enfants ont avec ce dernier, leur perception, etc.", a-t-il ajouté.
Viyé Diba est diplômé de l'école normale supérieure d'éducation artistique de Dakar, il a également poursuivi, ses recherches à l'école pilote internationale d'art et de recherche de la Villa Arson à Nice (France).
Il participe à la mobilisation des artistes pour la création de la Biennale de Dakar, dont il sera lauréat du prix Léopold Sédar Senghor en 1998.