Ile Maurice: La nouvelle guerre de «lawfare», Ramgoolam, FCC, MSM...

Une nouvelle forme de guerre politique se dégage dans les pays dits démocratiques. Il s'agit d'utiliser le droit afin d'assommer son adversaire politique entre deux élections et espérer ainsi l'endommager ou le fragiliser pour le neutraliser politiquement.

Ainsi, on assiste actuellement à la grande mobilisation des instances judiciaires contrôlées par les Démocrates aux Etats-Unis afin d'anéantir Donald Trump. En Inde, l'establishment policier et légal a cherché à endommager Arvind Kejriwal, un adversaire de taille - plus redoutable que Rahul Gandhi lui-même - du Bharatiya Janata Party (BJP). Kejriwal a passé quelques semaines en détention alors que l'Inde est engagée dans des élections générales.

Les cas Trump et Kejriwal sont des illustrations frappantes de cette guerre appelée lawfare, un mot porte-manteau qui combine les termes anglais law et warfare.

Il semblerait que Maurice s'est lui aussi distingué dans l'art du lawfare et cela de façon plus vigoureuse encore qu'aux Etats-Unis et en Inde. Dans le passé, nous avons connu quelques procès ayant entraîné des retombées politiques fracassantes. Comme l'affaire Sheik-Hossen à la fin des années 1970. Et bien plus tard, le cas MedPoint. Mais depuis 2015, avec l'avènement d'un nouveau gouvernement en décembre 2014, le lawfare s'est solidement ancré. Avec pour principale cible Navin Ramgoolam. Mais aussi d'autres personnalités et entreprises visées dont Rundheersing Bheenick, Dawood Rawat et la famille Bhunjun.

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Avec l'implantation de la Financial Crimes Commission (FCC) sous la charge du fidèle Navin Beekarry, nul doute que le lawfare sera engagé d'une façon dévastatrice atteignant un niveau jamais connu auparavant. Certainement, toute la puissance de feu de la FCC serait dirigée sur Navin Ramgoolam qui a réussi à faire rejeter la plupart des procès intentés contre lui depuis 2015. Mais si le gouvernement a tenu tellement à introduire la FCC, c'est que les nouveaux outils fabriqués pour le compte de Beekarry devraient être encore plus foudroyants que ceux connus jusqu'ici.

Reste à savoir maintenant quand la FCC ferait entendre ses premiers coups de feu. Logiquement, si on se fie aux manuels de guerre, le timing même d'une opération reste un élément déterminant. Dans le contexte des réalités politiques mauriciennes, une opération contre Navin Ramgoolam viserait trois objectifs distincts.

Tout d'abord, les meneurs du lawfare travaillant pour le compte du MSM viseraient à présenter Navin Ramgoolam comme un homme impliqué dans des 'affaires' tellement embarrassantes qu'il se disqualifierait comme challenger de Pravind Kumar Jugnauth. Une intense campagne discréditant Navin Ramgoolam serait menée auprès de l'électorat traditionnellement travailliste.

Deuxième objectif : s'assurer que le leader travailliste ne soit pas en mesure de fonctionner dans le contexte d'une campagne électorale. On pourrait comprendre par cela qu'il serait arrêté et placé en détention aussitôt la campagne électorale officiellement déclenchée. A la manière de l'opération menée par le gouvernement Modi contre Arvind Kejriwal en Inde.

Enfin, le troisième objectif viserait à remettre en question l'alliance entre le PTr et le MMM. Une vaste opération de propagande avec la participation de Steve Obeegadoo, Ivan Collendavelloo et Alan Ganoo serait lancée auprès des partisans du MMM pour leur demander de ne pas associer leur parti à un homme comme Navin Ramgoolam. Des pressions seront exercées sur Paul Bérenger pour l'amener finalement à rompre l'alliance avec le Parti travailliste et Navin Ramgoolam.

La nouvelle ère de lawfare qui entre dans les moeurs mauriciennes bénéficierait de deux atouts majeurs aux mains de ceux qui sont au pouvoir et en mesure d'actionner les institutions.

Premier atout du pouvoir : pour la première fois dans les annales juridiques et légales de Maurice, un gouvernement paraît capable de pouvoir contrôler tout le 'système'. Il n'y a que le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) qui échappe encore au contrôle du pouvoir politique mais pas pour longtemps car la FCC se positionne en rouleau-compresseur. Même en Inde, malgré son omnipuissance politique et institutionnelle, Narendra Modi n'a pu empêcher la libération sous caution de Kejriwal. La machine de propagande du BJP a tenté méchamment de discréditer les juges ayant libéré Kejriwal en les décrivant comme des fils-à-papa ayant été casés dans le système par népotisme. Pourrait-on engager des paris sur la possibilité d'une libération immédiate de Navin Ramgoolam en pleine campagne électorale ?

Deuxième atout du MSM : le gouvernement contrôle totalement toute la fonction publique et la force policière. Ce qui fait que toute opération de la FCC serait pleinement soutenue par des dossiers préparés par des fonctionnaires et des policiers.

Outre l'utilisation de la FCC avec le K.-O. programmé de Navin Ramgoolam, il serait intéressant de savoir maintenant comment de vastes opérations seraient mises en branle avec le concours de certains fonctionnaires et de policiers dans le cadre du polling et du counting pour les prochaines élections générales. Comme le dirait le Yankee, you ain't seen nothing yet...

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