Maroc: L'Agence nationale des eaux et forêts tenue de faire avec

Actualisation des cartes interactives, ouverture sur le monde scientifique, intégration de l'IA...

L'ANEF se félicite à juste titre de la diminution du nombre des incendies de forêt

« Il est vrai que les superficies forestières affectées par les incendies ont bien régressé, mais il faut préciser, cependant, que le nombre des feux déclenchés a augmenté atteignant des zones qui historiquement étaient à l'abri des feux de forêt, notamment la région du Nord et particulièrement Tanger, une zone touristique et à forte densité humaine où nous avons constaté des feux dangereux responsables de dégâts environnementaux importants.

Ce qui est totalement nouveau ». C'est ainsi que le Pr. Lakhouaja El Houcine, enseignant-chercheur à FLSH-Ben M'sik, spécialiste des dangers des feux de forêt, a commenté les dernières données de l'Agence nationale des eaux et forêts (ANEF). Et d'ajouter : « Cela veut dire que les plans élaborés par l'Agence à partir des prévisions météorologiques et climatiques sont devenus obsolètes puisque la météo commence à changer de visage, ce qui nécessite l'établissement d'études approfondies pour actualiser les cartes dynamiques qui prévoient les zones du danger ».

Romain Chanson

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Notre interlocuteur nous a expliqué, cependant, que l'Agence a pu réaliser plusieurs succès qui ont permis au Maroc de se présenter, au niveau des pays de la Méditerranée, comme étant le pays le moins touché malgré l'intensité des conditions météorologiques. Et ce grâce à l'intervention précoce, à la présence d'intervenants sur le terrain (le ministère de l'Intérieur, l'ANEF, les autorités locales, la Protection civile, la Gendarmerie Royale, les Forces Royales Air, les Forces Armées Royales et les Forces Auxiliaires) et au travail de prévision.

Concernant les causes des feux, notre interlocuteur a précisé que 90% sont dus au facteur humain. Mais, il a tenu à noter que ce facteur reste inopérant tant qu'il n'existe pas de circonstances naturelles favorables au déclenchement des feux. « En d'autres termes, le facteur humain n'est pas déterminant. En effet, il y a la source du feu et l'environnement dans lequel il se déclenche. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, il n'y aura pas de feu. A souligner que le facteur humain est une réalité qu'on ne peut pas ignorer et qu'on ne peut pas résoudre puisqu'il y a plusieurs enjeux économique, social, culturel.... », nous a-t-il expliqué.

Révision des méthodes de travail

Sur un autre registre, le Pr. Lakhouaja El Houcine soutient que l'ANEF doit revoir sa stratégie de travail et ses procédés d'autant que son action se base sur une stratégie qui ne date pas d'aujourd'hui avec des partenaires notamment européens qui ont fait bénéficier notre pays de modèles numériques fortement appliqués dans les pays développés. D'autant que la récurrence des années de sécheresse et la hausse des températures lors des deux dernières années ont créé un déséquilibre.

« Il y a la nécessité de développer le système technique relatif aux cartes interactives qui fait des prévisions à partir de données météorologiques et fait appel aux outils de l'intelligence artificielle (IA). « Au niveau de notre laboratoire de recherche, nous avons déjà intégré l'IA pour rendre ce système plus efficace. En effet, nous soutenons que chaque région a ses propres spécificités et que les forêts marocaines ne se ressemblent pas et, du coup, il faut respecter ces spécificités spatiales et les facteurs qui interagissent au niveau de chaque région », a-t-il affirmé.

A ce propos, il a constaté que ladite Agence est peu ouverte sur les experts en climatologie. Selon lui, cette dernière ne mène pas des études et n'établit pas de projets scientifiques avec la communauté scientifique. « Il faut une ouverture sur le monde scientifique, parce que le problème des feux de forêt ne concerne pas uniquement l'Agence. Il y a des experts qui ont effectué des travaux sur ce phénomène et qui sont capables de participer à ce que l'Agence développe ses outils de travail et d'analyse afin d'affronter les changements en cours, notamment les phénomènes extrêmes. L'ANEF a besoin d'études concernant beaucoup de disciplines (climat, bioclimat...) afin d'anticiper et accompagner le changement climatique d'autant que les projections n'augurent rien de bon».

Pressions considérables

Selon un communiqué de l'ANEF, l'année 2023 a enregistré «une diminution considérable de la superficie forestière affectée par les incendies, passant à 6.426 hectares contre 22.760 hectares en 2022, soit une baisse de 70% ». A noter que « 466 incendies ont touché cette année 6.426 hectares de forêts, dont 35% composés d'arbustes, de formations herbacées et d'Alfa».

La même source a indiqué que «malgré cette diminution, les forêts marocaines continuent de subir des pressions considérables, augmentant le risque d'incendies, surtout pendant l'été, en raison de facteurs tels que l'augmentation des températures, la diminution de l'humidité de l'air et les vents secs et chauds de type «Chergui». A rappeler que «l'été 2023 a été marqué par des vagues de chaleur extrême, particulièrement en juillet et août, avec des records de températures. Cette situation a exacerbé les incendies de forêt dans toute la région méditerranéenne, affectant gravement la Grèce, l'Italie, l'Espagne, l'Algérie, le Portugal et la France».

Pour sensibiliser à ces risques, l'ANEF, en collaboration avec le ministère de l'Intérieur et la Protection civile, organise des actions éducatives à l'occasion de la Journée nationale de sensibilisation aux risques d'incendies de forêt le 21 mai. L'ANEF rappelle que la plupart des incendies sont causés par l'activité humaine et encourage les usagers des espaces forestiers à être vigilants et à signaler tout départ de feu ou comportement suspect.

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