Tunisie: Médicaments génériques et biosimilaires - A pas sûrs, mais lentement !

Le rideau est tombé sur les Premières journées internationales des médicaments génériques et des biosimilaires, organisées les 17 et 18 mai 2024 au Palais des Congrès, par l'Association tunisienne des médicaments génériques (Atmg), en collaboration avec le ministère de la Santé.

D'emblée, la séance plénière avait dressé l'état des lieux relatif au développement des médicaments génériques et biosimilaires aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. Tout d'abord, où en est notre politique en matière de réalisation des objectifs tracés et par rapport aux enjeux et aux perspectives futurs. Il faut dire, qu'en Tunisie, les premiers dépôts d'autorisation des médicaments biosimilaires remontent à 2002, soit bien avant les USA, datant de 2015- 2016.

En revanche, sous nos cieux, la production des biosimilaires avance à pas de tortue, alors qu'aux USA, elle connait, depuis, un développement phénoménal. «L'industrie pharmaceutique nationale est, bel et bien, axée sur la production des médicaments génériques. Mais, en ce qui concerne les biosimilaires, les avancées sont quelque peu timides, faute de moyens suffisants ; le coût de la production des biosimilaires est exorbitant.

Du coup, nous sommes dans l'obligation de recourir à la solution de facilité, celle de garantir les médicaments génériques, et par conséquent, l'accès aux médicaments à tous», souligne le Pr Abderrazek Hedhili, directeur général de l'Agence nationale des médicaments et des produits de santé, lors de son allocution sur l'état des lieux des médicaments génériques et biosimilaires en Tunisie.

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Pour une société de biosimilaires en Tunisie

Ce n'est, donc, pas étonnant de voir cette filière prospérer aux USA, ce pays qui y consacre un budget colossal de 313 milliards de dollars. Néanmoins, les experts, les intervenants ainsi que les chercheurs tunisiens ne sont nullement restés les bras croisés. «Nous venons, tout récemment, de recevoir une proposition de créer une société spécialisée dans les biosimilaires en Tunisie. C'est dire que l'intérêt porté à cette filière est grandissant.

Parallèlement, nous continuons, plus que jamais, à soutenir les principaux piliers de la qualité des médicaments génériques et biosimilaires à savoir la bioéquivalence, la pharmacovigilance et la création des laboratoires», ajoute M. Hedhili.

Produire et ré-produire des biosimilaires nécessite des compétences confirmées, lesquelles ne manquent pas dans notre pays. Toutefois, la politique nationale se doit de les doter des moyens et des encouragements nécessaires à leur épanouissement professionnel et scientifique, afin qu'elles restent en Tunisie.

A la conquête du marché africain

L'orateur a insisté, ici, sur un challenge à relever, sans trop tarder, celui notamment de conquérir les marchés africains via des médicaments biologiques made in Tunisia, avant que l'Afrique ne fasse un saut qualitatif en la matière et ne se contente que de ses éventuels produits.

Pour ce, la Tunisie devrait commencer par fixer la liste des biosimilaires prioritaires, notamment ceux préconisés pour traiter les maladies graves et chroniques. Et là, la question relative à la révision des prix des médicaments a été évoquée, tout en suggérant la création d'un conseil unique qui se chargera de la révision et de la fixation des prix des médicaments en Tunisie.

Mena : performances variables et disparates

A l'échelle régionale, celle des pays Mena, la situation est variable, sans pour autant être favorable, faute d'un élan de solidarité entre les pays. Au lieu de former un marché commun des médicaments génériques et biosimilaires, les pays arabes continuent de tenir la concurrence entre eux. Selon les données avancées par M. Abdelnaceur Sijari, président de l'Union arabe des producteurs des médicaments et des produits médicaux, la région arabe compte environ 795 industries pharmaceutiques.

La filière biosimilaire constitue ainsi la solution la mieux indiquée pour alléger les charges sanitaires des Etats arabes, surtout en anticipant sur l'évolution positive des maladies chroniques, celles cancéreuses et autres auto-immunes ; des maladies qui seraient significativement mieux traitées par les biosimilaires. Mais, pour en arriver là, il convient, d'abord, de combler les défaillances entravant, jusque-là, le développement de ladite filière.

Il faudrait commencer par la disponibilité des matières premières nécessaires à la production et à la ré-production des biosimilaires, l'encouragement des industriels et des compétences spécialisées et la création d'un marché arabe unique.

Aussi faut-il inciter à la recherche scientifique et renforcer les budgets alloués à cette filière. Cela dit, selon Sijari, le traitement par biosimilaires s'avère être des plus chers, estimé en moyenne à cent mille dollars par malade.

«D'où l'impératif de réfléchir sur des alternatifs aux biosimilaires», fait-il remarquer. Et d'ajouter: «Je pense que parmi les obstacles jouant au détriment des biosimilaires, c'est bien cette manie d'effectuer des études cliniques, un peu trop exagérées, alors que la bioéquivalence semble suffisante pour confirmer l'efficience du produit. D'ailleurs, en réduisant les obstacles qui nuisent au développement de cette filière pharmaceutique ô combien prometteuse, l'on pourrait avancer à un rythme plus soutenu. Les success stories de la Turquie et du Bengladesh sont des références à retenir ; ces deux pays, où l'industrie biosimilaire prospère remarquablement, ne produisaient aucun biosimilaire il y a, à peine, dix ans».

Vigilance et respect, mots d'ordre

Parlons-en ainsi, la vigilance et le respect de la réglementation dans ce domaine sont, pourtant, les mots d'ordre d'une filière qui promet une réelle et précieuse révolution pharmaceutique à travers le monde.

Pour le Pr Fernando De Mora, spécialiste en pharmacologie et consultant en biosimilaires, un médicament biosimilaire ne doit aucunement être régi par une réglementation propre aux médicaments génériques. Il nécessite une réglementation propre à lui, et ce, en raison de la complexité de sa molécule.

En effet, si le médicament générique dispose d'une synthèse simple, semblable à celle du princeps ou du médicament chimique d'origine, le médicament biosimilaire, lui, se distingue par une synthèse moléculaire fort complexe, où des êtres vivants microscopiques interagissent en permanence. Même en termes de coût, la différence est immensurable.

«Pour développer un biosimilaire, il est nécessaire de déployer pas moins de 250 millions de dollars, alors qu'un médicament générique ne nécessite qu'un à trois millions de dollars», note-t-il. Ainsi, l'Agence européenne des médicaments, référence internationale en matière de réglementation fiable, jugée comme telle par l'OMS, insiste sur l'impératif d'établir des réglementations strictes et fiables pour tout médicament, en général et pour les biosimilaires en particulier. «La réglementation représente la meilleure manière de stimuler le marché», souligne-t-il.

Vers une convergence réglementaire exigeante

La réglementation relative aux médicaments biologiques doit, ainsi, tenir compte de la complexité de la molécule biologique ; une molécule difficile à répliquer. Produire et ré-produire un médicament biologique exige que l'on confirme l'équivalence clinique avec le princeps, soit la même structure du principe actif, la même efficacité et le même niveau plasmatique. Soit la confirmation de l'égalité thérapeutique.

Aussi, le biosimilaire se doit-il d'être dans les limites usuelles, voire dans la même variabilité de princeps. Pour ce, plusieurs recherches sont à effectuer dont des études approfondies de comparabilité, une pharmacovigilance active, des expertises voire des études cliniques sur des patients soumis au traitement biosimilaire.

«Une réglementation non exigeante entraine, à coup sûr, la production de produits sub-standards. Pour garantir une réglementation exigeante et fiable des médicaments biologiques et biosimilaires, l'Agence européenne des médicaments se déclare ouverte sur d'autres agences à travers le monde, et ce, afin de préparer le terrain vers une convergence réglementaire exigeante», conclut Pr De Mora.

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