Une salle plongée dans le noir. Une ombre qui avance précautionneusement sur l'estrade obscure, éclairée par une lumière rouge sang. Un beat martial, semblable au battement du coeur rythme sa marche majestueuse. Bientôt, le tempo s'enrichit pour épouser une rythmique de rap. La gestuelle est lente, mesurée, royale presque. La concentration du public est maximale, le temps a suspendu son vol depuis.
Dans la salle Bitty Moro de l'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle (Insaac), récemment, Emmanuel Amour Frumence Aby Say, étudiant en Master 1 Danse et Chorégraphie, la vingtaine à peine, est face aux trois membres du jury qu'il doit convaincre par la maîtrise non seulement de son sujet mais aussi de la plus-value qu'il peut apporter à la danse contemporaine en termes de créativité. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de création du jouvenceau intitulé « Donc, c'est ça ! » a impressionné le public.
Maniant avec maestria le pneu, son matériau avec lequel il faisait corps, Emmanuel Amour Aby Say a su capter et captiver l'attention de son auditoire avec ses enchaînements, ses saltos, son jeu de scène, son occupation scénique, sa gestuelle assortie, un jeu de lumière à propos, le tout sur fond musical et un bruitage qui rappelle la rue abidjanaise des gbaka, wôro-wôro, piétons, vendeurs à la criée... Cela, pour changer un tant soit peu le prisme sur les apprentis gbaka que le commun des mortels perçoit comme la jeunesse des contre-valeurs.
« Dans ma prestation, je veux mettre en lumière les gens qui s'assument en société. Cela, parce que les jeunes d'aujourd'hui, de façon générale, se font passer pour ce qu'ils ne sont pas ; ils ont honte de s'assumer. Or les apprentis gbaka, quel que soit le regard que les autres portent sur eux, sont fiers de leur boulot », explique-t-il.
In fine, il s'est agi pour l'étoile naissante de la danse contemporaine d'inviter la jeunesse ivoirienne à s'inscrire dans les valeurs cardinales qui fondent l'homme plutôt qu'à s'adonner au bling-bling qui caractérise le contexte actuel.
Après les critiques du jury composé de Hermann Yao Nikoko, professeur de chorégraphie ; Toussaint Kouakou, prof de danse classique et Lassana Kamagaté, prof de danse moderne, l'Ecole supérieure de musique et de danse (Esmd) peut être fière de porter en son sein une étoile qui va illuminer le ciel de la Côte d'Ivoire.