Quelque dix mois après le décès, le 1er août 2023, de son ancien président, Henri Konan Bédié, un vent d'unité nationale souffle sur la Côte d'Ivoire.
Ni le pouvoir actuel, ni la famille politique du défunt, ni sa famille biologique, personne ne veut se laisser conter cela.
HKB, comme on l'appelait affectueusement, aura réussi à sa mort ce qu'il n'a pu réaliser de son vivant : rassembler autant la nation ivoirienne.
En effet, deux semaines durant, entre cérémonies religieuses, hommage de la République, ballet de recueillements de la classe politique, rituel des communautés traditionnelles, un concert de soupirs de « yaako » (1) s'élèvera des quatre coins du pays.
Pour en connaître l'ampleur, il faut se référer à la taille de la coordination des obsèques, dont la mise en place, ce 19 février, a procédé d'une décision, avec référence à la Constitution, signée du président du PDCI/RDA, Tidjane Thiam.
Débutées dimanche dernier, les obsèques seront marquées, entre autres, par la visite du Premier ministre, Robert Beugré Mambé, à la famille du défunt, une veillée de prière à la cathédrale Saint-Paul du Plateau, une cérémonie d'hommage nationale au palais de la présidence de Cocody puis au siège ade l'Assemblée nationale.
C'est à l'issue de cette orchestration funéraire que la dépouille sera transférée à Daoukro, patelin national de l'ancien président, dimanche avant l'inhumation dans le caveau familial de Pépressou le 1er août.
Une mise en terre qui viendra tourner définitivement la page d'un homme public de premier plan mais dont l'héritage politique est inversement proportionnel à la richesse du parcours politique.
Ambassadeur de la Côte d'Ivoire aux USA à seulement vingt-sept ans, Henri Konan Bédié regagne Abidjan en 1968 pour occuper le prestigieux portefeuille de ministre de l'Economie et des Finances.
Toujours sous l'aile protectrice du père de l'indépendance ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, il est porté en 1980 à la tête de l'Assemblée nationale. Devenu ainsi le dauphin constitutionnel du « Vieux », il lui succède à son décès en décembre 1993.
De son règne qui prit fin avec le coup d'Etat du général Robert Gueï en 1999, on retient surtout le concept de l'Ivoirité, qui impose que tout candidat à la magistrature suprême soit né de père et de mère d'origine ivoirienne. Une disposition constitutionnelle ad hominem contre Alassane Ouattara dont la candidature a été invalidée à la présidentielle de 1995.
Mais cela n'empêchera pas les deux hommes de se rapprocher en 2010 lorsque, arrivé troisième au premier tour, le « sphinx de Daoukro » a apporté son soutien à ADO. La victoire de ce dernier face à Laurent Gbagbo précipita le pays dans une crise post-électorale dont on n'a pas encore fini de panser les plaies.
Mais la lune de miel entre les deux hommes va céder la place à une animosité inextinguible à partir de 2018 dont l'une des manifestations a été le boycott du scrutin de 2020 par le PDCI/RDA à l'appel de l'opposition.
Henri Konan Bédié disparu, deux autres gladiateurs de l'arène politique continuent de se regarder en chiens de faïence en attendant, qui sait, de croiser le fer.
En effet, Laurent Gbagbo déchu de ses droits civiques et politiques suite à sa condamnation dans l'affaire du casse de la BCEAO de Bouaké n'entend pas être un simple spectateur de la présidentielle de l'année prochaine.
En effet, il y a quelques jours, il a été investi candidat de son parti, le PPA-CI, pour l'échéance de 2025. Scrutin auquel ADO pense chaque matin en dégustant son attièkè.
C'est dire que de gros nuages noirs commencent de nouveau à s'amonceler au-dessus de la lagune Ebrié.