Comment les assaillants ont-ils pu pénétrer et opérer dans un quartier aussi sécurisé que la Gombe, en plein coeur de Kinshasa, le 19 mai 2024 ?
L'agence de presse AFP rapporte que le dimanche 21 mai, vers 4h du matin, heure locale, à la Gombe, quartier des ambassades et institutions,une quarantaine d'hommes en treillis venus à bord d'au moins sept véhicules, ont attaqué à l'arme automatique le domicile du ministre de l'Economie.
Il s'agit de Vital Kamerhe, personnage central en ce moment dans la vie politique congolaise. En plus d'être ministre, il est candidat désigné de la majorité au poste du président de l'Assemblée nationale.
Selon l'armée, les assaillants étaient en possession de drones. Il se passera de très longues minutes avant que l'armée intervienne. Certains parlent d'une heure. Et la situation ne sera pas toute suite maitrisée.
Les assaillants se rendent ensuite au palais de la Nation situé non loin de là, au bord du fleuve Congo.
Le bâtiment abrite des bureaux du président Félix Tshisekedi. Ils sont vides la nuit et protégés par des éléments de la Garde républicaine.
C'est la fin du périple du commando, maitrisé par les forces de sécurité. 40 hommes sont arrêtés, quatre autres tués, dont Christian Malanga, présenté comme le chef des assaillants.
Mais alors, comment ces hommes ont-il pu pénétrer dans ce quartier sécurisé et mener ce type d'opération ?
Les institutions sont elles bien sécurisées?
Reagan Miviri, chercheur à l'institut congolais Ebuteli, se demande si la sécurité des lieux est aussi bien organisée qu'elle devrait l'être.
"Il s'agit de la commune de la Gombe, il ne s'agit pas de Bunagana. C'est le quartier où se trouve le bureau du chef de l'État, c'est le quartier où résident les grandes personnalités de cette nation. Deux hypothèses selon moi : soit le lieu n'est pas sécurisé comme il est sensé l'être, soit ils ont bénéficié de complicité interne. Toutes les deux hypothèses sont aussi inquiétantes que graves. "
Quid des services de renseignement extérieurs ?
Le politologue Christian Moleka parle lui, de porosité des systèmes de sécurité, s'interroge sur la capacité de réactivité des forces armées et sur les compétences rélles des services du renseignement extérieur.
"Monsieur Christian Malanga est venu du Kenya. Il a pris un vol de Nairobi pour Brazzaville pour ensuite entrer à Kinshasa. C'est la deuxième personnalité après Corneille Nangaa qui vient du Kenya, on peut donc se poser question sur notre capacité à nous renseigner en dehors des frontières avec les pays voisins, notamment et anticiper les coups plutôt que de les subir, " explique le politologue à la Deutsche Welle.
Pour Christian Moleka, "il y a une vraie remise en question de l'architecture sécuritaire dans le pays, notamment autour du Président. Durant le mandat passé, l'appareil sécuritaire a été très instable. On n'a pas eu des sécuritaires à des postes clés qui ont fait toute une législature. On a vu beaucoup de mouvement au niveau de l'Agence nationale de renseignement (ANR) et au niveau du Conseil national de sécurité (CNS), à telle enseigne qu'on a eu quatre administrateurs généraux (AG) de l'ANR en cinq ans. Les institutions sécuritaires ont été aussi instables que les institutions politiques."
Des réactions dans la région
A l'international, on ne semble pas vouloir accabler les services ou tirer des conclusions trop hâtives.
Le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a condamné fermement la tentative de coup d'État en République démocratique du Congo. Mais a dit se féliciter de la maîtrise de la situation annoncée par l'armée.
Pour sa part, la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a condamné lundi "la tentative de coup d'État" en RDC.
La SADC "condamne avec force la tentative de coup d'État qui a eu lieu le 19 mai 2024 à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC), où des hommes armés ont entrepris d'attaquer les domiciles de membres du gouvernement et celui du Président Félix Tshisekedi", a déclaré le bloc régional dans un communiqué.
Ces événements ont lieu alors que des tiraillements politiques retardent la mise en place du gouvernement et que le pays est confronté dans sa partie est à une grave crise sécuritaire, une rébellion (le M23), soutenue par le Rwanda, occupant de vastes pans de la province du Nord-Kivu.