Dakar — La finance islamique est un secteur en forte croissance en Afrique de l'Ouest, à la mesure de son "potentiel énorme" dont profitent plus les pays développés que ceux en développement, soutiennent des experts prenant part à la neuvième édition du Forum international sur la finance islamique en Afrique de l'Ouest.
Cette rencontre est organisée par l'Institut africain de finance islamique (AIIF).
Elle a pour thème : "Finance islamique et souveraineté alimentaire : opportunités de financement pour les secteurs de l'agriculture, de l'élevage et de l'agro-industrie".
Intervenant à ce forum, Mohamadou Lamine Mbacké, le président de l'AIIF, a souligné la nécessité de "développer l'industrie financière islamique par nos moyens, avec le conseil et la formation".
La finance islamique, signale M. Mbacké, est "un domaine nouveau, à forte croissance économique, qui a un potentiel énorme, dont les pays développés profitent plus que les pays sous-développés et les pays musulmans".
Il souligne toutefois que "beaucoup d'avancées" ont été enregistrées dans le cadre de la promotion de la finance islamique en Afrique.
Mohamadou Lamine Mbacké, le président de l'AIIF
Mohamadou Lamine Mbacké est revenu sur les objectifs du forum en expliquant qu'il "favorise la rencontre des plus grands experts de la finance islamique, dans le but de partager les meilleures pratiques".
"Ce partage d'expériences va aider le Sénégal à brûler les étapes [...] et à profiter des connaissances pour faire avancer le secteur", a-t-il dit.
"Le Nigeria, par exemple, était là lors de notre deuxième édition en 2011. Il était représenté par le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, qui était venu apprendre ce que c'était la finance islamique. Aujourd'hui, ce pays est très avancé et a de grosses banques islamiques", a signalé Mohamadou Lamine Mbacké.
La finance islamique "finance l'économie réelle, elle bannit la spéculation et le taux d'intérêt ; donc l'argent est là pour financer les investissements, avec des produits très spécifiques. Cette finance est très propice à l'agriculture et à d'autres secteurs", a-t-il assuré.
"De façon générale, la finance elle-même peut aider à la souveraineté alimentaire", fait valoir Banassi Ouattara, le directeur de la stabilité financière à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).
M. Ouattara ajoute que "l'avantage de la finance islamique est d'impliquer tous les acteurs". Il juge que la finance islamique est "assez intégrée" à l'économie et a enregistré des "avancées notables".
Banassi Ouattara, le directeur de la stabilité financière à la BCEAO
Cela est d'autant plus vrai qu"'il existe une frange de la population qui ne répond pas à la finance classique en raison de diverses considérations, notamment tout ce qui est consommation d'intérêts ou produits prohibés par la charia", la loi islamique, a fait remarquer Banassi Ouattara.
"Le fait d'aller vers la finance islamique permet d'intégrer cette frange de la population dans le secteur financier, et cela contribue à la politique d'inclusion financière de la BCEAO", a relevé M. Ouattara.
Il signale que la BCEAO a mis en place "un programme de vulgarisation" qui sera lancé "incessamment".
Ce programme devrait permettre de "sensibiliser la population" sur les services financiers et la finance islamique en particulier, selon le fonctionnaire de la BCEAO.
Des "dispositions particulières"
Banassi Ouattara a évoqué la mission de régulation de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest.
"Pour rendre opérationnel ce nouveau mode de financement, d'épargne et d'investissement dans l'Union [économique et monétaire ouest-africaine], la Banque centrale a élaboré des textes régissant des opérations et des produits financiers", a-t-il dit.
M. Ouattara précise que ce cadre réglementaire, conforme aux institutions de finance islamique, est relatif aux "dispositions particulières" qui leur sont applicables et au caractère technique des opérations de ces institutions.
La BCEAO a soumis au Conseil des ministres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine deux projets de texte adoptés par cette instance.
"Au titre de ces textes, il y a la loi portant réglementation bancaire, qui a été adoptée en juin 2023, ainsi qu'une nouvelle loi portant réglementation de l'activité de microfinance dans l'UEMOA, adoptée en décembre 2023", a rappelé M. Ouattara.